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CHAPITRE I CONTEXTE ENVIRONNEMENTAL

I.3 EVOLUTION PALEOCLIMATIQUE HOLOCENE EN BRETAGNE

I.3.2 EVOLUTION DU NIVEAU MARIN RELATIF ET MECANSIMES FORCANT

· RECONSTRUCTIONS DU NIVEAU MARIN

Durant le Dernier Maximum Glaciaire (DMG), il y a environ 20 ka BP (DMG entre 19 et 23 ka BP sensu EPILOG ; Mix et al., 2001), de grandes calottes glaciaires recouvraient l’Hémisphère Nord (notamment la Laurentide sur le Nord du continent américain, la calotte britannique ou BIIS pour « British Irish Ice Sheet », et la calotte Fennoscandienne sur le Nord de l’Eurasie), induisant consécutivement une baisse du niveau marin relatif de l’ordre de 120 m (Shennan et al., 2012).

En Europe, le maximum d’extension méridionale des glaces se situait au Sud de la Grande Bretagne, qui était alors recouvert par la BIIS. La cause initiatrice de la fonte des principales calottes glaciaires et de la remontée consécutive du niveau marin est d’origine orbitale : il s’agit de l’augmentation de l’insolation estivale à 65°N qui contrôle la dernière transition glaciaire-interglaciaire (Berger et Loutre, 1991). Néanmoins, à la fonte de glace d’origine continentale (impact global) se superposent des changements locaux et régionaux lorsque l’on considère l’élévation relative du niveau marin (Leorri et al., 2012). Ainsi, à l’échelle régionale, les courbes eustatiques reconstruites peuvent significativement dévier des courbes de niveau marin global (Stammer et al., 2013). Il y a donc autant de courbes de niveau marin que de régions étudiées. Ceci vient notamment du fait que le niveau marin tient compte de mouvements verticaux inhérents aux réajustements hydro- et glacio-isostatiques.

Ainsi, les travaux menés sur le relèvement eustatique Holocène ont abouti à différentes représentations, faisant toujours l’objet de controverses. Alors que certains mettent en avant une courbe continue de remontée du niveau marin (Fleming et al, 1998 ; Baeteman, 2008), d’autres présentent au contraire une remontée marquée par une succession d’oscillations à partir de 6 ka BP, période caractérisant le maximum d’inondation

post-56 glaciaire (Fairbridge, 1961 ; Jelgersma, 1969 ; Morzadec-Kerfourn, 1974 ; Gandouin, 2003). Plus récemment, Meurisse-Fort (2007) a montré que le relèvement continu du niveau marin depuis 6 ka BP pouvait être l’expression d’un artefact lié à l’augmentation de la force et de la violence des tempêtes, ce que confirment indirectement les travaux de Tessier et al. (2010) sur l’évolution des faciès en Baie du Mont St-Michel. Il semble donc que le Nord-Ouest de l’Europe connaisse un enregistrement des fluctuations spécifiques et/ou de plus forte amplitude que la courbe eustatique mondiale, exprimant probablement le comportement différent à celui de l’Atlantique Nord.

En comparaison avec les autres pays européens situés en bordure de l’Océan Atlantique Nord, la variation du niveau marin relatif le long de la façade Atlantique française a été très peu étudiée. En Bretagne, par exemple, trois études ont été réalisées pour la reconstitution du niveau marin sur les 6,000 dernières années. La première étude (Morzadec-Kerfourn, 1974) a porté sur l’analyse des tourbes affleurant sur les plages Nord Bretagne et la seconde (Stephan, 2008) a porté sur l’étude des assemblages de foraminifères benthiques dans les marais maritimes de la Rade de Brest. Plus récemment, dans le cadre de la thèse de Jérôme Goslin (2014), des sondages (Figure 27) ont été effectués dans les marais littoraux du Nord et Sud Finistère, avec pour cadre stratigraphique la seconde partie de l’Holocène, afin de repérer et dater des niveaux eustatiques significatifs dans la stratigraphie régionale.

Figure 27. Carte des sites pris en compte dans la reconstruction des niveaux eustatiques Holocène par Goslin et al., 2013.

