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Les « Gas shales » en Europe : exemple de la formation Posidonia shale Au Toarcien, des dépôts fins riches en matière organique se généralisent dans toute

Introduction et problématique

3. Les « Gas shales » en Europe : exemple de la formation Posidonia shale Au Toarcien, des dépôts fins riches en matière organique se généralisent dans toute

l’Europe, en relation avec l’événement océanique anoxique (T-OAE) et une remontée du niveau marin au 3è ordre (Frimmel et al., 2004). Cet intervalle de temps est par conséquent à potentiel « Gas shale ». Ils correspondent aux Schistes Carton du bassin de Paris ou à la formation Posidonia shale dans le bassin sud-ouest germanique.

Figure 5 : Paléogéographie de l’Europe et distribution des argiles noires de la plate-forme épicontinentale liasique (modifié d'après Zeigler, 1982).

Les reconstitutions paléogéographiques montrent qu’au Toarcien, l’Europe occidentale correspondait à un complexe de mers épicontinentales (Figure 5) isolant des îles à relief très modeste, reliques de la chaîne hercynienne pénéplanée (Disnard et al., 1996). Cet ensemble situé entre 20° et 40° de latitude nord était connecté à la Téthys au sud et au proto Atlantique nord au nord (Ziegler, 1982; Ziegler et al., 1983; Röhl et Röhl, 2005). Le système de bassins

épicontinentaux était alors soumis à un climat saisonnier caractérisé par un régime de mousson en été et des taux importants d’évaporation pendant l’hiver (Parrish et Curtis, 1982; Parrish et al., 1982; Parrish, 1993; Röhl et al., 2001a).

La formation Posidonia shale est connue depuis longtemps pour l'abondance et la qualité de préservation de ses fossiles, et sa richesse en matière organique (TOC pouvant atteindre les 15%). De nombreux auteurs interprètent ces séries du Toarcien comme des dépôts marins profonds en relation avec une transgression rapide et un taux de subsidence élevé (Hallam et Bradshaw, 1979; Jenkyns, 1985, 1988; Wignall, 1991; Hesselbo et Jenkyns, 1995, 1998; Jenkyns et al., 2001). La coupe de référence de la formation Posidonia shale (coupe de Dotternhausen) est datée du Toarcien inférieur (Figure 6) grâce aux biozones d’ammonites (Riegraf et al., 1984; Riegraf et al., 1985a). Cette formation est constituée principalement de trois lithofaciès majeurs : (1) les « mudstones » bioturbés, (2) les « oil shales » laminés et (3) les « mudstones bitumineux », dont la minéralogie est essentiellement composée de carbonates, quartz, pyrite et matière organique (Röhl et al., 2001a) (Figure 6).

En se basant sur des données de faciès, de paléocourants, de stratigraphie et de géochimie, en position proximale (coupe de Dotternhausen, Figure 6) et en position distale (coupe de Schesslitz, non présentée ici), Röhl et Schmid-Röhl (2005) proposent un modèle de dépôt faiblement profond, contrôlé par les variations du niveau marin (« silled-basin transgressive chemocline model », Figure 7). Ce contrôle eustatique permet la mise en place d’une séquence de troisième ordre dans lequel s’organisent deux séquences de quatrième ordre.

Figure 6 : Sédimentologie, géochimie et minéralogie de la formation Posidonia Shale. Les données biostratigraphiques, faciologiques et de géochimie minérale sont tirées de la coupe de Dotternhausen (modifié d’après Schmid-Röhl et al., 2002). La minéralogie est issue de Song et al., 2014.

Le modèle de dépôt proposé par Röhl et Schmid-Röhl (2005) suggère l'isolement du bassin sud-ouest germanique à la suite d’une baisse du niveau marin, induisant une restriction de la circulation des eaux au début du Toarcien (biozone à tenuicostatum). Cette configuration va permettre le dépôt de faciès fins riches en matière organique dans le centre du bassin et des faciès soumis à l’action des courants et des tempêtes dans des zones plus proximales (faciès mudstones laminés, Figure 7-A à C). L’augmentation lente du niveau marin et la restriction de paléocirculations océaniques (entre le sommet de la sous-biozone à semicelatum et la base de la sous-biozone à elegans) induit une conservation des conditions anoxiques du fond de l’eau,

et le dépôt de faciès riches en matière organique (faciès « oil shale », Figure 7-D). Ultérieurement, une amélioration des conditions d’oxygénation et une légère chute du niveau marin relatif permet le dépôt de plusieurs niveaux bioturbés liés à des événements de tempêtes (sommet de la sous-biozone à elegans). L’amélioration des conditions d’oxygénation va se traduire par une baisse des taux de TOC, probablement due à une meilleure communication entre les sous-bassins, et un mélange des masses océaniques à la suite de la remontée du niveau marin à la limite des biozones à falciferum et bifrons (Röhl, 1998). Ultérieurement, le centre du bassin est à nouveau le siège de conditions anoxiques (base de la biozone à bifrons). L’anoxie sera alors interrompue par de courtes périodes de conditions oxygénées associées à une meilleure agitation de l’eau (Figure 7-E).

Ces auteurs considèrent la formation Barnett shale comme des dépôts profonds, déposés en environnement euxinique sous la limite d’action des vagues de tempêtes. Röhl et Schmid-Röhl (2005) interprètent la formation Posidonia shale comme des dépôts riches en matière organique mis en place dans un contexte de bassin peu profond suite à une transgression lente dans lequel les dépôts sont soumis à des courants de tempêtes.

Ce modèle est en contradiction avec celui proposé pour la formation Barnett Shale qui invoque un environnement profond (Loucks et Ruppel, 2007). De nombreux auteurs ont également interprété les argiles noires du Toarcien inférieur comme des dépôts profonds associés à une transgression rapide ou à un taux de subsidence élevé (Hallam et Bradshaw, 1979; Jenkyns, 1985, 1988; Wignall, 1991; Hesselbo et Jenkyns, 1995, 1998; Jenkyns et al., 2001) alors que le modèle peu profond est également invoqué pour les dépôts argileux jurassiques du Boulonnais (Wignall, 2001; Wignall et Newton, 2001).

Il est évident que la compréhension fine de la mise en place des séries riches en matière organique est loin d’être acquise. Plusieurs modèles existent pour des contextes eustatiques, et tectoniques différents. Il est important de garder à l’esprit la complexité de ces systèmes afin de mieux approcher les facteurs de contrôle. Ainsi, au delà de la caractérisation géochimique et lithologique, la compréhension de ces systèmes passe par celle du contexte paléogéographique, tectonique, eustatique afin de mieux contraindre le schéma stratigraphique qui définit un modèle de dépôt fiable.