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1.1.Définition

Le secteur public algérien se définit comme l’ensemble des entreprises dont le capital est détenu directement ou indirectement par l’Etat. Il comporte 1400 entreprises, affiliées à 36 sociétés de gestion et de participation (hors secteurs des hydrocarbures).

1.2.Evolutions du secteur public algérien : vers un désengagement de l’Etat

Le secteur public algérien a connu un développement continu depuis l’indépendance dans le sens d’un renforcement et d’une extension.13

L’évolution du secteur public s’est réalisée en plusieurs étapes dont la dernière fera l’objet d’un point particulier.

· 1962 à 1971 : Cette période est marquée par les premières nationalisations dans l’industrie (hors hydrocarbures) et par l’occupation des unités industrielles restées vacantes. A partir de 1963, environ 400 de ces unités sont soumises au régime de l’autogestion, régime qui ne sera maintenu, après 1966 que dans l’agriculture.

· Entre 1968 et 1971 : on assiste à une consolidation du secteur d’Etat par la création de sociétés nationales de production industrielle ou de monopole commercial. Ces sociétés nationales, présentes dans tous les secteurs d’activité vont constituer pour l’Etat un moyen de mise en œuvre de sa stratégie de développement. Les nationalisations des intérêts pétroliers étrangers en 1971, parachèvent le processus de constitution d’un service public fort et exclusif. L’entreprise privée est marginalisée et cantonnée à certains secteurs (essentiellement le textile et les industries alimentaires). L’investissement étranger fait l’objet d’une réglementation restrictive qui sera maintenue jusqu’au début des années 1990.

· De 1971 à 1979 : cette période de forte croissance va permettre un développement soutenu du service public par la réalisation d’unités industrielles par des entreprises

13 V.M Ecrement « Indépendance politique et libéralisation économique : un quart de siècle du développement de l’Algérie 1962-1985 » ENAP/OPU, Alger, 1986.

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étrangères dans le cadre de contrats clé en main et produits en main. Le secteur industriel était alors constitué d’une vingtaine de grosses entreprises dont les plus importantes couvrent les secteurs des hydrocarbures et de l’industrie lourde. 14

· Depuis 1980 : cette année marque un changement en matière de choix de développement ; les investissements publics dans l’industrie vont baisser et l’Etat commence à encourager et limiter à certains secteurs. En 1982, les grandes entreprises publiques devenues au fur et à mesure de véritables «monstres » ingérables sont restructurées. Cette restructuration va donner naissance à 500 nouvelles entités. Face à la charge que vont représenter pour l’Etat ces entreprises publiques souvent mal gérées et déficitaires, l’Etat se verra dans l’obligation de réduire la place de ce secteur public.

· 1988-1995 : Durant cette période, un ensemble de réformes sont engagées afin de conférer aux entreprises nationales les moyens de leur autonomie. L’entreprise publique est désormais une personne morale distincte de l’Etat, possédant son autonomie financière. L’Etat crée des structures spécialisées, dénommées « fonds de participation », auxquelles il délègue la gestion de ses participations. La loi domaniale, en 1990, rend cessibles les biens relevant du domaine privé de l’Etat. Cette formule démontrera vite ses limites avec l’accentuation de la crise des liquidités en 1993 et 1994, qui obligera l’Etat à rééchelonner sa dette avec l’aide du FMI.

2. La mise en place d’un nouveau dispositif

2.1. La période 1995-2001

En 1995, un nouveau dispositif à trois niveaux : stratégique, institutionnel et opérationnel est mis en place. Les entreprises publiques sont désormais soumises sans restriction aux dispositions du code de commerce. Le capital est cessible et l’entreprise publique est susceptible de faillite.

Les difficultés financières des entreprises s’aggravant en raison de la chute du dinar et de la hausse des taux d’intérêt, les pouvoirs publics mettent en place en 1996 le dispositif banques/entreprises, conçu comme l’ultime étape de la préparation des EPE à la privatisation.

14 H.Moussa-Benabderahman « la participation des entreprises publiques algériennes au développement » Thèse, Paris V, 1990.

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Il s’agit notamment de permettre aux banques d’intervenir plus activement dans l’accompagnement des entreprises publiques et d’alléger les obstacles majeurs qui freinaient l’activité des entreprises : réduction des sureffectifs, cessions d’actifs, filialisation des activités, recentrage de l’entreprise sur ses métiers de base…

Le travail accompli produit certes des résultats encourageants, mais il demeure insuffisant. L’ordonnance 95-22, rédigée sur le modèle de textes similaires dans d’autres pays et principal texte d’ancrage du programme de privatisation ; la cession d’actifs est en effet rendue possible par l’existence de deux autres canaux officiels. Cette situation, caractérisée par la multiplication des intervenants et la confusion de leurs attributions dans le processus de privatisation, conduit à la création en 1999, d’un ministère de la Participation et de la Coordination des réformes doté de larges attributions.