Ainsi, à l’échelle de la Bretagne, il a été montré que le niveau marin relatif a augmenté de 6 m depuis 7,000 ans (Figure 28) et ne semble pas suivre un rythme transgressif constant. Deux points d’inflexion centrés autour de 6 ka BP et 4.5 ka BP ont ainsi été observés (Goslin

57 et al., 2013 ; Goslin, 2014 ; Stephan et al., 2014). Ces auteurs rejettent ainsi l’évènement régressif très important (-4 m) noté entre 3 et 2.7 ka BP (Stéphan, 2008), précédemment impliqué pour la mise en place des systèmes dunaires de l’Age du Bronze.

Cette anomalie dans les courbes eustatiques a été imputée à l’impact morphologique des tempêtes, plus récurrentes à cette période, dans un contexte de remontée du niveau marin (Goslin et al., 2013 ; Van Vliet-Lanoë et al., 2014a). Cette période est ainsi marquée par un hiatus sédimentaire dans la quasi-totalité des enregistrements côtiers étudiés en Bretagne (Morzadec-Kerfoun, 1974 ; Visset et al., 1994 ; Barbier et al., 1997 ; Cyprien, 2002; Stéphan, 2008) et serait liée, selon Goslin (2014), à une incision des cours d'eau côtiers en réponse à leur perte de compétence induite par la hausse du niveau marin et de la nappe aquifère côtière. Ces bas niveaux dans la courbe eustatique correspondraient ainsi à des surfaces d’érosion temporaires causées par les tempêtes des zones littorales et estuariennes (Van Vliet-Lanoë et al., 2014a). Dans ce contxete, les dunes littorales holocènes correspondraient à une anomalie anthropique forcée par l’érosion agricole des sols (Van Vliet-Lanoë et al., sous presse).

Figure 28. Evolution du niveau marin relatif en Bretagne, à partir des niveaux de tourbes de base (sur substrat non compactable) (Goslin, 2014).

· SCENARII DES FORCAGES IMPLIQUES DANS LES TEMPETES MAJEURES SUR L’HOLOCENE

Des études stratigraphiques couplées à des datations radiocarbones sur les enregistrements côtiers permettent de déterminer les épisodes de tempêtes ainsi que leur chronologie sur l’Holocène. Ces dépôts datés puis corrélés à des données historiques montrent

58 bien la pertinence de l’utilisation des dépôts sableux comme traceurs des paléo-tempêtes (Liu et Fearn., 1993 ; Zong et al., 1999 ; Sorrel et al., 2010 ; 2012 ; Van Vliet-Lanoë et al., 2014b). En Bretagne, les traces laissées par les tempêtes dans les archives sédimentaires côtières holocènes se matérialisent par des dépôts épais de sables. Des études régionales (cf. chapitre II) et multi-sites ont permis de dégager des périodes de tempêtes dans le secteur de la péninsule bretonne. Des études menées à l’échelle de l’Europe du Nord mais aussi de l’autre côté de l’Atlantique permettent aussi de dégager des périodes de fortes tempêtes synchrones avec celles retrouvées en Bretagne, suggérant un forçage climatique commun impliquant une réorganisation de la configuration atmosphérique et océanique à l’échelle de l’Atlantique Nord (cf. partie de ce manuscrit I.2.2).

Quatre configurations ont été déterminées à partir d’une analyse empirique des données atmosphériques et océaniques qui caractérisent les périodes de fortes tempêtes repérées sur les six derniers millénaires dans la région Bretagne (Figure 29 ; Van Vliet-Lanoë et al., 2014b). En période de refroidissement, comme le Petit Age Glaciaire, les zones de fortes précipitations se décalent vers le Sud. Ainsi, lorsque les pôles se refroidissent, en raison de la baisse d’irradiance solaire, l’air froid (haute pression) s’accumule sur cette zone et s’écoule vers les latitudes tempérées. Le « Jet Stream » se met alors à onduler, voire est parfois interrompu.

Figure 29. Différentes configurations des modes NAO et AMO lors des évènements de tempêtes en Bretagne (Van Vliet-Lanoë et al., 2014b).

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I.4 EVOLUTION DES PAYSAGES : CLIMAT VERSUS