• Aucun résultat trouvé

Les aaRS sont des enzymes tr`es anciens. Actuellement, on pense que leur ´evolution est ´etroitement li´ee avec celle du code g´en´etique. C’est pourquoi aujourd’hui, les aaRS occupent une place pr´edominante dans les ´etudes r´ealis´ees sur l’origine de la vie [182], [213], [50], [49].

La th´eorie du monde ARN postule que les fonctions chimiques aujourd’hui accomplies par les prot´eines et les mol´ecules d’ADN ´etaient au d´epart r´ealis´ees par des mol´ecules d’ARN [76]. On pense que ces derni`eres ´etaient alors capables d’assurer l’existence de cellules primitives [173], [182]. L’hypoth`ese du monde ARN fut confort´ee par la d´ecouverte des ribozymes (pour acide RIBOnucl´eiques et en- ZYMES), mol´ecules d’ARN capables de catalyser une r´eaction chimique, propri´et´e, jusque l`a, exclusivement attribu´ee aux prot´eines [117]. Actuellement, cette th´eorie du monde ARN repose sur trois observations :

– Les mol´ecules d’ARN et les ribonucl´eoprot´eines jouent un rˆole central dans le d´ecodage de l’information g´en´etique [37].

– Les mol´ecules d’ARN peuvent jouer un rˆole catalytique dans certaines r´eactions chimiques impliqu´ees dans les voies m´etaboliques de cellules contemporaines [83]. Ainsi, Guerrier-Takada et coll. ont montr´e que la sous unit´e catalytique de la ribonucl´ease P correspondait au domaine ARN de l’enzyme et que cette derni`ere poss´edait une activit´e nucl´ease.

– De nombreuses ´equipes ont r´ev´el´e une activit´e catalytique in vitro de mol´ecules d’ARN dans certaines r´eactions biochimiques [62], [9].

Ces observations furent corrobor´ees par la d´ecouverte de mol´ecules d’ARN pr´esentant des fonctions tr`es proches des aaRS actuelles [95]. Par ailleurs, Lee et coll. mirent en ´evidence une activit´e catalytique chez un ribozyme synth´etique alors capable d’activer un acide amin´e et de l’aminoacyler `a son ARNt sp´ecifique. Ce r´esultat sugg´ere un rˆole possible des ARNt dans l’aminoacylation d’acides amin´es [132].

Cependant, on pense que les polynucl´eotides furent rapidement restreints dans leurs fonctions par leur manque de diversit´e. Les mol´ecules d’ARN ne peuvent pas r´ealiser autant d’interactions hydrophobes ou ´electrostatiques que les polypep- tides. Cet ensemble plus restreint d’interactions disponibles `a l’ARN a alors proba- blement promu l’´emergence des prot´eines pour la catalyse des r´eactions chimiques. Le monde prot´eique aurait ainsi succ´ed´e au monde ARN, rel´eguant l’ARN `a des m´etabolismes plus limit´es.

Une th´eorie fut propos´ee pour d´ecrire le passage du monde ARN au monde prot´eique par l’´equipe de Schimmel [173], [183], [174], [175]. Cette hypoth`ese attribue aux aaRS, une position d´eterminante dans l’´emergence des prot´eines et les place au

coeur de la transition des ARN ribosomiques au monde actuel o`u les acteurs de la

catalyse sont essentiellement de nature prot´eique. Le rˆole central des synth´etases dans le d´ecodage de l’information g´en´etique expliquerait leur statut universel et laisse supposer que leur apparition fut concomitante `a la mise en place du code g´en´etique actuel [19], [159]. Les auteurs supposent que les ARNt primordiaux ´etaient constitu´es d’une unique tige-boucle acceptrice de l’acide amin´e. Ces ARNt devaient dans un premier temps ˆetre aminoacyl´es par des ribozymes qui auraient ensuite ´et´e assist´es par des prot´eines puis finalement remplac´es par ces derni`eres.

Le groupe de Schimmel r´ealisa une ´etude tr`es int´eressante sur la struc- ture des complexes aaRS-ARNt proposant alors une explication sur l’origine de la sp´ecificit´e des diff´erentes aaRS, en particulier leur d´ecoupage en deux classes [175]. L’analyse structurale des complexes synth´etases-ARNt r´ev´ela que les synth´etases de classe I se liaient `a l’ARNt par l’interm´ediaire du petit sillon tandis que celle de classe II l’abordaient par le grand sillon (figure 2.7).

Fig. 2.7 – Repr´esentation de paires de synth´etases compatibles de classe I et II

complex´ees simultan´ement avec l’ARNt. L’ARNt est repr´esent´e en bleu tandis que les aaRS de classe I et II sont respectivement repr´esent´ees en orange et rose. A gauche : repr´esentation ‘spacefill’. A droite : repr´esentation de la chaˆıne principale. Il est `a noter que le complexe IleRS- ThrRS est ´equivalent aux complexes IleRS-SerRS, ValRS-SerRS et ValRS-ThrRS (non montr´es). Figure extraite de l’article de Ribas de Pouplana et Schimmel [175].

