• Aucun résultat trouvé

3.6 Etude des facteurs de mérite pour la fonctionnalisation de structures photoniques à

4.1.2 Etude de la silanisation par immersion

a. Protocole de silanisation

Dans les années quatre-vingts, la diversification des conditions expérimentales appliquées par les chimistes dans les protocoles de silanisation des surfaces solides a fait apparaître des procédés de silanisation en milieux aqueux [166] ou anhydres [167], à des températures ambiantes [168] ou élevées [169] et avec des durées de réaction plus au moins longues (de quelques minutes [170] à quelques heures [169]). Quelques années plus tard, l’intérêt porté à ces procédés dans des appli- cations "pointues" comme la conception des biocapteurs, a amené certains chercheurs à réaliser des études comparatives afin d’évaluer l’implication de chaque paramètre expérimental (quantité de ré-

actif de silanisation, type de solvant, température et durée de la réaction, température et durée du séchage) dans l’obtention de couches de silanes homogènes, régulières et de faible épaisseur (épais- seur la plus proche de celle d’une monocouche moléculaire) [85, 171, 172]. Ces études ont souvent utilisé l’APTES comme réactif de silanisation. Les surfaces traitées étaient celles des substrats po- lis de silicium et des gels de silice mésoporeux. Le traitement consistait généralement à immerger ces matériaux dans une quantité de solution suffisante pour tremper tout l’échantillon. D’après ces études : (i) la quantité du réactif de silanisation doit être en excès par rapport à la quantité d’hydroxyl recouvrant la surface à traiter, (ii) l’utilisation d’un solvant organique favorise l’organisation homo- gène de la couche de silane en évitant l’adsorption électrostatique des molécules d’APTES par leurs

groupements ionisés NH3+ à la surface oxydée du matériau traité, (iii) le déroulement de la réaction

de silanisation à température ambiante et sur des durées non prolongées (< 2 h) favorise la forma- tion d’un revêtement de silanes organisés en monocouche et (iv) le recuit thermique prolongé à des

températures avoisinant150◦C permet la désorption des molécules d’APTES n’ayant pas réagi et la

stabilisation de la couche de silane fixée à la surface par des liaisons covalentes.

Moyennant cette lecture, nous avons déduit les conditions expérimentales d’un procédé de silanisation par immersion des échantillons de silicium poreux. Ce procédé consiste tout d’abord à oxyder ther-

miquement (oxydation partielle) les cristallites de l’échantillon poreux à une température de300◦C

durant une heure sous flux d’oxygène (O2). Les échantillons de silicium poreux sont ensuite trempés

dans une solution piranha (H2SO4:H2O2 à 30 %, 3 : 1) pendant 30 minutes afin d’augmenter le ni-

veau d’hydroxylation (taux de recouvrement en groupement hydroxyl -OH) de la surface oxydée des cristallites. A la fin de cette étape, les échantillons ont été rincés à l’eau et séchés sous flux d’azote. Chaque échantillon de silicium poreux a été par la suite immergé dans 5 ml d’une solution d’APTES

de concentration définie (entre 5.10−4 % et 1 %) dans du toluène pur. L’ensemble (silicium poreux

et solution d’APTES) a été maintenu en contact pendant une heure, à température ambiante et sous une agitation de faible vitesse dans un flacon en téflon monté sur un agitateur de type Vortex. A la fin de cette réaction de silanisation, chaque échantillon de silicium poreux a été rincé à l’éthanol, ensuite

séché sous un flux d’azote pour subir enfin un recuit de 15h dans une étuve à150◦C. L’efficacité de

ce procédé de silanisation a été évaluée après estimation par reflectomètrie de la couche de silane tapissant les parois des pores pour chaque concentration d’APTES utilisée.

