1 Les lymphomes non hodgkiniens
2.3 Place de l’immunothérapie dans le traitement standard
2.3.4 Evolution de l’immunothérapie et nouvelles thérapies ciblées
Comme nous l’avons vu, de nombreux mécanismes de résistance au rituximab ont été
identifiés. La compréhension de ces mécanismes a permis dans un premier temps de synthétiser
de nouveaux anti-CD20 (anti-CD20 de 2e puis de 3e génération) présentant une meilleure
tolérance (anticorps humanisés ou entièrement humains) et/ou efficacité que le rituximab. Les
anticorps anti-CD20 de 2egénération incluent l’ocrelizumab, le veltuzumab and l’ofatumumab.
L’ocrelizumab et le veltuzumab sont des anti-CD20 humanisés alors que l’ofatumumab est un
anti-CD20 entièrement humain. L’ocrelizumab présente une affinité de liaison plus importante
que le rituximab aux variants de faible affinité du récepteur FcγRIIIa et a montré son efficacité
chez des patients réfractaires ou en rechute après le traitement au rituximab. Le veltuzumab
est un anticorps anti-CD20 humanisé très proche du rituximab, et dont la modification
structurale augmente ses capacités de liaison lui permettant une meilleure activation du
mécanisme CDC en comparaison avec le rituximab. L’ofatumumab est un anticorps
spécifiquement un épitope englobant à la fois la petite et la grande boucle extracellulaires du
CD20 (Figure 5), permettant une augmentation de l’activation du complément. Cet anticorps a
démontré sa capacité à provoquer la lyse cellulaire, aussi bien dans les cellules à expression
élevée et basse de CD20 que dans les cellules résistantes au rituximab. Cet anti-CD20 est celui
le plus avancé dans le développement clinique. Il pourrait avoir encore une meilleure efficacité
lors de son association avec la chimiothérapie, ce qui est testé actuellement dans les essais
cliniques notamment sur les DLBCL. Des anticorps anti-CD20 de 3e génération sont en cours
de validation ; contrairement à ceux de 2e génération c’est ici la région Fc de l’anti-CD20 qui
est modifiée. L’objectif principal de ces nouveaux anti-CD20 est d’augmenter l’efficacité
thérapeutique chez tous les patients, et notamment ceux qui présentent des variants de faible
affinité des récepteurs FcR sur les cellules effectrices immunitaires responsables de l’ADCC
(Singh et al., 2015).
Bien que les anti-CD20 aient un grand avenir dans le traitement des LNH, la grande
diversité des mécanismes moléculaires impliqués dans ces pathologies et la stabilisation des
taux de survie à des taux d’environ 60% à 5 ans nécessitent la mise en place d’autres formes de
traitements. En effet, malgré l’extrême hétérogénéité de ces lymphomes, la base du traitement
standard est la même (R-CHOP) ce qui oriente progressivement les recherches vers des
thérapies de plus en plus ciblées, voir même personnalisées.
Dans le cas du DLBCL, plusieurs cibles moléculaires ont été identifiées parmi lesquelles
celles en lien avec les régulateurs de l’activation des cellules B ou T. Parmi les stratégies, on
trouve notamment des anticorps monoclonaux dirigés contre divers récepteurs membranaires
impliqués dans l’activation des lymphocytes B comme le CD22 (epratuzumab), le CD40
(dacetuzumab), des anticorps capables d’interférer avec l’inhibition des lymphocytes T
(ipilimumab, anti-CTLA4), ou des anticorps bi-spécifiques capables d’activer les lymphocytes
T au contact des cellules B tumorales (blinatumomab, anti-CD3/CD19). Ces anticorps
thérapeutiques sont pour la plupart testés en association avec le rituximab et sont en cours
d’essais cliniques.
En parallèle, les connaissances acquises sur les voies de signalisation dans les DLBCL ont
permis le développement des nouvelles molécules thérapeutiques ciblant notamment la
signalisation du BCR, qui est constitutivement activée dans ces lymphomes amenant à
l’activation constitutive des voies de survie en aval. Ainsi, ces dernières années plusieurs
inhibiteurs pharmacologiques sont entrés en clinique pour traiter les patients avec par exemple :
des inhibiteurs de kinases de la voie de signalisation de BCR telles que Syk (fostamatinib), Btk
(Ibrutinib) et PI3K/mTOR (Idélalisib et NVP-BKM120 /évérolimus et temsirolimus), des
inhibiteurs directs et indirects de la voie NF-B (Bortézomib, Z-PVRPR-FMK/lénalidomide),
ou des inhibiteurs de kinases associées à la voie des TLR (ND-2158). Ces molécules
pharmacologiques sont pour la majorité en cours d’essais cliniques; elles n’ont pas, la plupart
du temps, d’influence significative sur la survie des patients lorsqu’on les administre seules,
mais pourraient apporter un bénéfice en association avec le rituxmab ou le traitement R-CHOP
(Camicia et al., 2015). Cependant, si certaines molécules associées au rituximab ont permis
d’améliorer sensiblement la survie des patients (ex : association lénalidomide/ rituximab dans
le cas de patients atteints de DLBCL en rechute ou réfractaire), certains protocoles se sont
avérés avoir un effet antagoniste du rituximab comme les inhibiteurs des voies Btk ou
PI3K/Akt/mTor. En effet, comme on l’a évoqué à propos des mécanismes de régulation de
l’expression du CD20, certaines signalisations cellulaires seraient impliquées dans
l’augmentation de l’expression membranaire du CD20. En inhibant ces signalisations, on
déclencherait une diminution de l’expression du CD20 contre carrant les effets cytotoxiques du
rituximab (Winiarska et al., 2014, Kohrt et al., 2014, Camicia et al., 2015). Ces résultats
montrent que le développement de nouveaux traitement, basés sur des combinaisons avec des
inhibiteurs de signalisation notamment kinasiques et des anti-CD20 devra être précédé d’une
évaluation préclinique détaillée de leurs effets sur les cellules cibles, afin d’identifier
d’éventuelles interférences entre les traitements.
Du fait de l’extrême hétérogénéité de ces lymphomes au niveau des tumeurs et entre les
différents patients, et la faible efficacité observée des monothérapies, il est devenu évident que
les nouvelles stratégies devront associer plusieurs drogues en plus des traitements standards.
L’objectif serait de cibler les voies de signalisations fortement activées, et de façon spécifique
à chaque patient, pour aller vers des traitements plus personnalisés. Ces traitements devront être
précédés d’études visant à identifier les patients pouvant bénéficier de telle ou telle thérapie
ciblée, et prendre en compte aussi les divers types moléculaires déjà identifiés pour ces DLBCL.
Cela sous-entend d’avoir accès à la signature génétique et moléculaire de chaque patient et/ou
de biomarqueurs cliniques hautement spécifiques de chaque sous-type moléculaire. C’est dans
ce contexte que se situe notre travail de thèse au laboratoire. Notre objectif a été d’analyser
les conditions de sensibilisation aux anti-CD20 (rituximab) en recherchant de nouvelles cibles
moléculaires impliquées dans l’échappement thérapeutique, et pouvant être utilisées comme
Dans le document
Résistances/sensibilisations aux anti-CD20 (rituximab) dans les lymphomes diffus à grandes cellules B (DLBCL)
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