L’ordonnance promulguée le 20 août est fondée sur les principes directeurs suivants : · La mise en œuvre d’un cadre législatif unique pour la gestion de l’ensemble des

privatisations ;

· La prise en charge par le Ministère de toutes les opérations relatives à la privatisation ; · La mise en œuvre de l’intéressement des salariés aux entreprises à privatiser.

2.2. 2001 à nos jours : Etat actuel du secteur public algérien

Aujourd’hui, ces réorganisations ont permis de transformer les entreprises publiques à caractère économique en sociétés par actions (EPE/SPA) et de supprimer la tutelle de l’Etat dont les droits étaient depuis exercés d’abord par des agents fiduciaires (fonds de participations puis les holdings), auxquels ont été dévolus tous les attributs d’actionnaires et, ensuite, par des sociétés de gestion des participations (SGP) , au nombre de 28, chargées aujourd’hui de gérer les capitaux marchands de l’Etat, détenus par les EPE, et à 18 entreprises de Groupes, dont 11 établissements financiers ayant une position dominante dans la banque et les assurances.

Fortement endettées et déstructurées, la plupart de ces entreprises publiques sont aujourd’hui éligibles à la privatisation ; une ordonnance sur les privatisations a été promulguée en août 2001, clarifiant l’ossature réglementaire en élargissant la privatisation à l’ensemble des segments concurrentiels. Cette loi trace des perspectives claires d’un désengagement net de l’Etat de la sphère économique. Les interlocuteurs des éventuels acquéreurs sont identifiés et leurs responsabilités élargies.

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3. Le désengagement de l’Etat de la sphère économique :

Les reformes structurelles, dont la privatisation des entreprises publiques, engagées par les pays en développement depuis le début des années 1980, ne sont pas des actes spontanés et isolés des gouvernements. Peu de pays ont échappé en effet à ce mouvement de renouvellement des théories économiques sur le rôle de l’Etat. Le désengagement de l’Etat de la sphère économique au moyen de la privatisation des entreprises publiques constitue la forme principale de ce changement. La motivation de ce changement est due principalement à la recherche des solutions à des crises d’endettement et la réduction de recettes extérieures. Cette crise, qui a mis en évidence la vulnérabilité, et la faillite, des systèmes économiques en place, a introduit la nécessité de réformes économiques encouragées par les organismes financiers internationaux, dont le fonds monétaire international et la banque mondiale.

L’Algérie ne peut échapper à ce mouvement mondial est encore moins dans la crise structurelle qu’elle traverse et qui à mis en évidence les défaillances et la vulnérabilité de sa stratégie de développement économique. C’est à partir de 1988, que l’Algérie s’est engagée dans un vaste processus de réformes économiques et politiques. La réorganisation et la restructuration industrielle et financière du secteur public de manière générale et la privatisation des entreprises publiques en particulier sont au centre de ce processus.

3.1.le cadre théorique du désengagement de l’Etat :

Le désengagement de l’Etat de la sphère économique est un vaste mouvement qui implique pour l’Etat des restructurations internes fondamentales pour répondre au besoin de performance et de rationalité économique.

L’Algérie ne peut échapper à ce mouvement mondial de redéfinition fondamentale du rôle de l’Etat, et encore moins dans la crise structurelle qu’elle traverse et qui a mis en évidence les défaillances et la vulnérabilité de son système économique.

3.2. Les différentes formes de désengagement de l’Etat :

Le désengagement de l’Etat a plusieurs acceptions, qui varient d’un pays à l’autre, mais qui admettent, cependant, la privatisation des entreprises publiques comme forme importante de toute politique de désengagement. Généralement deux conceptions coexistent et s’opposent. La conception anglo-saxonne et, notamment, américaine, très large et recouvre toutes les

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formes de désengagement (déréglementation, libéralisation, …)15. A l’opposé, il y a la conception française qui est très restrictive et selon laquelle il n’y a désengagement que lorsqu’il y a transfert de propriété du secteur public au secteur privé.

Pour X. Greffe (1997), le désengagement peut être assuré par la privatisation en notant que « deux grandes stratégies apparaissent :

· Utiliser la concurrence, la concession du service permettant de s’inscrire dans un contexte concurrentiel jusque-là inconnu ;

· Se désengager, la privatisation assurant cet objectif »16.

