5 Résultats 23
5.3 Calcul du risque d’envahissement du GS avec le nomogramme de
6.3.2 Evaluation des nomogrammes pour le risque d’envahissement des ganglions non
Il est difficile d’estimer le risque d’envahissement des GNS, du fait des nombreuses variations entre les différents facteurs de risque. Les nomogrammes ont été conçus pour nous aider à prédire le risque individuel de chaque patient. Sans oublier que le nomogramme ne peut à lui seul servir à la décision de traitement; ils permettent de donner à chaque patiente, une information pertinente, loyale, objective mais surtout personnalisée. Dans une analyse multi variée, Degnim et coll ont identifié cinq paramètres comme étant associés à un risque d’envahissement des GNS: un GS métastatique de plus de 2 mm, un GS en rupture capsulaire, une tumeur de plus de 2 cm,
une invasion lymphovasculaire au niveau de la tumeur primitive, et plus de un GS positif (53).
Le nomogramme du MSKCC a été élaboré sur des populations Nord Américaines (Etats Unis pour la cohorte de constitution et Canadienne pour la cohorte de validation). Or les caractéristiques clinico pathologiques et démographiques peuvent parfois êtres très différents selon les pays. Ainsi, un prédicteur fiable sur des cohortes ayant des caractéristiques similaires à celles des cohortes de constitution et de validation peut aboutir à des prédictions erronées sur d’autres cohortes avec des caractéristiques différentes. De plus, il ne prend pas en compte certaines variables associées à un risque théorique ou prouvé d’envahissement des GNS, telles que l’âge, l’index de prolifération et la taille de la métastase. (53) (54) (55) (56).
Ainsi, Degnim et coll ont proposé un nouveau modèle intégrant la taille de la métastase, l’existence d’une rupture capsulaire et la proportion de GS métastatiques. L’aire obtenue sous la courbe ROC était identique mais le taux de faux négatifs plus faible. Un autre avantage de ce modèle était qu’il ne prend pas en compte la méthode détection du GS qui varie beaucoup en fonction des services (57).
Selon les auteurs, le risque d’envahissement des GNS varie en fonction de la taille de la métastase : de 35 à 85% en cas de macrométastase, de 7 à 26% en cas de micro métastase, et de 0 à 27% en cas de cellules isolées (58). Il dépend également de la sensibilité de la méthode de détection de ces ganglions. On sait que pour l’analyse du GS, la sensibilité de la cytologie varie de 34 à 95% avec une spécificité de 94 à 100%. La sensibilité pour la détection des macrométastases est meilleure, allant de 70 à 98% ; mais elle s’effondre pour les micrométastases passant de 5 à 57% (16) (17). Pour la coupe en congélation, la sensibilité est meilleure, mais reste très variable (44 à 100%),
avec une différence aussi pour les macrométastases (94 à 100%) et micrométastases (20 à 80%) (16)(17). L’analyse immunohistochimique allonge le temps de réponse, mais elle augmente la sensibilité de chaque technique d’environ 5 à 10% (59) (60).
Pour l’analyse définitive du GS, l’option privilégiée actuellement repose sur des niveaux de coupe espacés de 200 à 250 microns au plus afin de ne pas méconnaitre une micrométastase. L’IHC complémentaire n’est pas recommandée. Elle utilise généralement un anticorps antipankératine (AE1/AE3). Les coupes sériées associées à une IHC augmenteraient de 20 à 30% le nombre de métastases, et de 10% le nombre de micro métastases et cellules tumorales isolées au diagnostique (48)(61)(62).
Nos résultats sont peut être moins bons car notre population est un peu différente de celle ayant servie à établir le score de Tenon, avec des tumeurs plus petites: uniquement 22,2% de tumeurs ayant une taille supérieure à 20mm contre 63,2% dans leur population ; moins d’emboles lymphovasculaires (44,4% contre 57,9%); moins de macrométastases également (55,6% contre 73,7%). De même, notre étude comprend un tiers de GS micrométastatiques (29,3%), or la validation de ces scores a particulièrement été discutée en cas de micrométastases.