Cette approche sym´etrique de l’ARNt permettrait ainsi `a ce dernier de lier simultan´ement deux synth´etases de classe oppos´ee sans aucune g`ene st´erique. Ces diff´erentes orientations expliqueraient pourquoi les enzymes de classe I aminoacy- lerait le 2’OH de l’ARNt tandis que ceux de classe II attacherait l’acide amin´e en 3’OH. Cependant toutes les paires classe I-classe II ne sont pas autoris´ees, cer- taines d’entre elles conduisant `a des conflits st´eriques. Les auteurs montrent que les combinaisons optimales ont lieu entre des synth´etases de sous classe correspon- dantes (Ia-IIa, Ib-IIb, Ic-IIc). Ainsi, la remarquable sym´etrie entre les deux classes de synth´etases (dix enzymes exactement pour chaque classe, trois sous classes dans chaque groupe) pourrait d´ecouler de l’interaction de paires sp´ecifiques de synth´etases complex´ees simultan´ement `a l’ARNt. Ces paires auraient alors co-´evolu´e dans le but de recouvrir et prot´eger la tige-boucle acceptrice dans un environnement hos- tile `a l’ARN (temp´erature tr`es ´elev´ee par exemple) pour finalement conduire `a deux groupes de synth´etases. La r´eaction d’aminoacylation ´etait alors catalys´ee par d’autres mol´ecules telles que les ribozymes qui auraient ´et´e remplac´es par les synth´etases ensuite. Chaque membre des diff´erentes paires d’aaRS auraient donc acquis une sp´ecificit´e pour un acide amin´e contribuant ainsi `a la mise en place du code g´en´etique actuel.

Delarue proposa un mod`ele sur le m´ecanisme conduisant `a la mise en place du code g´en´etique (figure 2.8) [50]. Ce m´ecanisme impliquerait une succession de d´ecisions binaires permettant de r´eduire progressivement l’ambigu¨ıt´e de tous les co- dons. Chaque ´etape de diff´erenciation suivrait le mˆeme sch´ema pr´esent´e par la figure 2.9. Une des descendances serait la copie exacte de la m`ere et serait conserv´ee lors de la prochaine division. L’autre descendance aurait la possibilit´e de se diff´erencier `a la g´en´eration suivante pour donner naissance `a deux nouvelles descendances qui seraient aminoacyl´ees par deux m´ecanismes diff´erents (m´ecanisme caract´eristique de la Classe I ou de la Classe II). Le premier ´ev´enement consisterait en la diff´erenciation

de la seconde base en purine ou pyrimidine. Cette ´etape conduirait `a une sp´ecification de cette base en C/U et G/A. Puis la premi`ere base se diff´erencierait en purine ou pyrimidine, suivie d’une nouvelle ´etape de sp´ecification en C/U et G/A. Enfin, la troisi`eme base se diff´erencierait en purine ou pyrimidine.

Fig. 2.8 – Repr´esentation du code

g´en´etique. Chaque codon est color´e en fonc- tion du m´ecanisme d’aminoacylation de son ARNt correspondant. Par soucis de concision, nous parlerons de codons aminoacyl´es/charg´es en 2’OH (vert) ou 3’OH (rouge). La PheRS et la TyrRS constituent deux cas ambigus. La PheRS fait partie de la classe II tandis qu’elle est aminoacyl´ee en 2’OH comme les autres synth´etases de classe I. A l’inverse, la TyrRS appartenant `a la classe I est aminoacyl´ee en 3’OH comme les autres synth´etases de classe II. Par cons´equent les codons Phe et Tyr sont color´es en rouge et vert (hachage). Les codons AGR (R correspond aux purines) ont ´et´e as- sign´es `a Gly/Ser comme dans de nombreux va- riants de mitochondries (imprim´es en blanc). Cette figure est extraite de l’article de Delarue [50].

Finalement, on pense que l’ARNt assurait seul au d´epart l’aminoacylation mais se trouvait limit´e, par son manque de diversit´e, `a quelques acides amin´es. L’entr´ee en jeu du monde prot´eique et en particulier des synth´etases introduisit alors de la diversit´e et de la sp´ecificit´e qui permirent l’aminoacylation d’un r´epertoire plus large d’acides amin´es et par cons´equent conduisirent `a l’extension du code g´en´etique.

Fig. 2.9 – Diff´erenciations successives conduisant au code g´en´etique actuel (figure

2.8). A chaque ´ev`enement de diff´erenciation, une descendance est une copie exacte du ph´enotype original (bleu fonc´e) tandis que l’autre (bleu clair) se diff´erenciera de fa¸con irr´eversible en deux codons de couleurs diff´erentes (rouge et vert). Les purines sont repr´esent´ees par un R et les pyri- midines par un Y. Ce m´ecanisme implique que le codon bleu fonc´e corresponde au codon STOP (ne peut ˆetre aminoacyl´e ni en 2’OH ni en 3’OH) tandis que le codon bleu clair correspond `a un codon ambigu¨e pouvant ˆetre aminoacyl´e en 2’OH ou en 3’OH. Cette figure est extraite de l’article de Delarue [50].

Documents relatifs