A.Bizaguet (1992), est, par contre, très large dans sa définition de la désétatisation e soulignant que : « la politique générale de désétatisation dont le processus de privatisation n’est que l’une des expressions,… »17. Comme la notion de désengagement, la désétatisation n’a pas également un contenu précis. Pour B.Jcquillat (1985) la désétatisation est un ensemble de procédures et d’actions dont la mise en œuvre permettra de rééquilibrer la société civile au détriment de l’Etat »18. Pour Benachenhou19, la désétatisation pourrait signifier d’abord le redécoupage dans l’organisation de l’économie, des frontières entre le secteur public économique et le secteur privé, par la privatisation totale ou partielle du premier et l’encouragement du second. Elle peut aussi signifier le retrait de l’Etat du secteur social ; elle peut concerner les formes de gestion sans changement du type de propriété. Enfin elle a un autre sens lorsqu’elle signifie une moindre ou une non-intervention de l’Etat dans la régulation de l’économie.

3.3. Les principales motivations de l’adoption du principe du retrait de l’Etat de la sphère économique :

L’échec du modèle d’industrialisation adopté par l’Algérie à partir de 1966 a commencé à apparaitre au début des années 1980. Malgré des signes apparents, l’Algérie grâce à la relative aisance financière générée par les recettes pétrolières qui étaient assez importantes au cours des années 1970-1985, a entretenu ce modèle avec des aménagements des structures et des modes de fonctionnement de l’appareil économique sans impacte majeur sur l’économie nationale.

15

V.T.PROSSER, La privatisation en Grande Bretagne, inch.Debbash, Les privatisation en Europe, Ed CNRS, Paris, 1989, P247, P107-108.

16

X.GREFFE, Economie des politiques publiques, Ed DALLOZ, Paris, 1997, P.531, P.533.

17

A.BIZAGUET, Le secteur public et les privatisations, PUF, Paris, 1992, P.127, P.120.

18

B.JACQUILLAT, Désétatiser, Ed LAFFONT, Paris, 1985, P.28, P.358.

19

A.BENACHENHOU, L’aventure de la désétation en Algérie, Revue du monde musulman et de la méditerranée, n°3, 1992, P.175-185.

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La crise a été réellement consommée en 1986 avec la double chute des prix du pétrole et du dollar.

Cette crise, qui a mis en évidence les rigidités et les faiblesses du modèle d’industrialisation adopté au lendemain de l’indépendance, a conduit les pouvoirs publics à admettre officiellement la nécessité impérieuse d’engager des reformes globales et structurelles de l’économie nationale, dont le retrait de l’Etat de l’activité économique et la promotion et le développement du capital privé.

Cette grave crise et ses effets socio-économiques négatifs, voire politiques, est le résultat de « la pétrolisation de l’économie et de l’endettement industrialisant, deux facettes du modèle pétro-exportateur »20.

L’une des ses conséquences directes est l’adoption du principe de désengagement de l’Etat de la sphère économique. Cette option a été confirmée et renforcée par la conditionnalité des plans d’ajustement structurel du FMI et de la Banque Mondiale engagés officiellement en 1994 après de vaines tentatives d’ajustement autonome de 1986 à 1988.

3.4. Le désengagement de l’Etat de la gestion directe de l’économie :

La chute brutale du prix du baril du pétrole en 1986, et la réduction des recettes extérieures qui en a découlé, a révélé les faiblesses structurelles de l’économie nationale. La situation d’étouffement à laquelle a abouti le processus de développement de l’économie a donc montré les limites du « tout Etat » et du modèle d’industrialisation adopté au lendemain de l’indépendance.

La mise en place d’une économie régie par les mécanismes du marché va donc conduire l’Etat à revoir sa participation dans la sphère économique, le statut de la proprièté et les formes de gestion des capitaux marchands publics et à adapter l’environnement économique et institutionnel.

De nombreuses actions de désengagement de l’Etat ont été mises en œuvre à partir de 1988, dont, notamment :

· La privatisation par commercialisation ou autonomie de gestion de l’entreprise publique et la mise en place d’agents fiduciaires chargés de la gestion des capitaux marchands de l’Etat (1988) ;

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· La mise en place de holdings publics avec un statut de société par actions jouissant sur le plan du droit des attributs de la propriété (1995) ;

· La promulgation d’une loi sur la privatisation des entreprises publiques (1995) ;

· La promulgation d’une loi favorisant le développement et la promotion de l’investissement privé (1990-1993) ;

· La réforme de l’environnement par la mise en œuvre de mesures tendant à la mise en place des institutions mécanismes du marché (ou la préparation des conditions préalables à la privatisation).

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Section III : Privatisation et la gestion des entreprises publiques en Algérie