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Evolution neurologique et neuropsychologique

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 27-32)

PREMIERE PARTIE : ETAT DE L’ART

Chapitre 1. La maladie d’Alzheimer et son atteinte précoce

1. De la nécessité de comprendre les stades précoces de la maladie d’Alzheimer

1.2. Evolution neurologique et neuropsychologique

Deux mécanismes sont en jeu dans l’évolution de la maladie d’Alzheimer : l’apparition de plaques amyloïdes et des dégénérescences neuro-fibrillaires.

Les plaques amyloïdes

Premières découvertes parmi les caractéristiques anatomopathologiques de la maladie d’Alzheimer, les plaques amyloïdes (ou « plaques séniles ») sont des lésions extra-cellulaires constituées de substance amyloïde et de neurites dystrophiques (Khachaturian, 1985 ; Mirra et al., 1991). Ces plaques amyloïdes se multiplient de façon diffuse dans tout le néocortex et l’hippocampe. Elles sont le produit de l’accumulation extracellulaire du peptide « β-amyloïde » (ou Aβ42, pour les 42 acides aminés qui le constituent), résultat d’un clivage anormal par l’enzyme β-sécrétase de l’APP (de l’anglais, « Amyloïd Protein Precursor »), glycoprotéine de la membrane des neurones. D’un point de vue physiologique, l’APP est normalement clivé par des sécrétases en des peptides non neurotoxiques. Dans la maladie d’Alzheimer, l’Aβ42, ainsi anormalement obtenue, est pathogène et insoluble. L’agrégation en dépôts de celui-ci dans le milieu extracellulaire, entourés d’une couronne de débris gliaux et neuronaux, va constituer les plaques amyloïdes. Ces plaques permettraient l’entrée anormale de calcium dans le neurone, entraînant l’activation de la microglie (réaction inflammatoire) et par la suite la mort inéluctable du neurone par nécrose ou apoptose.

Figure 1. Schéma représentatif du clivage de la protéine APP par trois sécrétases : α, β, γ. (Extrait de Sisodia &

St-George-Hyslop, 2002)

Le deuxième mécanisme accompagnant la maladie d’Alzheimer est le développement de dégénérescences neurofibrillaires (DNF) ou pathologie tau. Le cytosquelette, armature des axones des neurones, est formé de l’assemblage de microtubules constitués majoritairement par une protéine, la tubuline, dont la stabilité est assurée essentiellement par une macromolécule, la protéine tau. Lors de la DNF, les protéines tau sont phosphorylées de façon excessive (on parle d’hyperphosphorylation). Ces protéines vont alors se détacher des microtubules, et elles vont se conformer en paires de filaments hélicoïdaux pathologiques, qui vont s'agréger en amas de neurofibrilles. Cette pathologie du cytosquelette des neurones va perturber l’acheminement des substances nécessaires au bon fonctionnement du neurone jusqu’au corps cellulaire, entraînant par la suite la mort du neurone.

Figure 2. Protéine Tau et Tauopathie (Adapté de ADEAR: "Alzheimer's Disease Education and Referral Center, a service of the National Institute on Aging.")

Progression des dégénérescencs neurofibrillaires

A ce jour, il n’existe pas de lien direct identifié entre ces deux mécanismes. Braak et Braak (1985, 1991, 1993) ont montré que, contrairement aux plaques amyloïdes, les DNFs se développent de façon séquentielle dans le cerveau. Les auteurs ont distingué 6 stades, corrélés au fonctionnement cognitif. Aux premiers stades (I et II), les stades entorhinaux, les DNFs débutent dans le cortex transentorhinal (stade I), région intermédiaire entre le cortex entorhinal et le cortex temporal adjacent, sous-région du cortex périrhinal, correspondant à l’aire 35 de Brodmann (Barbeau et al., 2004). Elles progressent ensuite dans la couche II du

limbiques (III et IV), les DNF s’accumulent dans les régions déjà affectées et s’étendent à l’amygdale et au néocortex temporal adjacent (stade III) et au subiculum (stade IV) (voir

« Les régions sous-hippocampiques », p. 53 et suivantes, pour une description plus détaillée de l’anatomie de ces régions). Enfin, aux stades néocorticaux (V et VI), tandis que les dépôts des DNF continuent de progresser, les néocortex associatifs (stade V), puis sensoriel et moteur (stade VI), vont être atteints de telle sorte qu’à ces stades, la quasi-totalité du cortex cérébral se trouve touché (Figure 3).

