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Lors de l’interférence de SmShb chez le parasite adulte, nous avons observé une accumulation de spermatozoïdes matures au niveau des testicules des parasites et avons émis l’hypothèse que cela pourrait être du à un défaut de migration des gamètes matures. Au vu de ces résultats et du rôle de SmShb dans la spécificité d’activation de la voie JNK par SmVKR1, nos études se sont focalisées sur deux protéines partenaires du complexe SmVKR1-SmShb identifiées lors du criblage de la banque d’ADNc de parasites adultes : SmTcTex-1 (Genbank n° CCD82914.1) et SmRhoU (Genbank n° : CCD75535.1).

 SmTcTex-1

La dynéine est un complexe protéique formé de chaînes lourdes associées à différentes chaînes intermédiaires, elles-mêmes liées à des chaines légères. Ainsi formées, les dynéines sont des protéines motrices qui utilisent l’hydrolyse de l’ATP pour se déplacer vers l’extrémité (-) des microtubules et qui permettent donc le transport rétrograde (vers le centre de la cellule) des vésicules. Au niveau des axonèmes, les dynéines permettent de faire glisser les microtubules entre eux induisant ainsi le battement des cils ou des flagelles.

Les protéines TcTex (pour t-complex associated testis expressed 1) forment une famille de chaînes légères de dynéine. En se liant aux chaînes intermédiaires, elles font le lien entre le complexe de dynéine et le cargo. Depuis quelques années, des études ont montré que les chaines légères de dynéine peuvent présenter des rôles indépendants de la dynéine. Par exemple, TcTex-1 joue un rôle dans la croissance des neurites en modulant la dynamique de l’actine et l’activité de Rac1, et cela indépendamment de son rôle associé à la dynéine (Chuang et al., 2005). TcTex-1 est également impliqué dans la résorption du cil et l’entrée en phase S (Li et al., 2011; Yeh et al., 2013). Plus récemment, il a été montré que TcTex-1 s’associe aux kinétochores et contribue à stabiliser leur association aux microtubules, toujours indépendamment de la dynéine (Liu et al., 2015). En parallèle, différentes études ont mis en évidence un rôle de TcTex-1 dans la fertilité : chez la souris, TcTex-1 est impliquée dans la différenciation des spermatozoïdes et aurait un rôle dans leur motilité (Korrodi-

Gregorio et al., 2013), chez D. melanogaster, TcTex-1 serait nécessaire pour la production de

spermatozoïdes fonctionnels (Caggese et al., 2001).

L’alignement de SmTcTex-1 avec ses homologues nous a permis de mettre en évidence une forte conservation de la protéine (≈ 70% d’identité avec les TcTex-1 de mammifères). La séquence protéique de SmTcTex-1 contient la Thréonine conservée T94 dont l’état de phosphorylation permet de réguler l’interaction de la protéine avec la chaîne intermédiaire de la dynéine (Chuang et al., 2005).

entre ces deux protéines [Figure 49A]. En parallèle, nous avons montré que cette interaction dépend de l’état de phosphorylation de SmTcTex-1. En effet, alors que la mutation de la T94 par un résidu Alanine non phosphorylable (SmTcTex-1 T94A) n’a aucun effet sur l’interaction avec SmShb, la mutation de la T94 par un acide aminé mimant la phosphorylation (SmTcTex-1 T94E) inhibe totalement cette interaction [Figure 49B].

Figure 49 : SmShb interagit avec SmTcTex-1 non phosphorylée. Suite à leur co-expression en ovocyte de xénope,

les protéines SmShb-Myc et SmTcTex-1-HA sont immuprécipitées à l’aide d’anticorps anti-HA ou anti-Myc. Chaque complexe immun est ensuite révélé par des anticorps anti-HA et anti-Myc. A. SmShb est co- immunoprécipité avec SmTcTex-1 et inversement. B. SmShb co-précipite avec SmTcTex T94A mais pas avec SmTcTex T94E.

