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MULTIDISCIPLINAIRE EN MILIEU METAMORPHIQUE

D. Evolution du paysage post hercynien

Après l’Hercynien, il est difficile de révéler les déformations cassantes liées aux orogènes pyrénéen et alpin au sein du massif de Saint-Malo. Par contre le relief, sujet à l’altération et l’érosion, prend des allures variables selon les époques. Les principaux facteurs responsables de l’altération sont les mêmes quel que soit le type de roches, cependant leur influence ne se manifeste pas de la même façon sur différentes lithologies. Simon-Coinçon et al. (1997) notent l’influence essentielle de facteurs extérieurs comme les variations climatiques et l’évolution du niveau de base de la mer (déjà relevée par Durand, 1960), soit à l’échelle globale (eustatisme), soit à l’échelle locale (surrections tectoniques ou subsidences, qui contrôlent d’après Wyns (2002) le potentiel d’enfoncement des profils d’altération), mais relèvent également le rôle du paysage préexistant sur l’évolution de celui-ci. Cette histoire est difficile à reconstituer dans son intégralité, dans la mesure où l’érosion d’un paysage vient détruire les traces des événements précédents. Donnons un aperçu des périodes d’altération pertinentes relevées dans le Massif Armoricain, ainsi que des diverses approches mises en œuvre pour cette reconstitution.

1) Périodes d’altération dans le Massif

Armoricain

Wyns (1991) s’est intéressé particulièrement aux surfaces d’érosion (pénéplaines) de la Bretagne, et en relève quatre principales : les surfaces préliasique, précénomanienne, paléogène et néogène, d’âges respectifs moyens 205 Ma, 100 Ma, 50 Ma et 15 Ma d’après Foucault et Raoult (2001).

La première est mal connue car très peu étudiée. Guillocheau et al. (2003) notent un aplanissement à cette période dans l’actuel domaine sud-ouest du massif armoricain.

Au Jurassique-Crétacé inférieur est associée une période modérément humide (Tardy et Roquin, 1998), au cours de laquelle les roches sont altérées. L’hydrolyse des différents cristaux au sein de la roche mère produit des argiles de décomposition, dont la séquence d’apparition en fonction du degré d’altération a été étudiée par Tardy (1969). Quelques horizons argilisés sur plusieurs dizaines de mètres, ou profils d’altérites précénomaniennes, ont été ainsi décrits dans le Massif Armoricain (Wyns, 1991).

Une période beaucoup plus humide et chaude s’étend du Crétacé supérieur à la fin de l’Eocène (Tardy et Roquin, 1998). Sous l’influence de ce climat agressif, les roches émergées subissent une érosion puis une altération importante. Au cours d’une période comme celle-ci où le développement d’un couvert forestier important empêche le transport de matériaux détritiques (phénomène appelé biostasie), les sédiments déposés résultent en principe de la recristallisation d’éléments chimiques dissous pendant l’altération météorique des roches en place (Erhart, 1967). Une période de rhexistasie (disparition du couvert végétal et érosion intense des sols (Erhart, 1967) et des profils d’altération) au cours de l’Yprésien (Eocène inférieur) est relevée par Estéoule-Choux (1967) grâce à l’observation de dépôts argileux importants résultant du décapage d’horizons précédemment altérés. Elle suppose qu’une légère modification du climat, devenu un peu moins humide mais toujours aussi chaud, laisse la forêt dépérir par un assèchement progressif et une surconcentration des solutions du sol. Une fois la protection du sol disparue, le climat resté assez humide lessive les matériaux meubles et remet les roches saines à nu. Comme ce climat agressif se prolonge, une nouvelle phase de biostasie avec formation de profils d’altérites importants recommence. Plus récemment le paramètre tectonique a été invoqué (Wyns, 1991; Wyns, 2002) pour expliquer une érosion intense suivie d’un approfondissement des profils d’altération : la surrection d’une grande partie de la France, liée à une déformation de grande longueur d’onde en réponse à une compression N-S due à la convergence Afrique-Eurasie (flambage lithosphérique dit « pyrénéen ») a été mise en évidence à la limite du Crétacé-Tertiaire (Guillocheau et al., 2003). Wyns (1991) note en Bretagne un exhaussement de plus de 120 m, qui aurait été résorbé au cours de l’Oligo-Miocène. Une succession de phases biostasiques et rhexistasiques complexes au cours de l’Eocène conduit à la formation de la surface paléogène (Wyns, 1991). Les altérites de cette période, très développées sur la bordure nord du Massif Central (Simon-Coinçon et al., 1997; Simon- Coinçon et al., 2000), sont connues sous le nom de « Sidérolitique » (Wyns, 1991). La dernière surface connue, la surface néogène, semble n’être associée qu’à de faibles altérations (Wyns, 1991), ce qui paraît compatible avec un épisode relativement froid et sec au Miocène supérieur (Tardy et Roquin, 1998).