Figure 3. Evolution des DNF dans la maladie d’Alzheimer. (A) Progression des DNF dans le lobe temporal interne au cours des six stades distingués par Braak et Braak (1991). (B) Localisation et chronologie des zones

affectées par les DNF en fonction de l’âge et des stades de progression (Braak & Braak, 1997)

A la suite de ces travaux, une étude importante (Delacourte et al. 1999) rapporta la progression de DNF plus précisément encore, en particulier concernant leur diffusion dans les régions du néocortex. Ces auteurs distinguent 10 stades, correspondant aux 10 régions successivement touchées par les DNF dans la maladie d’Alzheimer. Ils montrent que, dans un ordre pratiquement invariable et hiérarchique, les DNF envahissent successivement l’hippocampe, les régions corticales très associatives puis les régions corticales primaires ou motrices. Plus précisément, les régions cérébrales touchées sont synthétisées dans la Figure 4.

Figure 4. Modèle hiérarchique de la progression des DNF. En ordonnées : stades de 1 à 10 ; en abscisses : aires de Brodmann (BA) (adapté de Delacourte et al, 1999)

Progression clinique

Du point de vue clinique, les symptômes de la maladie corrèlent avec la progression des DNF.

Ainsi, l’histoire de la maladie d’Alzheimer se caractérise par trois phases : la phase préclinique, la phase prédémentielle et la phase démentielle. La phase préclinique débuterait plusieurs années avant le diagnostic (Snodon et al. 1996 ; Amieva et al. 2008 ; Sperling et al.

2011 ; Jack et al. 2013). Pendant une période pouvant s’étendre sur 10 à 15 ans, les lésions cellulaires s’installent progressivement mais restent silencieuses sur le plan clinique. La phase prédémentielle suit alors, avec l’apparition de difficultés cognitives. On estime qu’elle dure entre 3 et 5 ans. Elle est accompagnée des premiers troubles des fonctions mnésiques, mais parfois aussi des fonctions exécutives, et peut comporter des modifications subtiles du comportement (baisse de motivation, perturbations affectives, etc.). A ce stade, l’autonomie du patient reste préservée. Enfin, avec la phase démentielle et les lésions qui s’étendent et atteignent le néocortex, survient l’aggravation des troubles cognitifs et comportementaux. En particulier, le patient perd son autonomie et devient dépendant. Ce tableau clinique caractérise l’entrée dans la démence.

Hypothèse de la cascade Amyloïde

En 1992, Hardy et Higgins ont posé l’hypothèse de la cascade amyloïde, depuis largement reprise dans la littérature. Ce modèle considère la production puis l’agrégation d’amyloïde-β comme le phénomène à l’origine des autres atteintes cérébrales qui surviennent dans la maladie d’Alzheimer. Les pathologies associées à la protéine tau (tauopathies), sont alors

hypothèse, jusqu’à présent dominante, est cependant contestée, notamment sur la base d’études anatomopathologiques mettant en évidence la précocité de dépôts localisés des DNF et de la protéine tau anormalement phosphorylée (Braak & Braak, 1997 ; Braak & Del Tredici, 2011 ; Chételat, 2013).

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Figure 5. Illustration de la cascade amyloïde.(Extrait de Forlenza et al., 2010).

Aujourd’hui encore, le diagnostic de certitude ne reste possible qu’après examen anatomopathologique. Néanmoins, en se basant sur l’analyse combinée de plusieurs paramètres, les cliniciens peuvent établir un diagnostic de maladie d’Alzheimer « probable ».

Ce diagnostic peut être posé à différents stades de l’évolution de la maladie. Cela dépendra du moment de la première consultation du patient et du caractère typique des profils des résultats des diverses explorations cliniques et paracliniques réalisées, et cette démarche peut s’avérer délicate voire inopérante dans certains cas. C’est pourquoi, il est nécessaire de pouvoir se baser sur des critères précis de diagnostic.

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