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Etudes de décorporation ou traitement de la contamination

L'objectif des études de décorporation après contamination interne est de diminuer la charge corporelle en radionucléide incorporé pour diminuer la dose radiologique aux tissus cibles sans entraîner d’effet indésirable, et d'améliorer l’efficacité de traitements thérapeutiques par des agents chélateurs afin de limiter les pathologies induites.

La décorporation par des agents chélateurs permet donc l’élimination des radionucléides à l’état soluble dans les liquides biologiques et la décontamination des sites du dépôt initial ou de rétention du radionucléide. Les traitements peuvent être différents selon les voies de pénétration du contaminant dans l’organisme, le niveau de contamination et le délai de mise en œuvre après la survenue de l’incident.

Photos 5 : Précipité de phosphate d'uranyle dans des cellules proximales obtenu lors d’une culture dans du MEM (5a et 5b)[42, 43].

Figure 17 : Diagramme de spéciation de l'uranium en milieu de culture cellulaire à pH=7 sans citrate (17a) ou avec citrate (17b)[71].

5a

5b

Fig 16 : Analyse X des précipités de phosphate d'uranyle (P 5b)

17a

17b

Un certain nombre de questions restent encore posées comme : Faut-il traiter les organes cibles et comment ? ;

Où, quand et comment faut-il intervenir ? ;

Faut-il améliorer les traitements actuels : rechercher de nouveaux ligands ?

Une première synthèse de l'état des connaissances[84,85,95] sur les types de traitements utilisés en fonction du mode d'incorporation (Tableau 7a) et les familles de ligands testées pour les actinides (Tableau 7b), ainsi que la publication récente de K. Raymond7 (2003) nous ont permis de rassembler[73] toutes les données de base en physico-chimie, biologie et toxicologie pour établir un cahier des charges pour la décorporation des actinides par des ligands appropriés (Fig 18).

7 Raymond K.N et al. Chem.Rev. 103, 4207-4282, 2003.

! " # $% & N

p-sulfonique-calix(6)arène, C 42H34O24S6 OH

Tableau 7a : Principaux traitements thérapeutiques utilisés en décorporation.

Tableau 7b : Synthèse des principales familles de ligands testées pour les actinides en décorporation.

Figure 18 : Cahier des charges pour la décorporation actinides/ligands

Nous mentionnerons quelques travaux effectués au sein de mon laboratoire entre 1989 et 2000 sous forme de thèses[93,95], de publications[13,32,39,40,45,53,55], de rapports de synthèse[84,85] et pour lesquelles les études de spéciation ont contribué de façon significative au développement de cette thématique de décorporation.

La plupart de ces études ont été conduites sur l'uranium, présent biologiquement sous la forme d'ion uranyle UO22+, et pour lequel il n'existe pas de traitement spécifique efficace (Tableau 7b).

Etudes de ligands macrocycliques de la famille des calixarènes et application à l'uranium[93]

Les macrocycles sont des molécules cycliques présentant des géométries bi ou tri dimensionelles. Par leur arrangement dans l'espace ces molécules possèdent de fortes propriétés sélectives de complexation vis à vis des ions métalliques. Dans cette thèse des macrocycles dérivés des bases de Schiff ont été synthétisés : acide p-sulfonique calix[6]arène et calix[8]arènes et leur efficacité décorporante testée in vivo chez le rat.

La contribution relevant de la spéciation a été le calcul de la constante de complexation thermodynamique vis à vis de l'ion uranyle ainsi que de la stœchiométrie du complexe formé. La méthode utilisée a été une méthode de déplacement du complexe UO2(CO3)34- de constante log β3 = 21,5 par le complexe calixarène. Pour la détermination de la stœchiométrie la méthode utilisée a été la méthode de JOB, consistant à préparer plusieurs solutions pour lesquelles la somme des concentrations en ligand et métal reste constante. Les mesures ont été réalisées à pH 10,4 pour lequel le complexe carbonaté est stable. MOPS montrant la formation du complexe calix[6]arène à partir de pH 7 et celui de calix[8]arène à partir de pH 4,5

Recherche de molécules organiques complexantes pour la décorporation de l'ion uranyle[95]

Cette thèse a fait suite à la thèse précédente et a été orientée dans un premier temps sur la synthèse[13]

de l'acide p-sulfonique calix[8]arène marqué au 14C afin de comprendre in vivo la non efficacité de

3

Denticité ou Nb de sites donneurs

3

Stéréochimie du ligand, taille

3

Stabilisation (liaisons H)

3

Sélectivité/(Na+, Ca2+…)

3

Ionisé au pH physiologique

3

Hydrosoluble

3

Cinétique et thermodynamique

3

Ratio Chelatant:métal (>1000:1)

3

Toxicité et AMM (autorisation de mise sur le marché)

cette molécule (forte fixation rénale et osseuse observée) malgré des propriétés physico-chimiques très prometteuses en terme de complexation. L'analyse de cette étude a conduit à une réflexion sur les critères que doit posséder une molécule pour être susceptible de décorporer l'ion uranyle et inclus dans le cahier des charges précédent (Fig 18).

L'application de ce cahier des charges a conduit à l'étude d'une nouvelle famille de molécules ou tripodes et la synthèse de l'oxyde de Tris(2-carboxyéthyl)phosphine dont la stœchiométrie a été étudiée en conductimétrie et a permis de mettre en évidence la formation de 2 complexes 1:1 et 2:1.

