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Les premières affirmations scientifiquement argumentées selon lesquelles l'entraînement en endurance régulier sollicite la plasticité cardiovasculaire et aboutit à des adaptations favorables à la santé datent de plus d'un siècle, et surtout, elles ont été développées en dehors du contexte pathologique. Par exemple, la diminution des résistances périphériques via un retour veineux amélioré est

connue depuis très longtemps (Rice, 1892). Il en va de même à propos de la flexibilité métabolique. En témoigne la démonstration « précoce » dans l'histoire de la physiologie de l'exercice de l'amélioration de la capacité à oxyder des lipides avec l'entraînement en endurance (Krogh et al., 1920). Ces phénomènes ont été confirmés et expliqués avec les techniques ultérieurement développées. En revanche, la traduction de ces connaissances dans le domaine de la santé publique a pris un certain temps. Il a fallu attendre les années 1960 et les premières grandes preuves à caractère épidémiologique pour que l'on considère sérieusement les comportements d'activité physique comme susceptibles d'influencer la physiopathologie des pathologies métaboliques. De la même façon, des études expérimentales convaincantes décrivant les effets délétères de l'alitement sont publiées depuis plusieurs décennies (Saltin et al., 1968). Ce n'est pourtant que récemment qu'un enthousiasme certain se manifeste dans la littérature scientifique envers la durée assise de la population comme cible éventuelle d'intervention en santé publique (Booth et al., 2006).

Il est intéressant de constater qu'en ce qui concerne la majorité des facteurs de risque cardiovasculaires modifiables (comme l'hypertension ou le tabagisme), la chronologie a été différente. Les premiers éléments de preuve publiés sont antérieurs aux études expérimentales pénétrant dans la physiopathologie. L'opposition n'est pas stricte puisqu'actuellement sur ces questions, les 2 approches (i.e. épidémiologie et méthode expérimentale) se complètent. Cependant, l'enchaînement chronologique des types de preuves demeure différent et il est possible que cela ait contribué à la sous-utilisation des interventions sur les comportements d'activité physique en santé publique. En effet, la confirmation épidémiologique du rôle des comportements d'activité physique dans la santé est relativement tardive et peu sensationnelle, si le critère considéré est la force de l'association.

L'épidémiologie expérimentale prétend combiner les points forts de la méthode expérimentale et de l'épidémiologie et proposer une méthode scientifique stricte pour éprouver une hypothèse. A ce titre, on considère généralement que les essais cliniques randomisés constituent les designs expérimentaux les plus rigoureux (Porta et al., 2008). Le caractère systématique de leur supériorité a été critiqué très tôt (Cornfield et al., 1954), et encore aujourd'hui des philosophes, méthodologistes et épidémiologistes alertent sur la surestimation qui peut être faite de ce type de protocole (Worrall, 2011). Cependant, on sait maintenant que les

preuves qui en découlent ont une fiabilité satisfaisante, à condition, et uniquement dans ce cas, que les participants de l'essai soient représentatifs de la population-mère à laquelle on souhaite extrapoler les conclusions. C'est bien cette condition qui pose problème. En effet, malgré le soin apporté par les chercheurs au protocole et à sa mise en œuvre, il peut demeurer, pour des raisons éthiques ou pratiques, que les patients éligibles ou que les participants ne soient pas représentatifs au point d'altérer la généralisation des résultats. Chez l'adulte sain, les essais cliniques focalisés sur l'activité physique sont particulièrement difficiles à mener compte tenu des contraintes qui leur sont relatives, en termes de temps et d'effort notamment. Les participants doivent aléatoirement être alloués soit à un groupe contrôle, soit à un (ou l'un des) groupe(s) d'intervention sur le mode de vie.

Ces interventions, qu'elles comparent ou combinent les modalités diététiques et comportementales en activité physique, ont fait preuve d'efficacité à plusieurs reprises, en particulier sur des personnes intolérantes au glucose. L'une des études pour laquelle le recul est le plus important est l'étude chinoise Da Qing qui a démontré après 6 ans d'intervention uniquement par l'exercice physique une diminution de 49% [31% - 83%] du risque relatif de développer le DT2 durant les 20 années de suivi par rapport au groupe contrôle. Cet impact était du même ordre avec la combinaison de mesures diététiques et de programme d'activité physique, et avec les mesures diététiques seulement (42% [38% - 89%] et 34% [41% - 109%], respectivement, Li et al., 2008). Les essais randomisés sur des effectifs plus réduits, comme des programmes de reconditionnement physique en milieu médicalisé, sont également intéressants pour mieux appréhender les mécanismes physiologiques des adaptations fonctionnelles. Cependant, elles sont trop coûteuses pour être étendues à large échelle, surtout en prévention primaire. De nombreuses équipes ont privilégié la pertinence à la validité, en s'intéressant aux interventions à caractère communautaire, où priorité est donnée à la généralisation à long terme et à grande échelle (via la réduction des coûts et l'inscription dans l'environnement du participant), quitte à perdre en homogénéité des durées et intensités de pratique entre les participants. La majorité de ces études manquent de puissance statistique et n'ont pas pu se dérouler sur des durées suffisamment longues pour, à ce jour, mettre en évidence d'éventuels changements significatifs en matière d'incidence des pathologies cardiométaboliques ou de variations significatives de marqueurs biochimiques du contrôle métabolique ou du risque cardio-vasculaire. Pourtant, certains auteurs ont réussi ce challenge de la mise en place d'étude randomisée contrôlée en s'appuyant sur la démarche

communautaire. Ainsi, Lombard et al. ont démontré qu'un programme combinant contact personnel et suivi à distance permet le contrôle de la masse corporelle de jeunes mères avec un bon rapport coût-efficacité (Lombard et al., 2010). Il nous semble important que ce type d'étude soit mené également sur nos territoires, et nous pensons que cela serait possible avec la systématisation de l'évaluation rigoureuse des actions de santé publique.

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