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Evolution de l’efficacité de collecte et de la perte de charge

II. Etude expérimentale du colmatage de lits granulaires

II.2 Résultats expérimentaux

II.2.3 Evolution de l’efficacité de collecte et de la perte de charge

Les résultats des expériences réalisées dans les conditions décrites précédemment, sont présentés dans cette partie et analysés afin d’obtenir plus d’informations sur la cinétique de colmatage des lits granulaires par des nanoparticules. Ces informations doivent contribuer au développement d’un outil de prédiction de l’évolution de l’efficacité et de la perte de charge au cours du colmatage. Les résultats expérimentaux sont présentés par paire efficacité/perte de charge pour chacune des configurations expérimentales utilisées (Figure II-6). On notera que, pour l’expérience 2, trois courbes sont représentées sur la Figure II-6 correspondant à la répétition de cette expérience comme explicité dans la Tableau II-2.

Exp. Efficacité Perte de charge

1

2

43

4

5

6

Figure II-6 Résultats expérimentaux d'évolution d'efficacité et de perte de charge pour chaque configuration (ID 1 à 6)

D’après ces résultats expérimentaux, il apparait que la filtration des nanoparticules par lit granulaire peut schématiquement se diviser en trois phases (A, B, C) indépendamment de la taille des collecteurs, de la nature des particules ou de la vitesse superficielle.

Durant la phase A, la perte de charge et l’efficacité présentent une faible évolution. Ceci semble donc indiquer que le dépôt formé durant cette période ne modifie pas ou peu la structure interne du lit granulaire en termes de porosité, de taille ou encore de forme des collecteurs. La vitesse dans les pores, i.e., interstitielle, n’est par conséquent pas significativement augmentée par une réduction de leur section non-obstruée. La durée de cette première phase, en termes de masse collectée, est variable et dépend à l’échelle d’un pore de la fraction de son volume initial occupée par le dépôt. La masse déposée critique provoquant le passage à la phase B devrait donc être fonction du diamètre initial des collecteurs, dont dépend directement celui des pores, de la vitesse interstitielle ainsi que du diamètre et de la masse volumique des particules. La vitesse interstitielle est importante à prendre en compte car elle influence en partie la porosité du dépôt en surface des collecteurs et par conséquent son volume (Thomas et al. 2014). Enfin, il est également intéressant de constater que dans une minorité de cas (expériences 2c et 4) l’évolution de l’efficacité se fait suivant un autre schéma comportant une 4ème phase.

44 En effet, il semble que dans ces cas les trois phases A, B et C soient très brièvement précédés d’une période de forte croissance initiale de l’efficacité, n’impactant en revanche pas l’évolution de la perte de charge. Bien qu’aucune explication ne puisse être définitivement donnée, le fait que cette augmentation momentanée d’efficacité n’engendre pas de croissance de la perte de charge permet de faire l’hypothèse que ce phénomène est ponctuel et lié à un point de mesure anormalement élevé. La résolution temporelle des mesures d’efficacité sur les expériences ne permet cependant pas de comparer ce point de mesure avec d’autres enregistrés directement après et représentant un état de colmatage quasi-identique. La présence de fluctuations significatives dans les mesures d’efficacité entre deux états de colmatage quasi-identiques est par ailleurs particulièrement visible dans le cas de l’expérience 6 dont la résolution en termes de masse collectée est très bonne du fait de la faible concentration de l’aérosol de fer utilisé.

Lors de la seconde phase (B), la perte de charge et l’efficacité augmentent brusquement et de façon simultanée. Ce comportement traduit l’impact du dépôt sur la structure interne du lit granulaire. En effet, les particules déposées y jouent le rôle de collecteurs additionnels améliorant l’efficacité de filtration mais engendrant également une plus grande résistance à l’écoulement avec une augmentation de la vitesse interstitielle. L’une des principales caractéristiques d’un dépôt de nanoparticules étant une très grande surface spécifique, il est probable que ce comportement soit lié à une forte augmentation de la surface spécifique des collecteurs par accumulation de dépôt conjointe à une réduction de la surface libre des pores. A titre d’exemple, la surface spécifique mesurée par la méthode BET des fumées de métallisation utilisées dans cette étude est de 78 m2/g soit 4,48x108 m2/m3.