Orsoni et coll ont réalisé une étude rétrospective incluant 72 patientes avec micrométastases entre 1996 et 2007, et ont comparé au nomogramme du MSKCC le score de Tenon et de Stanford. Pour le MSKCC l’aire sous la courbe ROC était de 0,6 avec une VPN de 50%, avec le score de Tenon l’aire sous la courbe ROC était de 0,62 avec une VPN de 80% le rendant inapplicable sur cette population (63). Ces données comparables aux notres plaident pour un surajustement des modèles aux données utilisés pour le développement des nomogrammes.
Alran et coll ont également évalué le nomogramme du MKSCC chez 213 patientes avec GS micrométastatique. L’aire sous la courbe ROC était uniquement de 0,53 ; concluant que celui ci ne pouvait être appliqué sur les GS micrométastatiques (64).
Devant ce sous groupe de population, Houvenaeghel et coll ont mis en place une étude multicentrique incluant 909 patientes avec GS micrométastatique ayant eu un CA. Une sous population avec un risque d’envahissement des GNS inférieure à 5% a été identifiée : patientes ayant une tumeur inférieure à 10mm, sans invasion lymphovasculaire, avec un seul type histologique et des micrométastases détectées uniquement par IHC. Ceci a permis l’éviction du CA chez les patients présentant ces caractéristiques (65).
Aujourd’hui se pose également la question de l’utilité des nomogrammes. La référence était très récemment de réaliser un curage axillaire systématique en cas de ganglion sentinelle métastatique, mais ce dogme a été remis en question. En effet, la publication en 2011 des résultats de l'essai ACOSOG Z011pose la question de l'intérêt du curage axillaire chez les patientes N+. Cette étude prospective, randomisée, de non infériorité a été conduite dans 115 sites aux USA entre 1999 et 2004. 1900 patientes ont été incluses, avec comme critères d’inclusion des tumeurs invasives T1 T2, sans adénopathie palpable, avec un ou deux ganglions sentinelles métastatiques. Toutes les patientes ont eu une biopsie du ganglion sentinelle avec une irradiation tangentielle du sein. Celles ayant un à deux ganglions sentinelles métastatiques ont été randomisées en deux groupes: curage axillaire versus pas de traitement complémentaire de l'aisselle. La survie globale à 5 ans était de 91,8% (95%, 89.1%-‐94.5%) pour le groupe avec curage axillaire complémentaire et 92,5% (95% CI, 90.0%-‐95.1%) pour le groupe sans
curage. Ainsi les auteurs concluaient que la réalisation d’une biopsie du ganglion sentinelle sans curage chez les patientes ayant moins de 3 ganglions envahis (micro ou macrométastatiques), et ayant eu un traitement conservateur du sein avec irradiation associé à un traitement adjuvant systémique (chimio et/ou hormonothérapie), ne diminue pas la survie globale (33).
L’IBCSG 023 a montré les mêmes résultats en cas de ganglion sentinelle micrométastatique. Cet essai de non infériorité avait pour but l’évaluation de la biopsie du ganglion sentinelle versus le curage axillaire en cas de micro métastases sans rupture capsulaire et avec des tumeurs de moins de 5 cm. Les patientes étaient randomisées en deux groupes: curage axillaire ou non, avec pour critère principal la survie sans récidive. 464 patientes ont été randomisées dans le groupe curage axillaire versus 467 dans le groupe sans curage. La survie sans récidive à 5 ans était de 87,8% (95% CI 84·4-‐91·2) dans le premier groupe versus 84,4% (80·7-‐88·1) dans le deuxième groupe. Ainsi le curage axillaire pourrait donc être évité chez les patientes avec un cancer du sein de moins de 5 cm ayant un ou deux ganglions axillaires micros métastatiques sans rupture capsulaire, sans modification de la survie (29).
Malgré les nombreux biais de ces deux études parmi lesquels un nombre d'inclusions initialement prévues non atteint, un recul court pour des cancers du sein précoces, des volumes d'irradiation non décrits, elles ont entraîné des modifications substantielles des recommandations nationales et internationales.
