• Aucun résultat trouvé

1. Discussion générale et conclusions

1.3. Evaluation de la sensibilité aux interactions interspécifiques

L’analyse dynamique de la production de biomasse et de certains traits morphologiques comme la hauteur ou l’indice foliaire vert et leur comparaison entre espèces/variétés et entre culture pure et culture associée (Chapitre IV) a permis de déterminer les moments clés de l’élaboration du rendement en grains. Ainsi, nos résultats ont confirmé que le blé dur se caractérise par une croissance relativement plus précoce que les légumineuses pour lesquelles la biomasse augmente principalement après leur floraison. En effet, ces dernières consacrent la période avant leur floraison à l’accroissement de leur surface foliaire alors qu’après la floraison l’accroissement de biomasse correspond à la mise en place des organes fructifères puis se prolonge jusqu’à la fin du remplissage des grains (Lecoeur, 2005). Ces résultats confirment l’importance des traits phénologiques des variétés à associer pour optimiser leurs complémentarités dans le partage des ressources et notamment la lumière (Kanton et Dennett, 2008; Louarn et al., 2010; Barillot et al., 2012).

Nos résultats suggèrent que les variétés de légumineuses tardives seraient plus adaptées que les variétés précoces aux associations avec le blé dur. En effet, les variétés tardives comme Hr1 pour le pois et Nordica pour la féverole ont été les moins sensibles à la compétition du blé et au final les plus productives en association. Ce résultat semble paradoxal car les variétés tardives de légumineuses se développent dans un couvert de blé dur déjà développé et donc dans des conditions à priori moins favorables en termes d’accès à la lumière et aux ressources minérales. Toutefois, dans nos conditions expérimentales la disponibilité en azote était faible et donc le développement de la céréale était limité ce qui peut expliquer que des variétés tardives puissent se développer correctement. A l’inverse, dans des situations fertilisées la biomasse du blé serait certainement trop importante pour permettre aux variétés tardives de se développer correctement. Ces éléments tendent à suggérer que le développement tardif des variétés Hr1 et Nordica ne suffit pas à expliquer à lui seul leur performance en association.

photopériode), celle-ci se caractérise par un développement dans les stades précoces en forme de rosette et une forte ramification lui permettant d’abord d’occuper la surface du sol non couverte par le blé puis de se développer verticalement plus tard dans le cycle, dans l’inter- rang encore ouvert du fait d’une croissance limitée du blé en absence de fertilisation. Ainsi, en fin de cycle, cette variété de pois bénéficie de conditions favorables à son développement en lien avec des températures plus élevés notamment. In fine l’association avec la variété Hr1 reste verte plus longtemps que les autres associations ce qui permet d’intercepter une plus grande quantité d’énergie lumineuse et donc de produire plus de biomasse et de rendement que les autres associations. Ces éléments suggèrent donc qu’au même titre qu’un décalage temporel entre les dynamiques de croissance des deux espèces les traits phénotypiques, liés principalement à l’architecture de la plante et à l’organisation des organes aériens, peuvent être des éléments clés pour optimiser l’utilisation de la lumière dans une association ainsi que son partage entre les deux composantes. C’est le cas de la variété de féverole Nordica qui comme pour le pois Hr1 se présente en début de cycle sous la forme de rosette avec une petite tige et des entrenœuds très courts mais qui a la capacité ensuite de former plusieurs ramifications lui permettant d’intercepter l’énergie lumineuse et donc de développer une biomasse assez importante.

D’autre part, ces deux cultivars (Hr1 et Nordica) présentent une forte tolérance au froid ce qui leur a permis lors de la première année d’expérimentation de se distinguer considérablement des autres variétés en produisant un rendement très supérieur. Il est à noter que cela n’est pas lié à un niveau de productivité supérieur en culture pure notamment car cet avantage n’a pas été observé lors de l’année suivante au cours de laquelle il n’y a pas eu de période de gel significative. Cette caractéristique est un élément important dans les contextes pédoclimatiques où le risque de gel existe et doit donc être aussi prise en considération lors du choix des variétés car elle présente une forme de garantie de rendement pour la légumineuse et de complémentarité entre les espèces associées. Cela confirme aussi l’importance de réaliser des expérimentations dans différents contextes pédoclimatiques pour mettre en évidence une gamme élargie de traits qui pourraient ne pas s’exprimer dans certaines situations.

146 La sensibilité des légumineuses aux interactions interspécifiques évaluée à travers l'indice IE calculé sur la base du rendement en grains ne permet pas d’anticiper cette performance finale ni de comprendre comment ce résultat se construit. Par conséquent il n’est pas possible de piloter le fonctionnement de l’association en cours de culture et c’est pour cette raison que nous avons cherché à prédire la sensibilité des légumineuses aux interactions interspécifiques à l’aide de variables comme la biomasse, la hauteur ou l’indice foliaire vert des deux composantes de l’association à des stades de développement antérieurs (Chapitre V). Plus précisément nous avons fait le choix d’exprimer ces variables sous forme de rapports qui permettent de caractériser la composition aérienne du mélange et donc le niveau d'équilibre ou de déséquilibre entre les deux espèces pour des variables connues comme déterminantes dans le partage des ressources. De plus l’analyse de ces relations en dynamique permet de suivre l’évolution des équilibres au cours du temps et d’identifier d’éventuels moments de changement d’état.

Nos résultats ont montré que les rapports de hauteurs ne permettent pas de prédire la sensibilité des légumineuses aux interactions interspécifiques ce qui suggère que le caractère relativement plastique de ce trait chez les légumineuses ne suffit pas à expliquer la réponse à la compétition en terme de rendement en grain. De même l’équilibre entre les deux espèces à travers le ratio des biomasses est relativement instable ce qui confirme la complexité du fonctionnement de ces systèmes et donc de la gestion des interactions interspécifiques. En particulier, on observe que le déséquilibre se produit le plus souvent en faveur du blé et donc au détriment des légumineuses dont le rendement se trouve fortement réduit. Par ailleurs, il apparait que la légumineuse est l’espèce la plus instable en termes de performance dans l’association et ce en réponse à la compétition. Par conséquent la détermination des traits phénotypiques corrélés à la sensibilité des légumineuses à la compétitivité du blé permettrait d’orienter la performance finale de l’association en cours de culture vers plus d’équilibre et de complémentarité.

Au-delà des caractéristiques étudiées il apparait nécessaire d’approfondir l’étude sur les traits morphologiques en les combinant à d’autres traits tels que la distribution des ramifications et de la surface foliaire sur la tige principale, la longueur des ramifications et des entrenœuds ou encore l’angle d’insertion des feuilles. En effet, il semble peu probable qu’un de ces traits puisse à lui seul expliquer la sensibilité des légumineuses aux interactions interspécifiques du

partage de la lumière entre les espèces et par conséquent leur performance dans l’association. D’ailleurs, nos résultats ont montré que les relations entre IE et les différents ratios étaient globalement plus significatives pour la féverole que pour le pois ce qui indique que la réponse aux interactions interspécifiques dépend fortement des espèces dans la gamme de variabilité étudiée. Il serait certainement instructif de comprendre quels éléments de phénotype peuvent expliquer cette différence de "prédictibilité" entre le pois et la féverole. Pour le moment, il semble donc envisageable de définir des caractéristiques globales au niveau spécifique afin d’illustrer la différence phénotypique (morphologie en particulier) entre le pois et la féverole puis au niveau génotypique pour différencier les variétés. Concernant la nutrition azotée on pourrait envisager des caractéristiques assez proches entre ces deux espèces.