La troisième phase est quant à elle marquée par une efficacité très proche 1 et par une croissance linéaire de la perte de charge. Au-delà de ces deux caractéristiques, la transition entre la phase B et la phase C est marquée par une inflexion de l’augmentation de la perte de charge ainsi que par l’apparition de fluctuations plus ou moins importantes de cette dernière. Ce comportement est montré en exemple sur la Figure II-7 représentant l’évolution temporelle de l’efficacité et de la perte de charge dans les conditions de l’expérience 1.

Figure II-7 Evolutions temporelles de l'efficacité et de la perte de charge lors de l'expérience 1 et détermination des différentes grandeurs à la transition entre la phase B et la phase C

45 La durée d’un cycle de mesure étant constant et l’efficacité étant proche de 1 à la fin de la phase B, la masse collectée entre deux points de mesure est importante, entrainant ainsi une plus faible résolution massique à des degrés de colmatage avancés. Dans le cas de colmatage par des fumées de métallisation fortement concentrées, cette baisse de résolution permet ainsi difficilement une lecture directe du début de la phase C à partir des courbes d’évolution massique de perte de charge et d’efficacité. Afin de s’affranchir de ce problème, des représentations d’évolutions temporelles similaires à celles présentées sur la Figure II-7 peuvent être utilisées. En effet, ces dernières présentent une meilleure résolution avec une mesure de perte de charge effectuée toutes les 10 secondes. La méthode utilisée pour la détermination complète du début de la phase C est la suivante :

(1) Lecture de la perte de charge au début de la phase C (ΔPC), i.e., au temps tC, en se basant sur les marqueurs cités précédemment : Point d’inflexion de la courbe d’évolution temporelle de la perte de charge, croissance linéaire de cette dernière et augmentation des fluctuations des valeurs de perte de charge (Figure II-7).

(2) Lecture de l’efficacité de collecte au début de la phase C (EC), i.e., au temps tC sur la courbe d’évolution temporelle de cette dernière (Figure II-7).

(3) Détermination de la masse collectée (mC) correspondante à ΔPC sur les courbes d’évolution massique de perte de charge (Figure II-6).

(4) L’efficacité EC peut aussi être obtenue à partir des courbes d’évolution massique d’efficacité ( Figure II-6) après avoir déterminé mC à l’étape (3).

Compte tenu des incertitudes pouvant impacter les valeurs de masse collectée (Tableau II-4), il a pu être observé, en adoptant cette démarche, que le début de la phase C correspond au point de colmatage engendrant une efficacité de collecte de quasiment 100%, ce qui est par ailleurs cohérent avec l’évolution linéaire de la perte de charge. En effet, ce comportement correspond habituellement dans les problématiques de filtration à un écoulement à travers une couche de dépôt uniforme et d’efficacité d’environ 100%, i.e., un gâteau de particules, formée en surface d’un filtre. Il existe néanmoins certaines différences entre l’évolution du dépôt durant la phase C et la croissance d’un gâteau. Cette différence est notamment visible grâce à la Figure II-8 – 4 montrant que l’évolution linéaire de la perte de charge durant la phase C ne correspond pas à celle prédite par le modèle de Thomas et al. (2014) s’appliquant aux gâteaux de nanoparticules. Cette divergence pourrait être partiellement attribuée à l’état de surface du substrat sur lequel croît le dépôt. En effet, la profondeur des irrégularités en surface d’un lit granulaire est, du fait de la taille des collecteurs (de l’ordre du millimètre), plus importante que celle des médias fibreux communément utilisés dont le diamètre des fibres est de l’ordre de quelques micromètres. De plus, le profil de pénétration étant décroissant avec la profondeur dans le cas de nanoparticules, les premières couches des lits granulaires sont les plus colmatées et présentent donc les efficacités de collecte les plus hautes (Bémer et al. 2013) (Figure II-8 – 1). Ces deux éléments conjugués à l’hypothèse d’un dépôt sphérique uniforme autour des collecteurs dans le cas de nanoparticules (Kanaoka et al., 1986) pourraient alors engendrer, au début de la phase C, la fermeture simultanée des pores de la première strate de collecteurs par la jonction dans leur plan médian (Z = zm) d’enveloppes sphériques de dépôt (Figure II-8 – 2a, Figure II-8 – 3). Cette étape laisserait alors place à la croissance de gâteaux « interstitiels » générant une augmentation linéaire de la perte de charge en fonction de la masse totale collectée moins soutenue que celle prédite par les modèles théoriques.

