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CHAPITRE III : Intégration de la bioaccessibilité dans l’évaluation des risques

III.2. Evaluation du risque en lien avec la consommation de légumes autoproduits

Dans l’étude présentée précédemment sur les 34 jardins potagers du site atelier, j’ai évalué le risque pour les populations en lien avec la consommation des 7 légumes autoproduits étudiés sans tenir compte de la fraction bioaccessible des métaux dans cette matrice. Aussi, les calculs de risque prenaient en compte les concentrations totales mesurées dans les légumes [11]. J’ai déterminé la bioaccessibilité orale de Cd, Pb et Zn dans les 7 légumes en considérant l’influence du mode de cuisson [6, 29, 51]. Ces données ont été présentées dans le chapitre II.3.2. Je propose dans cette partie du mémoire d’évaluer le risque, au regard de Cd et Pb, en lien avec la consommation de ces légumes en calculant les DJE et les QD associés et ce, en intégrant la bioaccessibilité.

Les modes d’administration pris en compte dans l’établissement des VTR pour la voie orale est l’eau et les aliments. Aussi, l’intégration de la notion de bioaccessibilité dans les calculs de DJE en lien avec la consommation de légumes ne nécessite pas, a priori, de passer par une DJE ajustée car les matrices étudiées sont comparables.

Ma démarche a consisté à calculer pour les 34 potagers les DJE et QD pour Cd et Pb avec et sans la prise en compte de la bioaccessibilité. Pour cette voie d’exposition, il s’agit de constituer une assiette type en prenant en compte les différents types de légumes (feuilles, fruits, racines, tubercules…). Ceci conduit à proposer pour Cd et Pb une dose journalière d’exposition théorique calculée comme suit :

𝐷𝐽𝐸 =∑ (𝐶𝑖 𝑖× 𝑄𝑖× 𝐴𝑖× 𝐵𝐴𝑖)× 𝐹 × 𝑇 𝑃 × 𝑇𝑚

Avec :

Ci : concentration de la substance dans le légume de types racines, feuilles, fruits, tubercules, tiges… (mg/kg poids frais)

Qi : quantité journalière de légume ingéré de types racines, feuilles, fruits, tubercules, tiges… (kg/j)

Ai : % d’autarcie pour le légume considéré

BAi : bioaccessibilité de l’élément dans le légume considéré

F : fréquence d’exposition (j/an) T : durée d’exposition (an)

P : poids corporel de la cible (kgpc)

Tm : période de temps sur laquelle l’exposition est moyennée (an) (pour une substance à effets à seuil

Tm = T)

Pour les différents paramètres énoncés ci-dessus, les hypothèses émises quant aux scénarios retenus pour le calcul de la DJE sont les suivantes :

 Population concernée : adulte et enfant

Pour ces deux cibles, les paramètres d’exposition choisis sont basés sur les données classiquement utilisées par l’INERIS, à savoir :

 Durée de vie et poids : adulte (70 ans et 70 kg) et enfant (6 ans et 15 kg)  Durée d’exposition : 30 ans pour l’adulte et 6 ans pour l’enfant

 Fréquence d’exposition : 365 j/an (conditions pour des scénarios majorants)  Productions légumières :

 Ont été considérés les 7 légumes étudiés [13] : pomme de terre, carotte, radis, laitue, haricot vert, tomate et poireau. Au global, ces 7 légumes représentent 91% de la part des légumes consommés

 Prise en compte des concentrations en Cd et Pb mesurées dans les légumes sélectionnés  Quantités journalières de légumes ingérées et taux d’autoproduction (Tableau III.2) :

données basées sur une étude INSEE de 1991 représentatives des habitudes alimentaires du Nord de la France (Bertrand, 1993), à défaut de données plus récentes

Tableau III.2. Quantités journalières de légumes ingérées pour l’adulte et l’enfant et taux d’autarcie

 Bioaccessibilité orale de Cd et Pb dans les légumes :

 Prise en compte des données dans la phase gastrique (phase plus conservatoire) et dans la phase gastro-intestinale (phase plus réaliste et pertinente d’un point de vue physiologique) En vue d’évaluer, pour Cd et Pb, le risque spécifique à cette voie d’exposition et en considérant les effets survenant à partir d’un seuil, les résultats sont exprimés sous forme du quotient de danger QD. Ce dernier, ratio entre le niveau d’exposition (DJE) et la valeur toxicologique de référence (VTR), n’exprime pas une probabilité de survenue et est donc plutôt d’ordre qualitatif. A ce jour, il est considéré par convention que les situations susceptibles de déclencher une action de santé publique de surveillance ou de prise en charge médicale des populations sont celles qui présentent un QD supérieur à 1 ; l’exposition est alors supérieure à la VTR.