Depuis la publication de l’essai de l’ACOSOG Z0011, les recommandations françaises et américaines ont changé mais sont différentes les unes des autres.
Plusieurs études ont confirmé la puissance de l’essai ACOSOG Z0011. Barranger et coll ont évalué l’exportabilité des critères ACOSOG sur une autre population, et ont
confirmé, avec environ 69% des patientes éligibles, que la survie n'était pas modifiée en cas d'absence de curage (66).
De plus, il a été récemment montré sur la population de l'essai AMAROS, que le statut ganglionnaire jouait finalement un rôle limité dans la décision de traitement adjuvant, confortant donc l’idée qu’une biopsie du GS pourrait être suffisante pour la stadification des patientes (67).
Une autre étude publiée par Barranger et coll en 2014 a comparé de manière rétrospective la prise en charge des patientes répondant aux critères ACOSOG Z011 avant et après l'application des nouvelles recommandations. Il n’a pas été mis en évidence de différence significative dans les indications de chimiothérapie et de radiothérapie du sein et des aires ganglionnaires. L’absence d’information du CA complémentaire ne modifiait pas les indications de traitement adjuvant, avec plutôt une tendance globale à la désescalade thérapeutique (68).
Les résultats de l'étude AMAROS ont également montré la non infériorité de la radiothérapie par rapport au curage axillaire en cas de GS métastatique. Cet essai prospectif randomisé multicentrique, publié en 2014, a comparé la radiothérapie au curage axillaire chez des patientes T1T2N+. Quatre mille huit cent vingt trois patientes ont été incluses entre 2001 et 2010. Sept cent quarante quatre patientes avec GS positif ont été traitées par CA et six cent quatre vingt une par radiothérapie axillaire. La médiane de suivi était de 5 ans. Le taux de récidive n'était pas différent entre les deux groupes. En revanche, on notait une morbidité plus importante dans le groupe CA avec significativement plus de lymphoedème à 1an, 3 ans et 5 ans. Les auteurs concluaient
donc à une efficacité comparable de la radiothérapie par rapport à la chirurgie, sans augmentation de la mortalité et avec une diminution de la morbidité (69).
Une autre étude, parut en 2015, ayant pour but de comparer l’effet du CA versus la biopsie du GS seule sur la survie, chez des patientes ayant trois ganglions métastatiques ou plus dans les cancers du sein invasifs. Les données concernant 9521 patientes ayant un cancer du sein invasif T1-‐2 M0 avec eu une biopsie du GS complétée ou non par un CA, ont été extraites de la database SEER. Il n’a pas été retrouvé de différence significative sur la survie globale et la survie spécifique entre les deux groupes de patientes (70).
7 Conclusion
Il faut garder à l’esprit que ces modèles mathématiques, c’est à dire le nomogramme du MSKCC pour le calcul du risque d’envahissement du ganglion sentinelle ainsi que le score de Tenon et le nomogramme du MSKCC pour la calcul du risque d’envahissement des ganglions non sentinelles ne sont qu’un outil parmi d’autres pour évaluer au mieux le diagnostic ou le pronostic d’une patiente. En aucun cas, ils ne peuvent se substituer à la clinique et surtout au bon sens du praticien. Ils ne peuvent se concevoir que comme une aide dans le raisonnement et la prise de décision permettant d’élaborer le « plan personnalisé de traitement et de suivi » d’une patiente.
D’autant plus que nos résultats montrent que la précision de ces modèles diagnostiques sur une autre population que celle où ils ont été conçus est peu
concluante et donc difficilement utilisable en routine. Se posant aujourd’hui, la question de l’utilité de ces nomogrammes, à une époque où la tendance est à la désescalade thérapeutique avec des études montrant une survie non modifiée avec ou sans curage axillaire chez les patientes ayant une atteinte limitée du ganglion sentinelle.
Annexes
Figure 1. Calculateur pour le risque d’envahissement du GS
Figure 2.Calculateur pour le risque d’envahissement des GNS
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