b. Résultats

Le protocole de silanisation par immersion, décrit ci-dessus, a été appliqué sur cinq échantillons

de silicium poreux élaborés par anodisation électrochimique du silicium type P+dans les conditions

prédéfinies à la fin de l’étude préliminaire (section 2.2) et pour une durée d’anodisation égale à 120 s. L’analyse spectroscopique des échantillons à chaque étape de préparation (après anodisation, après gravure, après oxydation et après silanisation) et l’ajustement des spectres de réflectance ainsi obtenus aux spectres théoriques simulés a permis la caractérisation des échantillons. Dans le tableau 4.1 sont

présentés les paramètres physico-chimiques que nous avons déterminé à chaque étape de la fonction- nalisation par ajustement du spectre de réflectance théorique (simulé à l’aide du programme décrit dans le chapitre 3) au spectre expérimental de la couche poreuse. Les valeurs de l’épaisseur de la couche poreuse avant et après gravure RIE ainsi que les valeurs d’indice de réfraction et de porosité avant silanisation correspondent aux moyennes des valeurs obtenues avec les cinq échantillons de si- licium poreux.

Avant gravure RIE, la couche poreuse fraichement préparée par anodisation électrochimique a une

e (nm) n p (%) CAP T ES =Cmol1 (%)

Après anodisation3000

1,111 91,5

0 Après gravure RIE

2110 Après oxydation 1,081 81,7 Après silanisation C0 1,082 80,0 C1 1,113 72,3 5 C2 1,122 72,3 5 C3 1,109 78,9 8 C4 1,103 75,0 8

*valeur mesurée après observations MEB.CAP T ES : Fraction volumique d’APTES.

C0, C1, C2, C3 et C4 correspondent aux concentrations de la solution de silanisation

0 %, 5.10−4%, 5.10−2%, 0,5 % et 1 % respectivement.

Tableau 4.1 – Caractérisation des monocouches de silicium poreux avant et après silanisation par immersion.

épaisseur mesurée par MEB égale à 3000 nm ± 100 nm. La porosité de cette couche poreuse estimée par ajustement des spectres est égale à 91,5 % ± 0,5 %. A cette valeur de porosité correspond un

indice de réfraction égal à 1,111 ± 7.10−3.

Les spectres de réflectance de la couche poreuse de l’échantillon silanisée avec la concentration

d’APTES la plus faible (C1 = 5.10−4 %) sont présentés sur la figure 4.2 pour chaque étape de la

fonctionnalisation.

– Effet de la gravure

L’observation directe du spectre de réflectance de la couche poreuse après gravure RIE montre une diminution du nombre de franges d’interférence accompagnée par une réduction de leur visibilité. Comme nous l’avons expliqué précédemment, ceci est dû à l’augmentation de la ru- gosité de l’échantillon au niveau de l’interface couche poreuse/air et la diminution de l’épaisseur optique de la monocouche analysée. La simulation théorique de cette transformation spectrale

révèle, en effet, une diminution de l’épaisseur optique de la couche poreuse d’environ 1µm et

la réduction de son épaisseur d’environ 900 nm. La faible épaisseur de la couche de surface peu poreuse (environ 100 nm) et la forte porosité de la couche poreuse (supérieure à 90 %) laissent

supposer que l’indice de réfraction et la porosité, respectivement égaux à 1,111 ± 7.10−3 et

Figure 4.2 – Spectres de réflectance d’une couche de silicium poreux aux différentes étapes de sa préparation.

– Effet de l’oxydation thermique

Après traitement thermique des échantillons de silicium poreux (300◦C/1h), la transformation

spectrale observée se limite à un déplacement des franges d’interférences d’une trentaine de nanomètres vers les plus basses longueurs d’onde (figure 4.2). Ce déplacement a été relié à une diminution de l’épaisseur optique de la couche poreuse (de 2345 à 2278 nm). Cette variation est due à la transformation d’une proportion des cristallites de silicium séparant les pores en silice.