Pour les 34 potagers que j’ai étudiés, les valeurs de QD de Cd et Pb obtenues pour l’adulte et l’enfant sont présentées dans la Figure III.1 et ce, en prenant en compte les concentrations totales et les concentrations bioaccessibles (dans les phases G et GI) mesurées dans les 7 légumes. Pour Cd, toutes les valeurs calculées pour l’adulte et l’enfant sont inférieures à 1. Dans le cas de Pb, les QD obtenus sont très faibles pour l’adulte (inférieurs à 0,028), tandis que pour l’enfant, les QD sont beaucoup plus importants et, dans certains potagers, dépassent 1 en considérant les concentrations totales. Quels que soient l’élément et la cible considérés, la prise en compte de la bioaccessibilité entraîne une diminution des QD. Pour l’adulte, le passage du QD calculé à partir des concentrations totales au QD calculé avec les concentrations bioaccessibles (dans la phase GI) est en moyenne : (1) pour Cd, de 0,09 à 0,06 et (2) pour Pb, de 0,015 à 0,008. Pour l’enfant, ce passage est en moyenne : (1) pour Cd, de 0,41 à 0,29 et (2) pour Pb, de 0,83 à 0,42. Taux d'autarcie (%) adulte enfant Pomme de terre 0,190 0,171 10,4 Radis 0,010 0,006 17,3 Carotte 0,022 0,013 30,8 Tomate 0,025 0,015 9,4 Haricot vert 0,007 0,004 63,9 Salade 0,010 0,006 58,3 Poireau 0,013 0,008 33,0 Quantités de légumes ingérées (kg PF/j)

Figure III.1. Valeurs de QD de Cd et Pb (moyennes et écarts types) calculées pour l’adulte et l’enfant en prenant

en compte les concentrations totales et les concentrations bioaccessibles (dans les phases G et GI) mesurées dans les 7 légumes étudiés

L’exposition des adultes, via la consommation de légumes autoproduits, étant très faible, je me suis intéressée plus spécifiquement à l’exposition des enfants. La Figure III.2 présente donc pour l’enfant, cible la plus sensible, la répartition des QD de Cd et Pb (exprimés en %) en prenant en compte les concentrations totales et bioaccessibles. Pour cela, j’ai défini plusieurs classes afin de voir plus précisément l’impact de l’intégration de la bioaccessibilité sur l’exposition des enfants en lien avec la consommation de légumes autoproduits. Dans le cas de Cd, les résultats mettent en évidence : (1) une majorité de potagers pour lesquels les QD sont compris entre 0,6 et 0,7 (21%), entre 0,3 et 0,4 (26%) et entre 0,2 et 0,3 (24%) et ce, en considérant les concentrations totales ; (2) une diminution du pourcentage de potagers avec des QD compris entre 0,6 et 0,7 (6%) et une augmentation pour les QD compris entre 0,2 et 0,3 (35%) et ce, en intégrant la bioaccessibilité dans la phase G ; et (3) en prenant en compte la bioaccessibilité dans la phase GI, une majorité de potagers pour lesquels les pourcentages sont les plus élevées dans les classes 0,1-0,2 (24%) et 0,2-0,3 (38%) (Figure III.2).

Dans le cas de Pb, les résultats mettent en évidence (Figure III.2) : (1) une majorité de potagers pour lesquels les QD sont compris entre 0,5 et 0,75 (41%) avec des pourcentages non négligeables de potagers dans les classes de QD 0,75-1,0 (21%), 1,0-1,25 (15%) et 1,25-1,5 (15%), en considérant les

concentrations totales ; (2) une augmentation des pourcentages de potagers dans la classe de QD 0,25- 0,50 (50%) et une diminution dans les classes supérieures à 1,0 en intégrant la bioaccessibilité dans la phase G ; (3) des QD inférieures à 1,0 en prenant en compte la bioaccessibilité dans la phase GI avec une répartition de la majorité des potagers dans les classes 0,25-0,50 et 0,50-0,75.

Figure III.2. Répartition des valeurs de QD de Cd et Pb pour l’enfant en prenant en compte les concentrations

totales et les concentrations bioaccessibles (dans les phases G et GI) mesurées dans les 7 légumes étudiés

Bilan : L’objectif de mon travail était d’étudier l’intérêt d’introduire la bioaccessibilité dans les calculs de risque en lien avec la consommation de denrées autoproduites. Aussi, les résultats montrent bien que l’exposition des populations concernées via les calculs des doses journalières d’exposition et in fine des quotients de danger se trouvent largement diminués avec l’intégration de la bioaccessibilité, à savoir : (1) une diminution en moyenne pour Cd de 14% et 12% (adulte et enfant, respectivement) avec la bioaccessibilité gastrique ; (2) une diminution en moyenne pour Cd de 31% et 29% (adulte et enfant, respectivement) avec la bioaccessibilité gastro-intestinale ; (3) pour Pb, une diminution de 27% et 30% (adulte et enfant, respectivement) avec la bioaccessibilité gastrique ; et (4) une diminution pour Pb de 47% et 49% (adulte et enfant, respectivement) avec la bioaccessibilité gastro-intestinale.

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