• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE II : STRATÉGIE EXPÉRIMENTALE 81 Introduction

EPITHELIALES BRONCHIQUES HUMAINES EXPOSEES AUX PARTICULES ATMOSPHERIQUES DE DIFFERENTES CLASSES DE TAILLE EN AFRIQUE

I. 1.2.5.2 Aérosol carboné

I.2.2 Etudes épidémiologiques des aérosols

La qualité de l’air représente un enjeu majeur pour la santé et le bien-être de l’Homme. La prise de conscience de l’impact de la qualité de l’air sur la santé remonte à l’épisode de smog qu’a connu Londres en 1952 où pendant plusieurs jours les conditions météorologiques

conjuguées aux émissions de dioxyde soufre (SO2) et poussières ont conduit à un excès du

nombre de décès. Cette crise sanitaire a été à l’origine de la mise en place de réglementations sur la qualité de l’air qui s’adaptent sans cesse avec l’évolution de la nature des polluants et des connaissances scientifiques.

Dès le début des années 90 sont apparues les premières études épidémiologiques qui ont montré une association entre l’exposition aux particules et des effets sanitaires aigus puisqu’elles démontraient une augmentation de la mortalité toutes causes pour une

augmentation de 10 µg/m3 de PM

10, cette augmentation étant plus importante pour les décès

dus aux problèmes respiratoires (Dockery et Pope, 1994). Ces premières études menées sur des villes américaines ont été confirmées ailleurs et notamment en Europe, et ces résultats ont été confortés au fil des années non seulement pour des effets à court terme mais également à long terme. A court terme, la pollution peut provoquer des symptômes comme la toux, des gênes respiratoires légères, des irritations des yeux et de la gorge chez les personnes bien portantes alors que celles qui ont des problèmes de santé peuvent avoir besoin de recourir aux soins pour des affections respiratoires ou cardiovasculaires voire dans les situations les plus graves, décéder. A long terme, on peut observer l’apparition et/ou l’exacerbation de maladies chroniques, respiratoires ou cardio-vasculaires comme les cancers du poumon ou des coronaropathies contribuant à une réduction de l’espérance de vie et à des décès (Wolf et al. 2015).

Les études épidémiologiques sur la pollution atmosphérique particulaire visent à établir les liens entre les niveaux ambiants de pollution atmosphérique particulaire et de nombreux événements sanitaires.

La figure I.23 présente la gradation dans la gravité, les effets allant des limitations d’activités dues à des atteintes respiratoires jusqu’aux décès en passant par le recours aux services médicaux. Plus la gravité des effets augmente, moins le nombre de personnes touchées augmente. Il s’agit alors des populations les plus sensibles tels que les jeunes enfants, les personnes âgées et les personnes souffrant déjà de pathologies cardiorespiratoires. Comparativement à d'autres facteurs de risque comme le tabac par exemple, l'intensité des effets observés est plus faible.

56

Cependant le nombre de personnes exposées est beaucoup plus important et inclut des populations sensibles conduisant à un impact sanitaire global élevé. En conséquence, la mise en place de mesures de gestion appropriées afin de réduire l'exposition de la population aux polluants, doit aboutir à un bénéfice substantiel en termes de santé publique.

Dans les études épidémiologiques l’estimation de l’exposition des individus provient généralement de mesures des concentrations des particules en des sites fixes des réseaux de qualité de l’air sur des périodes limitées (mois, année…) et est dérivée pour le plus des moyennes des concentrations de celles-ci, ce qui représente un biais important lorsque le niveau de pollution varie dans le temps et dans l’espace. Des modèles type Land Use Regression se développent de manière à améliorer cette estimation de l’exposition et c’est ce qui a été exploité dans le récent programme européen Escape (Wang et al., 2013; Jedynska et al., 2014). Sinon dans des études de cohortes avec un nombre d’individus plus limité, ceux-ci sont équipés de capteurs permettant alors une réelle évaluation de leur exposition individuelle en fonction de leur budget espace-temps. Que ce soit pour des expositions à court et long terme, les effets sur la santé cardiovasculaire et respiratoire de la population sont proportionnels au niveau de la

pollution particulaire (Charpin et al. 2016).

Figure I. 23:Pyramide des effets aigus associés à la pollution atmosphérique : Source : Direction de la

santé publique de Montréal, 2003.

Il y a une relation linéaire entre exposition à la pollution et effets sanitaires qui a la particularité d’être sans seuil (Eilstein 2010). Ceci signifie que l’on n’est pas en mesure de déterminer un seuil sous lequel aucun effet adverse ne peut se produire que l’exposition à la pollution atmosphériquesoit à court ou long terme.

57

Aussi l’OMS, dans ses lignes directrices relatives à la qualité de l’air préconise d’œuvrer pour limiter au maximum les niveaux de concentration en particules en suspension et propose des

seuils qui sont pour les PM2,5 de 10 μg/m3 en moyenne annuelle et de 25 μg/m3en moyenne sur

24 heures.