Les protéines TcTex-1 se lient aux chaines intermédiaires de dynéine au niveau du motif hydrophobe R/K-R/K-X-X-R/K (Wu et al., 2005). De façon intéressante, l’analyse de la séquence de SmShb a mis en évidence la présence d’une séquence R764R765SCR768. Afin de déterminer le rôle de cette séquence dans l’interaction SmShb-SmTcTex-1, nous avons produit un mutant de SmShb dans lequel les trois résidus Arginine ont été remplacés par des Alanines (SmShb AAxxA). Bien que les résultats obtenus nécessitent d’être confirmés, des expériences préliminaires de co-expression en ovocyte de xénope ont montré que le motif RRxxR de SmShb pourrait être impliqué dans son interaction avec SmTcTex-1.

 SmRhoU

Les GTPases Rho (Ras-homology protein) régulent des voies de signalisation impliquées dans de nombreux processus cellulaires tels que la dynamique du cytosquelette, la régulation de la transcription, la progression du cycle ou la différenciation cellulaire. La plupart des études se sont focalisées sur les trois GTPases Rho « classiques » : RhoA, Rac1 et Cdc42. Ces Rho GTPases suivent un schéma commun d’activation et de régulation [Figure 50].

D’autres Rho GTPases ne suivent pas ce schéma d’activation mais sont plutôt régulées au niveau de leur expression et de leur dégradation ou encore par interaction protéine-protéine. Ces Rho GTPases

RhoV (ou Chp pour Cdc42 homologous protein) forment une sous-famille appartenant à cette catégorie.

Figure 50 : Modèle de régulation des Rho GTPases classiques (Sahai et Marshall, 2002). La Rho-GDP inactive interagit avec un GEF (Guanine nucleotide Exchange Factor) qui permet l’échange du GDP pour du GTP. La liaison du GTP est souvent associée à la translocation des protéines Rho à la membrane et induit un changement de conformation permettant l’interaction de la Rho-GTP avec ses effecteurs. L’hydrolyse du GTP est facilitée par l’intervention de GAP (GTPase Activating Proteins), qui agissent en tant que régulateurs négatifs de la signalisation des Rho. Une troisième catégorie de protéine, les GDI (Guanine nucleotide Dissociation Inhibitors), se lie aux Rho GTPases prénylées et les séquestrent en conformation inactive dans le cytoplasme.

Alors que RhoU est ubiquitaire, l’expression de RhoV semble être plus limitée. Contrairement à d’autres Rho atypiques, les RhoU/V présentent un domaine GTPase classique mais sont majoritairement présentes sous forme active, liée au GTP. La plupart des Rho présente un motif C- terminal CAAx, permettant leur prénylation et donc leur ciblage à la membrane. RhoU et RhoV possèdent respectivement un motif CCFV et CFV permettant leur ciblage à la membrane par palmitoylation. RhoU et RhoV contiennent une extension N-terminale présentant plusieurs motifs riches en Proline PxxP. Il a été montré que RhoU est capable d’interagir par son extrémité N-terminale avec les domaines SH3 de différentes protéines adaptatrices telles que Grb2 ou Nck (Aspenström et

al., 2007). D’ailleurs, des études ont mis en évidence que RhoU interagit avec l’EGFR par l’intermédiaire

de Grb2 et est ainsi impliqué dans l’activation de la voie JNK et la migration cellulaire dépendante de la stimulation par l’EGF (Zhang et al., 2011). Différents travaux ont ainsi mis en évidence l’implication des protéines RhoU/V dans l’adhésion cellulaire, la dynamique du cytosquelette et dans l’activation de la voie JNK, notamment par l’intermédiaire de protéines PAKs (p21-Activated Kinases) (Bhavsar et al., 2013; Dart et al., 2015; Dickover et al., 2014; Ory et al., 2007; Shepelev et Korobko, 2012; Tao et al.,

2001).

