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Evolution de la classification des amyloses

Pendant longtemps, le diagnostic d’amylose étant confirmé après le décès du patient, la plupart des anciennes classifications s’attachent à décrire la présence de substance amyloïde dans les différents organes en insistant sur la variabilité des propriétés tinctoriales des dépôts, en particulier avec le rouge Congo. On a longtemps pensé que chaque variété d’amylose se dépose de façon préférentielle dans un organe cible spécifique. En réalité, on sait maintenant que, dans chaque type, la substance amyloïde peut envahir n’importe quel organe.

La première tentative de classification est attribuée à Reinmann et coll. [in 38] en 1935 ; elle distingue l’amylose primaire qui se développe en l’absence de toute affection, c’est-à-dire sans cause apparente ; elle touche les tissus d’origine mésodermique comme les muscles lisses et striés, le système cardiovasculaire, les nerfs et la peau. Cette variété d’amylose fixe peu le rouge Congo contrairement à l’amylose secondaire. Cette dernière se développe au cours de certaines affections chroniques ; elle intéresse différents organes comme le foie, la rate, les reins ou les glandes surrénales. L’amylose tumorale se caractérise par des masses de substance amyloïde localisées et seuls quelques organes sont touchés : les yeux, la vessie, l’urètre ou le système respiratoire[23].

En 1948, King[in 38] propose une classification basée sur les différentes localisations : l’amylose typique qui intéresse les reins, la rate, le foie et les glandes surrénales. Elle peut être associé ou non à d’autres pathologies comme le myélome multiple par exemple. L’amylose atypique intéresse les muscles lisses et striés, le tube digestif, les nerfs, la peau et le ligament annulaire du carpe. Elle peut également être associée ou non à un myélome. Dans les classifications de Reinmann et coll. [in 38] et de King[in 38], la notion d’amylose familiale n’est pas mentionnée.

En 1965, Missmalh[in 38] propose pour la première fois une classification basée sur l’aspect histologique en se fondant sur l’affinité particulière des différents types d’amylose pour les fibres de collagène ou de réticuline. L’amylose périréticulinique est dite intimale car elle se traduit entre autres par une atteinte vasculaire avec dépôts de substance amyloïde sur la membrane basale, puis sur la média. Elle comprend l’amylose secondaire, c’est-à-dire celle qui est associée à une infection ou une inflammation chronique, et la forme héréditaire ou amylose familiale, dite aussi amylose portugaise. L’amylose péricollagène touche également la paroi des vaisseaux sanguins, d’abord l’adventice, puis la média. Elle comprend l’amylose primaire et l’amylose secondaire au myélome ainsi que certaines amyloses héréditaires (formes neurologique et cardiaque).

L’évolution des connaissances sur la composition biochimique de l’amylose permet à Glenner[37], en 1970, de proposer une classification plus précise. En 1974, lors du Deuxième Symposium international[37] consacré à l’amylose, à Helsinki, un comité a été chargé d’uniformiser la nomenclature et de proposer une classification des différents types d’amylose. Le Troisième Symposium a complété cette classification et adopté une nomenclature : le préfixe « A » pour Amylose est suivi d’une ou plusieurs lettres pour définir la nature ou l’étiologie de la protéine principale composant la substance amyloïde ; le préfixe « S » désigne les précurseurs sériques des protéines composant les dépôts de substance amyloïde, par exemple SAA pour le précurseur sérique de l’amylose A[23, 37, 38]. L’amylose AL est formé à partir de fragments de chaînes L d’immunoglobulines. Elle s’observe surtout dans le myélome multiple, mais il existe de nombreux cas d’amylose AL primaire qui ne sont pas associés à un myélome ; les dépôts peuvent toucher tous les organes.

L’amylose AA -A pour le dérivé de la protéine A- est formée à partir d’un précurseur présent normalement dans le plasma, la protéine SAA. La synthèse de la protéine SAA augmente lors des processus inflammatoires et des nécroses cellulaires, mais une augmentation de la concentration de SAA n’entraîne pas nécessairement la formation de dépôts de substance amyloïde[11]. Ce type d’amylose constitue l’amylose secondaire. L’amylose AE - E pour endocrine - s’observe dans le carcinome médullaire de la glande thyroïde ; la substance amyloïde est constituée par de la calcitonine. L’amylose AF - F pour familiale - est une maladie héréditaire à

transmission autosomique dominante. Elle comprend plusieurs formes et la plupart se caractérise principalement par une polyneuropathie périphérique[11]. La protéine donnant naissance à la substance amyloïde est une pré-albumine anormale où une méthionine remplace une valine en position 30. La pré-albumine totale circulante est composée de pré-albumine normale et de pré-albumines isotopiques[11]. La protéine causale est l’AFp pour la forme portugaise, l’AFj pour la forme japonaise, l’AFi pour la forme islandaise… L’amylose AS - S pour sénile - comporte une forme localisée touchant surtout le cœur, et une forme généralisée ; elle n’est rencontrée que chez les personnes âgées. La substance amyloïde semble constituée par de la pré-albumine, mais il ne s’agit pas d’une pré-albumine présentant une anomalie de synthèse ; la protéine responsable est l’ASc1 et l’ASc2 (c pour cardiaque) ou l’ASb (b pour brain). L’amylose AH - H pour hémodialyse - apparait après une longue période d’hémodialyse. Un dépôt de substance amyloïde dans la synovie du tunnel carpien ou dans les os provoque respectivement un syndrome du tunnel carpien ou des manifestations de type rhumatismal[11] ; la β2-microglobuline est responsable de l’amylose AH. Il y a également l’amylose AD - D pour dermique - formée à partir de la kératine. La majorité des amyloses sont de type AL ou AA[11].

Une meilleure connaissance des protéines de la substance amyloïde a permis d’élaborer une classification basée sur leur composition biochimique. Elle a remplacé toutes les autres classifications (Tab. 2)[in 25].

Protéines

AA (apo) SAA G et L Secondaire à une infection, une inflammation chronique, une tumeur, la fièvre méditerranéenne familiale, un syndrome de Muckle-Wells

ATTR Transthyrétine mutée Transthyrétine normale

G G

Héréditaire Sénile

Aβ2M β2-microglobuline G Associée à l’insuffisance rénale chronique terminale

AApoAI Apolipoprotéine AI G

L

Héréditaire Aorte (intima)

AGel Gelsoline G Héréditaire

ALys Lysozyme G Héréditaire

AFib Fibrinogène G Héréditaire

ACys Cystatine C L Hémorragie cérébrale de type

islandais Aβ Précurseur de la protéine

Aβ (AβPP)

L Maladie d’Alzheimer Trisomie 21

Angiopathie amyloïde héréditaire ou sporadique

APrP Protéine prion L Encéphalopathie spongiforme

ACal (Pro)calcitonine L Cancer médullaire de la thyroïde

AANF Facteur atrial natriurétique

L Amylose auriculaire isolée

AIAPP Amyline L Ilôts de Langerhans du diabète de

type 2, insulinome

AIns Insuline L Iatrogène

APro Prolactine L Prolactinome, hypophyse sénile

AKep ∗ Kératoépithéline Amyloses cornéennes

ABri ∗ Démence héréditaire britannique

AMed ∗ Lactadhérine Aorte (média)

Tab. 2: Différents types d’amylose et leurs principales caractéristiques[in 25]

∗ Nomenclature préliminaire

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