Un autre enseignement important de ces travaux épidémiologiques est que c’est la pollution chronique qui cause globalement le plus d’impacts sanitaires du fait de la durée d’exposition. Le nombre conséquent d’études épidémiologiques et les apports des études toxicologiques (paragraphe suivant) ont conduit à considérer que la nature causale de la relation entre mortalité et pollution atmosphérique est plausible (Dab et al., 2001; Pedersen et al., 2016). Ceci a rendu possible l’utilisation des relations exposition-risque établies par les études épidémiologiques pour réaliser des Evaluations d’Impact Sanitaire (EIS) de la pollution atmosphérique urbaine (Ung et al., 2012). Une EIS vise à quantifier l’impact de la pollution atmosphérique sur la santé comme par exemple le nombre de cas « attribuables » à partir de relations Exposition-Risque (E-R) issues des études épidémiologiques. L’intérêt des EIS est d’estimer dans une population donnée un nombre d’événements sanitaires ou d’années de vie perdues attribuables à la pollution.

Des travaux épidémiologiques plus récents ont mis en évidence des associations avec d’autres effets sanitaires tels que des effets sur la reproduction avec une réduction du poids de naissance (Pedersen et al., 2016), sur des maladies métaboliques comme le diabète et également sur le développement neurologique et la fonction cognitive (Andersen et al., 2018); même si pour tous ces effets, la plausibilité biologique reste encore à démontrer.

Plus récemment dans le cadre de DACCIWA, le recensement quotidien des hospitalisations pour maladies respiratoires, problèmes cardio-vasculaires, dermatologiques et de mortalité avec les médecins africains a été réalisé selon la même méthodologie dans 5 centres médicaux situés à proximité des sites de mesure (feux domestiques, trafic, décharges) en

parallèle avec des mesures hebdomadaires de PM2,5. A partir de ces résultats, Kouamé Kouadio

et Isabella Annesi-Maesano (médecins, équipe WP2-DACCIWA), ont estimé que 143 visites à l'hôpital auraient pu être évitées pendant la saison des pluies de la période d'étude, y compris

10 décès, si les concentrations moyennes de PM2,5 à Abidjan avaient été égales aux

58 I.2.3 Etudes toxicologiques

La mise en évidence d’une association entre l’exposition aux particules et l’augmentation de la morbidité et mortalité a conduit à stimuler les études toxicologiques afin de déterminer la plausibilité biologique de cette association. Les études toxicologiques sont des études expérimentales généralement réalisées chez l’animal ou sur des cellules en culture. Elles consistent à comparer les effets induits dans des groupes d’animaux (ou de cellules) exposés à des concentrations croissantes de toxiques par rapport à un groupe témoin. Elles visent à identifier l’effet toxique et à déterminer une relation entre la concentration d’exposition et l’effet toxique c’est à dire ce que l’on appelle encore la réponse.

En ce qui concerne les particules, des études ont été réalisées chez l’homme. Des volontaires sains ou souffrant d’asthme ont été exposés de façon contrôlée à des échappements Diesel ou à des particules atmosphériques concentrées, ce qui a permis de montrer des effets respiratoires et cardiovasculaires à court terme (Salvi et al., 2000 ; Ghio et al., 2000). Ces études ayant consisté en des expositions courtes (1 à 2h) à des concentrations élevées de particules

(100 à 300 µg/m3) chez des sujets humains ne permettaient pas d’utiliser des méthodes

d’investigation invasives et d’identifier les effets d’une exposition chronique qui ont été abordés par des études expérimentales chez l’animal de laboratoire. Ces études ont montré que les expositions conduisent i) à une inflammation pulmonaire caractérisée par un infiltrat de cellules inflammatoires dans les lavages broncho-alvéolaires, avec notamment un nombre accru de neutrophiles associé à la présence de médiateurs pro-inflammatoires et qui prend un caractère persistant avec la chronicité de l’exposition ii) une diminution des fonctions respiratoires iii) une rétention pulmonaire qui s’accroit avec la répétition des expositions iv) des changements histopathologiques v) une inflammation systémique (Happo et al., 2010; Elder et al., 2005). De nombreuses études in vitro ont été réalisées avec les particules visant d’une part à préciser le mécanisme d’action des particules et d’autre part à comparer différents lots de particules selon leur taille et composition chimique afin d’identifier les déterminants de la toxicité. En utilisant des modèles de cellules cibles des particules dans l’appareil respiratoire (cellules épithéliales bronchiques, alvéolaires et macrophages), elles ont permis de décrypter la séquence de signalisation qui conduit à la synthèse et à la libération de médiateurs pro-inflammatoires. Cette séquence résulte d’une situation de stress oxydant intracellulaire qui est en lien avec les propriétés physico-chimiques des particules. Les métaux notamment de transition, les composés organiques sont des constituants fortement impliqués dans la genèse de ce stress oxydant.

59