L’analyse phylogénétique de SmRhoU (Figure S2 de l’article) a permis de montrer son appartenance à la famille des RhoU/V (environ 30% d’identité avec HsRhoU et HsRhoV). De plus, alors que deux représentants de la famille RhoU/V sont exprimés chez les vertébrés, un seul membre a été

identifié chez S. mansoni et S. haematobium ainsi que chez les Cestodes Echinococcus multilocularis,

E. granulosus et Hymenolepis microstoma. Une étude récente a également mis en évidence la présence

d’un seul homologue des RhoU/V chez C. elegans (Kidd et al., 2015). L’analyse de la séquence de SmRhoU a permis de montrer la présence des motifs nécessaires à son activité (domaines Switch I et Switch II, boites G1 à G5). Comme la plupart des RhoU/V, SmRhoU présente une extension N-terminale mais celle-ci ne comporte pas de motifs riches en Proline PxxP. La séquence de SmRhoU présente deux insertions : la première entre les boites G3 et G4 et la seconde entre la boîte G5 et l’extrémité C- terminale [Figure 51].

Figure 51 : Alignement de SmRhoU avec les protéines RhoU et RhoV humaines. Le domaine GTPase est constitué

de 5 « boites G » essentielles pour l’échange GDP/GTP, le changement de conformation induit par la liaison du GTP et l’hydrolyse du GTP. Le domaine Switch I est responsable de la liaison de la GTPase à ses effecteurs, le domaine Switch II est impliqué dans l’hydrolyse du GTP. La boite G1 permet la liaison de la purine. La boite G2, située dans le domaine Switch I, permet la liaison aux effecteurs. La boite G3 est impliquée dans la liaison de l’ion Mg++. Des résidus de la boite G4 sont responsables de l’interaction avec la guanine et la boite G1 via la formation de ponts hydrogène. Les résidus de la boite G5 sont également impliqués dans la liaison avec la guanine. L’insert Rho correspond à une séquence spécifique des Rho, absente des autres protéines de la superfamille des RAS

La co-expression de SmRhoU avec SmShb en ovocyte de xénope nous a permis de confirmer l’interaction entre les deux protéines. En effet, l’analyse par western blot des complexes immuns a mis en évidence une co-immunoprécipitation des deux protéines [Figure 52A]. En parallèle, nous avons souhaité vérifier le rôle des différents domaines de SmRhoU dans l’interaction avec SmShb. Pour cela, nous avons construit un mutant pour lequel nous avons supprimé l’extension N-terminale (SmRhoUΔNt) et un mutant pour lequel nous avons muté le site potentiel de palmitoylation (SmRhoU C334A). La co- expression de ces différents mutants avec SmShb en ovocyte de xénope montre qu’une modification de SmRhoU interrompt son interaction avec SmShb [Figure 52B]. Ces résultats laissent supposer que l’interaction SmShb-SmRhoU serait dépendante de l’adressage à la membrane de la GTPase et qu’elle nécessiterait également l’extension N-terminale de SmRhoU.

Figure 52 : SmShb interagit avec SmRhoU. Suite à leur co-expression en ovocyte de xénope, les protéines SmShb-

Myc et SmRhoU-HA sont immuprécipitées à l’aide d’anticorps anti-HA ou anti-Myc. Chaque complexe immun est ensuite révélé par des anticorps anti-HA et anti-Myc. A. SmShb est co-immunoprécipité avec SmRhoU et inversement. B. La délétion de l’extension N-terminale ou la mutation du site de palmitoylation de SmRhoU empêche son interaction avec SmShb.

Il serait également intéressant de vérifier si la liaison entre SmShb et SmRhoU dépend de son activité GTPasique. En nous basant sur la littérature (Saras et al., 2004), nous avons construit un mutant constitutivement actif SmRhoU K94L ainsi qu’un mutant inactif SmRhoU T50N. Des expériences préliminaires indiquent qu’aucun de ces deux mutants ne semble interagir avec SmShb. Cependant, comme cela pourrait être dû à une mauvaise conformation de la GTPase, ces expériences nécessitent de déterminer préalablement si la protéine sauvage et les mutants construits possèdent ou non l’activité catalytique attendue.