Etant donné que la silice a un indice de réfraction (n = 1,46 àλ = 2 µm) plus faible que celui

du silicium (n = 3,47 à λ = 2 µm) l’indice de réfraction de la couche poreuse diminue après

oxydation thermique. Cependant, cette diminution est très faible (de l’ordre de 3.10−2) malgré

un taux d’oxydation estimé à 87 % ± 13 %. Ceci est très probablement lié à la grande porosité initiale de la couche poreuse (91,5 % ± 0,5 %) et donc à la quantité réduite de silicium dans ce milieu (environ 9 %). Occupant un volume plus important (2,7 fois) que le silicium, la silice ainsi formée réduit la proportion de l’air dans la couche poreuse et entraîne une diminution de la porosité de l’échantillon de l’ordre de 10 % (tableau 4.1). Ces observations se sont basées sur un modèle d’expansion volumique reliant la nouvelle porosité "pox" à la porosité initiale "p" par la relation suivante [159] :

pox = 1 − [(1 − p)(1 + 1, 27τ )] (4.1)

Avec "τ " (compris entre 0 et 1) égal au taux d’oxydation de la couche poreuse.

Ce phénomène d’expansion volumique serait aussi responsable d’un rétrécissement de l’ouver-

ture des pores. Ainsi une nouvelle valeur de diamètre moyen "Dox" sera attribuée aux échan-

tillons de silicium poreux à ce stade de préparation. "Dox" serait relié au diamètre initial par la

relation suivante :

Dox= D

r pox

p (4.2)

Cette relation a été établie à partir de la relation 2.3 (chapitre 2) exprimant le nombre de pores (N) contenus dans l’échantillon en supposant que ce nombre reste constant après traitement thermique. Ainsi le diamètre moyen des pores initialement évalué à 56 nm devient après oxy- dation égale à 53 nm.

– Effet de la silanisation

Après oxydation thermique, les cinq échantillons de silicium poreux ont été silanisés en utili-

sant des solutions contenant de l’APTES à des concentrations différentes : C0 = 0 % (témoin

négatif), C1 = 5.10−4 %, C2 = 5.10−2 %, C3 = 0,5 % et C4 = 1 %. Excepté le traitement

chimique utilisant la première solution (C0), chacun des autres traitements a provoqué un dé-

placement du spectre de réflectance de la couche poreuse correspondante vers les longueurs d’onde les plus élevées. Ce déplacement est associé à une augmentation de l’épaisseur optique des couches poreuses. En supposant que ces traitements n’avaient pas d’effet sur l’épaisseur physique de la couche poreuse, les variations subies par l’épaisseur optique seraient dues à l’augmentation de l’indice de réfraction de la couche poreuse (tableau 4.1). Cette augmentation

d’indice est évaluée à environ 2.10−2pour les faibles concentrations (C

1et C2) et à 4.10−2pour les fortes concentrations. En utilisant le modèle de Bruggeman comme décrit dans le chapitre 3, ces variations d’indices ont été traduites en fractions volumiques d’APTES introduites dans les

pores. Ainsi, les concentrations C1 et C2 ont permis l’introduction d’une quantité équivalente

d’APTES de l’ordre de 5 % du volume de la couche poreuse. Les concentrations C3et C4 ont

aussi permis l’introduction de quantités d’APTES similaires avoisinantes les 8 %.

En supposant que la réaction de silanisation s’est déroulé de façon homogène sur toute la sur-

face développée par les pores, nous avons attribué le paramètre physique "eAP T ES" représen-

rapport de la fraction volumique de l’APTES "CAP T ES" par la surface spécifique de la couche poreuse "Ss". En utilisant la relation 2.5 (chapitre 2), "eAP T ES" (en nm) peut être exprimée par la relation suivante :

eAP T ES =

CAP T ES· Dox

4Pox

(4.3)

Avec Poxla porosité de la couche poreuse après oxydation thermique et Doxle diamètre moyen.