On retient surtout le Précénomanien et le Paléocène-Eocène pour la création des profils d’altération importants, aujourd’hui reconnus en Bretagne (Guillocheau et al., 2003), en sachant que les altérites précénomaniennes ont été moins observées que les autres.

2) Profils d’altération en milieu cristallin

Nous avons vu que l’altération ne se manifestait pas de la même façon sur différentes lithologies. Attachons-nous maintenant à décrire les profils d’altération en milieu cristallin, puisque c’est ce type de milieu que l’on trouve sur le Massif de Saint-Malo.

Grâce aux études de Wyns et al. (2004), on reconnaît aujourd’hui l’existence de deux horizons stratiformes (Figure 1-6) dans le profil d’altération des roches de socle développé sur la roche saine sous-jacente :

- Des altérites ou arènes, argileuses ou argilo-sableuses, sont développées en surface sur plusieurs dizaines de mètres d’épaisseur lorsque le profil est complet. Ces formations, très meubles car bien altérées, constituent le compartiment peu perméable, mais capacitif, de l’aquifère. Cet horizon d’altération joue donc le rôle principal dans le stockage des ressources en eau. Compte tenu de sa faible perméabilité, l’eau qui y séjourne acquière une minéralisation importante, avec une signature géochimique caractéristique ;

- Entre la roche saine imperméable et les altérites de surface, il faut noter l’existence d’un horizon intermédiaire appelé horizon fissuré, l’origine des fissures étant souvent attribuée à la décompression (Davis et Turk, 1964; Acworth, 1987; Wright, 1992), cités par Lachassagne et al. (2001), et pouvant atteindre des épaisseurs de l’ordre de la cinquantaine de mètres. Il constitue en fait la première étape d’altération de la roche saine (Lachassagne et al., 2001; Wyns et al., 2004), au cours de laquelle les biotites sont transformées au contact de l’eau en chlorite puis en argiles gonflantes. L’augmentation du volume qui résulte de cette altération produit des contraintes à l’intérieur de la roche, ce qui provoque une fissuration sub- horizontale dans le cas d’une roche homogène. Plus l’altération progresse, plus l’espacement entre les fissures se rétrécit (progression de bas en haut sur un profil), jusqu’à atteindre un écart de la taille des minéraux, où la roche commence à s’aréniser. Contrairement aux altérites, ce milieu présente une perméabilité élevée et forme la partie transmissive de l’aquifère.

Figure 1-6. Modèle de développement d’un profil d’altération selon Wyns et al. (2004)

3) Modelé du relief actuel

Pour terminer l’histoire géologique et géomorphologique du Massif de Saint-Malo, étudions brièvement les périodes pendant lesquelles s’est modelé le relief actuel. Les premiers systèmes fluviaux reconnus sont datés du Mio-Pliocène (van Vliet- Lanoë et al., 1998). Ces systèmes semblent montrer des profils d’aggradation (avec dépôt de sédiments liés à une transgression marine) plutôt que d’érosion (Bonnet et al., 2000). Cependant les systèmes fluviaux actuels ne suivent pas tout à fait les mêmes réseaux que ceux du Mio-Pliocène et sont datés du Quaternaire (Bonnet et al., 2000; Jost, 2005). Il est également montré que l’incision des vallées au cours du Quaternaire s’est effectuée en deux étapes majeures (Bonnet et al., 2000), avec une légère surrection tectonique de 30 m entre les deux. Une succession de transgressions / régressions marines d’amplitude 5 m liée aux variations climatiques de cette période a permis un apport de sédiments marins dans les vallées, notamment la tangue flandrienne au sein de l’Arguenon (Milon, 1955).

E. Synthèse des connaissances