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Evénements précoces et marqueurs de cellules souches pré-leucémiques

C- Leucémie aiguës myéloïdes : aspects biologiques et physiopathologie

C.4- Evénements précoces et marqueurs de cellules souches pré-leucémiques

Secondairement à l'identification de la phylogénie clonale des LAM, et à la mise en évidence de l'HCLA, plusieurs équipes ont cherché à identifier les anomalies les plus précoces au cours de la leucémogenèse, afin de mieux en comprendre les mécanismes précis.

L’étude la plus complète a été faite sur les mutations de DNMT3A 79

. Chez des patients au diagnostic de LAM avec mutations de DNMT3A (DNMT3Am) et mutations de NPM1 (NPM1m), les DNMT3Am ont été retrouvées à la fois dans les lymphocytes T et les cellules CD33+, alors que les NPM1m ont principalement été retrouvées dans les populations myéloïdes. Cela suggère que les DNMT3Am se produisent dans un progéniteur très précoce, ancêtre commun des lignées lymphoïdes et myéloïdes, tandis que les NPM1m se produisent dans un précurseur myéloïde plus tardif. Les DNMT3Am ont été retrouvées dans la plupart des sous-populations hématologiques, y compris les populations lymphocytaires, et les populations les plus immatures (CSH), tandis que les NPM1m n'ont été retrouvées que dans des populations plus engagée dans la différenciation myéloïde (progéniteurs communs granulo-monocytaires, et erythro-mégacaryocytaires). Ceci suggère l'existence de CSH pré- leucémiques, porteuses de DNMT3Am, et capables de produire une hématopoïèse mutée multi-lignée. Chez 4 patients double-mutés, l'analyse en RC de cellules CD33+ triées retrouvait seulement les DNMT3Am. L'analyse séquentielle de plusieurs échantillons d'un même patient en RC retrouve une ré-augmentation progressive de la proportion de CD33+ avec DNMT3Am. Alors que les NPM1m n'étaient pas retrouvées en RC précoce, elles étaient de nouveau détectables en rémission tardive, suggérant soit la ré-ascension du clone initial, soit une nouvelle mutation de NPM1 dans le clone résiduel avec DNMT3Am. En rechute, chez 2 des patients, on retrouvait également les DNMT3Am dans toutes les sous-populations cellulaires. Les NPM1m étaient absente des populations les plus immatures (CSH) en rémission comme en rechute. Enfin, l'étude de la repopulation hématopoïétique en dilution limite, après greffe dans des souris immunodéprimées, d'échantillons de LAM avec DNMT3Am montrait des capacités de repopulation leucémique ou non leucémique (lymphoïdes ou myéloïdes) de ces échantillons. Les DNMT3Am ont été retrouvées dans une grande proportion des prises non leucémiques multi-lignées, tandis que les NPM1m étaient retrouvée seulement en cas de prise myéloïde. Au bilan, ce travail démontre l'existence de CSH pré-leucémiques porteuses de DNMT3Am, capables de générer une hématopoïèse clonale multi-lignée, et dans laquelle des mutations peuvent se produire plus tardivement dans

la différenciation pour générer une maladie leucémique vraie. Dans ce même travail, les mutations d'IDH2 paraissent plus précoces que les mutations de NPM1, et pourraient être retrouvées dans des CSH pré-leucémiques, sans que la démonstration formelle n’en soit faite.

Une autre équipe a d'abord séparé, chez 6 patients atteints de LAM avec mutation de FLT3-ITD, les CSH leucémiques des CSH résiduelles non leucémiques, en utilisant une stratégie de tri en cytométrie basée sur l'expression de CD47, de CD99 et de TIM3. Après avoir vérifié fonctionnellement que les CSH résiduelles non leucémiques permettaient une repopulation multi-lignées, mais pas de repopulation leucémique après transplantation dans des souris immunodéprimées, les anomalies présentes dans la LAM ont été recherchées dans ces 2 types de CSH. FLT3-ITD n'était jamais retrouvée dans les CSH normales résiduelles, et chez un patient, une mutation d'IDH1 était également absente de cette population, suggérant des événements tardifs dans la phylogénie. A l'inverse, les mutations de TET2, SMC1A, et CTCF ont été retrouvées dans les 2 populations de CSH, suggérant des événements précoces. Chez 2 patients, l'analyse de colonies dérivées des CSH résiduelles après culture en méthyl- cellulose a permis de démontrer que les mutations de TET2 étaient le premier événement de la phylogénie. D'autres mutations non récurrentes dans les LAM ont également été retrouvées comme premier événement chez 2 autres patients (KCTD4 et SKP2). Les autres mutations récurrentes présentes dans les 2 types de CSH (NPM1, CTCF, SMC1A) se produisent plus tardivement dans la phylogénie d’après l’étude des colonies 174.

En utilisant la même stratégie chez 10 patients complémentaires 175, la même équipe a démontré que les mutations d'IDH2 et de DNMT3A étaient précoces dans la phylogénie. Les mutations d'ASXL1, d'IKZF1 et l'inversion du chromosome(16) étaient détectables dans les CSH résiduelles non leucémiques suggérant des événements précoces, mais l'étude en colonies n'a pas confirmé d'ordre mutationnel précis. Chez ces patients, les mutations impliquant la voie RAS ou NPM1 étaient retrouvées seulement dans les CSH leucémiques, suggérant des événements plus tardifs. Au final, les travaux de cette équipe suggèrent une acquisition séquentielle des anomalies génétiques dans les LAM, selon un modèle récurrent (figure 7).

Figure 7 : Modèle de leucémogenèse par acquisition séquentielle de mutation. Une

mutation initiatrice (en bleu) se produit dans une CSH donnant naissance à une hématopoïèse pré-leucémique. L’accumulation secondaire de mutations dans le clone pré-leucémique (en rouge) aboutit à la transformation en maladie très proliférative. Adapté d'après Corces- Zimmerman et al, PNAS, 2014)

Dans une autre étude centrée sur les LAM avec t(8;21) et de mutation de c-KIT, il a été démontré qu’au diagnostic, dans toutes les cellules CD34+

CD38- on pouvait détecter le transcrit AML1-ETO et les mutations de c-KIT. L'analyse de colonies dérivées de la même population cellulaire en RC retrouvait environ 1% de cellules dans lesquelles le transcrit AML1-ETO est détectable, tandis que les mutations de c-KIT étaient toujours absentes. La présence du transcrit AML1-ETO dans une fraction des granulocytes matures et des lymphocytes en RC suggère la nature pré-leucémique précoce de cet événement 176.

Au bilan, l’ensemble des études à l’échelon clonal a permis de démontrer que les mutations de DNMT3A sont des événements pré-leucémiques. Les mutations d’autres régulateurs de l’épigénétique comme TET2 et IDH2 sont des événements initiateurs du clone, et peuvent être retrouvés au sein d’une hématopoïèse pré-leucémique. Les transcrits de fusion impliquant le CBF et les mutations d’ASXL1 semblent également être des événements très précoces dans l’histoire des clones leucémiques.

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