L’évaluation de ce paramètre, "eAP T ES", peut nous renseigner sur l’efficacité du protocole de

silanisation. En effet, l’organisation des silanes tapissant les parois des pores est d’autant plus

homogène que la valeur de "eAP T ES" se rapproche de la taille des molécules d’APTES (≃ 8

Å). Pour les concentrations C1, C2, C3 et C4, les valeurs des "eAP T ES" correspondantes sont respectivement égales à 8 Å, 8 Å, 13 Å et 14 Å. Gravitant autour de la taille d’une molécule d’APTES sans atteindre une épaisseur équivalente à deux couches superposées de silanes (16 Å), ces résultats sont en faveur d’un assemblage moléculaire assez homogène pour toutes les

solutions actives C1−4. Un avantage peut tout de même être attribué aux concentrations faibles

comprises entre 5.10−4 % et 5.10−2 %. Dans cet intervalle de concentration, nous pouvons

caractériser davantage la silanisation de notre matériau poreux par la détermination du taux de

recouvrement "RSi−R" de la surface oxydée des cristallites par les silanes. Exprimant le nombre

de molécules d’APTES greffé par unité de surface silanisée, ce paramètre peut être relié à la masse des silanes "mSi−R" par la relation suivante :

RSi−R= mSi−R· NA

MSi−R· Ac (4.4)

Avec NA : nombre d’Avogadro, MSi−R : masse molaire des silanes et Ac : la surface totale

développée par les cristallites d’une couche poreuse.

En exprimant la masse des silanes "mSi−R" en fonction de la fraction volumique "CAP T ES"

par la relation 4.5, le taux de recouvrement "RSi−R" peut être déterminé selon l’équation 4.6.

mSi−R = ρSi−RCAP T ESAse (4.5)

RSi−R = ρSi−RDoxCAP T ESNA

4poxMSi−R

(4.6) Avec "ρSi−R" : la masse volumique des silanes, "As" : la surface de l’échantillon à l’interface

air/couche poreuse égale à 1 cm2et "e" l’épaisseur de la couche poreuse.

En supposant que les silanes (Si-R) greffés à la surface des pores ont les mêmes propriétés

chimiques que les molécules d’APTES utilisées (Réactif fourni par Aldrich), la masse mSi−R

calculée à partir de la valeur deCAP T ES égale à 5 %, serait égale à environ 10µg. Le taux de

recouvrement correspondant serait alors égal à ≃ 2,1 Si-R/nm2. Cependant, commençant par

l’hydrolyse des groupements éthane (3x(-C2H5)) de chaque molécule d’APTES mise en réac-

tion, la silanisation comme décrite par F. Luderer et U.Walschus [79] (Figure 4.3) ne se limite pas à la condensation des alkoxysilanes à la surface hydroxylée.

Figure 4.3 – Mécanisme réactionnel de la silanisation avec du (3aminopropyl)triéthoxysilane (APTES).

Selon ce mécanisme réactionnel, la couche de silanes greffés est composée d’assemblage de

fragments moléculaires de formule chimique (-O)3Si(CH2)3NH2. Etant égale à 134 mg/ml, la

masse moléculaire de ces fragments est très différente de celle de l’APTES (221,37 mg/ml). Les autres propriétés chimiques de ces fragments de silanes, comme la masse volumique, seraient

aussi différentes de celles du (3-Aminopropy1)triethoxysilane (ρAP T ES = 0,946 g/mol). La

correction des valeurs de la masse de la couche de silane et du taux de recouvrement par l’uti- lisation de la masse molaire calculée des fragments R-Si (134 mg/ml) et la masse volumique d’une substance chimique de masse moléculaire équivalente (1,6 g/mol pour l’acide malique) permet d’ajuster "mSi−R" à ≃ 17 µg. Le taux de recouvrement "RSi−R" calculé selon la rela-

tion 4.6 et à partir des valeurs de pox, Dox etCAP T ES déjà déterminés par le modèle est égal

à ≃ 5,8 Si-R/nm2. Ce taux de recouvrement est alors de même ordre de grandeur que celui

mesuré par D. G. Kurth et T. Bein [163] (5,3 molécules par nm2mesurées par microbalance à

quartz) après dépôt en phase vapeur de fines couches d’APTES (épaisseur égale à 5 ± 1 Å) sur une surface plane et anhydre.