Par contre les essais d'efficacité in vivo chez le rat n'ont pas été concluant.

Développement d'un test in vitro de "screening" de molécules[40]

Ce test a été développé au sein du laboratoire[40] afin de sélectionner in vitro des molécules capables de complexer l’uranium avant d’effectuer des tests in vivo .

Le principe de ce test de "screening" est basé sur l'évaluation de la capacité de complexation des composés en utilisant une technique compétitive vis à vis d’une molécule complexant l’uranium et possédant des propriétés d’absorption dans le visible, le Chromotrope 2R.

OH OH

HO3S SO3H

N N

On utilise la différence d’absorption à 580 nm entre la forme libre du chromotrope et sa forme complexée avec l’uranium.

Toute modification du spectre d’absorption du complexe uranium/chromotrope est due à une dissociation de ce complexe. Cette dissociation peut être obtenue par addition d’un ligand présentant une affinité pour l’uranium au moins équivalente à celle du chromotrope 2R.

Le protocole décrit ci-dessus a ainsi été validé sur des molécules naturelles ou exogènes connues pour leur capacité à complexer l’uranium in vivo. D’une part les ions bicarbonate et citrate, complexants de l’ion uranyle en milieu sanguin, d’autre part le 3,4,3-LI(1,2-HOPO), l’EHBP et le Tiron (acide

p-sulfonique-calix(8)arène C56H48O52S8

Chromotrope 2R

Ces résultats montrent que le pouvoir de complexation de l’ion bicarbonate in vivo est lié à un effet de masse et non à un fort pouvoir de complexation. Il y a en effet un rapport 100 entre les bicarbonates (10-2 M) et le Chromotrope 2R (10-4 M). L'acide citrique, le Tiron, l'EHBP et le LIHOPO ont montré une capacité de complexation équivalente.

La capacité de complexation de l’uranium avec plusieurs molécules comme des tripodes phosphorylés et des tripodes diphosphonates (T822, T900…) synthétisés par R. Burgada, a été comparée à la référence qu'est le LIHOPO molécule produite par l'équipe de K. Raymond aux USA (Fig 19b).

Efficacité de l' EHBP vis à vis de la décorporation de l'uranium[39]

De nombreuses études ont été réalisées au laboratoire sur l'efficacité in vivo d'un certain nombre de molécules vis à vis de l'uranium (UO22+)[32,84].

Parmi ces molécules j'ai choisi de présenter l'EHBP qui est un biphosphonate simple, ou Ethane-1-Hydroxy-1,1-Diphosphonate, molécule de type H4L ayant l'autorisation de mise sur le marché (AMM) et utilisé pour les maladies osseuses (maladie de Paget).

L'EHBP s'est révélé être un excellent complexant de l'uranium et une étude récente[60] réalisée par SLRT (Fig 19c) et ES-MS a permis d'étudier le complexe UO22+ / EHBP identifié du type UO2(H2L) et de calculer sa constante conditionnelle log β = 4,5 ± 0,5.

Tripodes diphosphonates Figure 19a : Variation de l’absorbance (à 580 nm) d’une solution de chromotrope 2R en fonction de la concentration en ligand ajoutée.C2R : 0.16 mM ; [U] = 0,08 mM ; Hépès = 3.3 mM ; pH = 7, T = 20° C[84].

Figure 19b : Variation de l’absorbance (à 580 nm) d’une solution de chromotrope 2R en fonction de la concentration en ligand ajoutée. C2R : 0.16 mM ; [U] = 0,08 mM ; Hépès = 3.3 mM ; pH = 7, T = 20° C[84].

0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6

0,001 0,01 0,1 1 10 100

Concentration en ligand (mM)

Absorbance

Bicarbonate Citrates Tiron LIHOPO

0,08 mM EHDP

0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6

0,01 0,10 1,00 10,00 100,00 1000,00 10000,00 µmoles

Absorbance

LIHOPO T 902 T911 T822 T918 T917R

Celle molécule qui a satisfait aux critères de "screening" in vitro, et qui possède l'avantage d'être commercialisée, est par surcroît un composé facile à synthétiser ce qui permettrait d'utiliser un marquage au 14C.

En ce qui concerne l'efficacité de l'EHBP sur l'uranium, les expérimentations in vivo ont montré : une distribution dans l'organisme très rapide de l'uranyle et de l'EHBP ;

une réduction d'un facteur 5 de la charge rénale (Tableau 8a) et une excrétion urinaire augmentée d'un facteur 2 ;

une faible efficacité (facteur 1,1) sur la charge osseuse à court terme ;

une efficacité globale bien supérieure au bicarbonate, composé de référence pour l'uranium, et comparable à celle du LIHOPO[17] (Tableau 8b).

D = 250 µs, L = 100 µs, time 1s, pH = 5.06

Figure 19c : Spectre de fluorescence laser du complexe UO22+ - EHBP[60].

Tableau 8 : Elimination rénale et corps entier de 233U suite à une injection intramusculaire d'EHBP (8a) et élimination rénale et osseuse de 233U suite à des injections intramusculaire, intrapéritonéale et intraveineuse de LIHOPO et NaHCO3 (8b).

8a

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