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Figure II-8 Représentations schématiques du colmatage d'un lit granulaire au début de la phase C (1,2,3) / Comparaison des pentes d'évolution de la perte de charge entre la phase C et le modèle de Thomas et al. (2014) (4)

Cette évolution moins soutenue de la perte de charge pourrait être due au fait que, dans le cas d’un lit granulaire, toute la masse collectée durant la phase C ne contribue pas à la croissance des gâteaux interstitiels. En effet, les particules étant soumises à la diffusion brownienne, elles se déposent également sur les surfaces supérieures des collecteurs formant des épaisseurs de dépôt traversées par un très faible débit du fait d’une très grande résistance aéraulique en comparaison des zones libres en entrée de pore. Ainsi, une même masse collectée correspond à une épaisseur de gâteau plus faible dans la réalité que celle calculée lors de l’utilisation des modèles et donc à une perte de charge plus faible. Ces hypothèses semblent par ailleurs confirmées par des observations au microscope de la surface de lits granulaires en fin de colmatage (Figure II-9) montrant l’absence d’un gâteau se développant au-dessus des collecteurs. Il est également possible d’observer la présence d’une « nappe » de dépôt dans la profondeur de la première strate de pore correspondant aux gâteaux interstitiels définis précédemment.

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Figure II-9 Observation au microscope de la surface d'un lit granulaire durant la phase C (Fin de l’expérience n°=1)

Cette image prise à la fin de l’expérience 1 présente l’état de colmatage le plus avancé en termes de perte de charge et de masse collectée, il apparait que le stade d’un gâteau recouvrant uniformément toute la section du lit granulaire ne soit pas atteint durant ces expériences. Ceci peut s’expliquer par le phénomène de débouchage ponctuel de pores complètement obstrués. En effet, à cause de l’augmentation de la perte de charge, certains pores peuvent être amenés à se déboucher puis à se refermer quasi-instantanément du fait de l’augmentation du débit les traversant. Dans le cas où ce phénomène se produirait continuellement à partir d’une certaine valeur de perte de charge, cela ralentirait considérablement la croissance des gâteaux interstitiels au-delà d’une certaine épaisseur puisqu’une majorité de la masse collectée servirait à obstruer à nouveau les pores libres ainsi qu’à localement colmater les couches de colleteurs situées directement en aval. Le débouchage des pores est par exemple visible à un autre endroit de la surface du lit granulaire représenté sur la Figure II-9 (Figure II-10).

Figure II-10 Observation au microscope d'une zone de la surface d'un lit granulaire temporairement débouchée pendant la phase C (Fin de l'expérience n°=1)

48 Ces différentes hypothèses présentées précédemment sur l’allure des courbes d’évolution de perte de charge semblent par ailleurs conforter par d’autres études de la littérature (Wu et al. 2005; Kuo et al. 2010). En effet, Kuo et al. (2010) ont pu visuellement observer les perforations du dépôt ainsi que la diminution de la perte de charge en résultant. Wu et al. (2005) ont quant à eux étudié le colmatage (i.e., l’évolution de la perte de charge) de lits granulaires par des particules de cendre de 1,1 µm jusqu’à la formation d’un gâteau de particules dans les couches superficielles de collecteurs. Bien que concernant des particules fines et non ultrafines, cette étude présente un certain nombre de similitudes au niveau des résultats et de leurs interprétations. Ainsi, les auteurs font également état d’un colmatage en trois phases dont les définitions sont semblables à celles présentées dans ce chapitre. De plus, le début de la dernière phase est également caractérisé par un point d’inflexion de la courbe de perte de charge en fonction de la masse collectée à partir duquel cette dernière croît linéairement. Cette convexité de la courbe de perte de charge au début de la troisième phase est par ailleurs à nouveau attribuée à un phénomène de perforations du dépôt en surface sous l’effet de la pression.