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Etude de l’influence de l’adénosine extracellulaire sur la plasticité synaptique à

CHAPITRE IV : DISCUSSION GENERALE ET PERSPECTIVES

B. Etudes électrophysiologiques et pharmacologiques

3. Etude de l’influence de l’adénosine extracellulaire sur la plasticité synaptique à

Cette étude a été réalisée avec les mêmes conditions expérimentales que dans l’article précédent. Les réponses électrophysiologiques dans le cortex piriforme de la souris ont été enregistrées suite à des trains (5 pulses) de stimulations à différentes fréquences (3, 125 Hz à 100 Hz). Plusieurs concentrations d’adénosine ont été utilisées (10, 30, 100, 300 et 1000 µM) et le CPT, qui est un antagoniste compétitif des récepteurs A1, ce qui a permis d’évaluer l’influence de l’adénosine endogène sur la plasticité synaptique. Le modèle (Gleizes et al., 2017) a également été utilisé afin d’adapter nos données expérimentales et de déterminer les caractéristiques de la plasticité synaptique à court terme en présence ou en absence totale d’adénosine.

Nos résultats expérimentaux montrent que l’adénosine produit une facilitation qui se renforce avec de fortes concentrations mais aussi en fonction de la fréquence. Plus on augmente la concentration en adénosine, plus le maximum de facilitation est observée pour des fréquences de stimulations élevées. En condition contrôle et pour de faibles concentrations en adénosine (10 et 30 µM), le maximum de facilitation est observé pour des fréquences égales à 25 Hz. En revanche pour des concentrations élevées en adénosine, le maximum de facilitation est déplacé vers des fréquences plus hautes, 50 Hz et 100 Hz. A l’inverse avec le CPT et pour

semble que pour des hautes fréquences, l’inhibition de l’adénosine semble être contrecarrée par les mécanismes de plasticité car l’amplitude de la réponse tend à atteindre une valeur proche de celle obtenue en condition contrôle.

La modélisation de nos données expérimentales montre que plus la concentration d’adénosine augmente moins les mécanismes de dépression lente et rapide sont sollicités. C’est pour cela qu’avec la plus forte concentration d’adénosine le modèle ne fait intervenir qu’une constante de temps de facilitation.

Dans la condition avec le CPT, la modélisation de nos données expérimentales n’est pas très différente de celle obtenue en condition contrôle puisque le modèle suggère l’interaction de 3 mécanismes : une facilitation et deux dépressions avec une dépression lente et une dépression rapide. Par ailleurs, le seul paramètre qui semble être affecté en fonction des conditions expérimentales (adénosine et CPT) est U qui représente la probabilité de libération initiale. En condition avec le CPT, la valeur de U augmente. Ceci peut s’expliquer par le fait que l’inhibition des récepteurs A1 provoque une augmentation du signal dû à un apport de calcium plus important à l’intérieur de la synapse. Par conséquent, cela induit une libération accrue de vésicules de neurotransmetteurs. Ce qui expliquerait pourquoi à hautes fréquences le signal déprime. En effet, à ces fréquences la synapse n’aurait pas le temps de reformer la réserve de vésicule d’où l’apparition de la dépression. A l’inverse, on observe que plus la concentration d’adénosine augmente plus le paramètre U diminue. L’apport de calcium étant moindre dans la synapse en présence d’adénosine, la réserve de vésicules ne s’épuiserait pas aussi vite qu’en condition contrôle ou sans adénosine. En d’autre terme, dans ces conditions la dépression est de moins en moins sollicitée à hautes fréquences. Ce qui explique pourquoi la modélisation de nos données ne fait intervenir que de la facilitation.

Tous ces résultats nous indiquent que d’une part, l’augmentation de la concentration en adénosine réduit l’impact des mécanismes de dépression. D’autre part, l’adénosine diminue la probabilité initiale de libération de neurotransmetteurs. Une des conséquences d’une telle modulation par l’adénosine serait que malgré l’inhibition qu’elle procure (en diminuant la probabilité initiale de libération), les modifications qu’elle induit sur les caractéristiques de la

plasticité contrecarrent l’inhibition pour de hautes fréquences. En effet, de nombreux neuromodulateurs activent des récepteurs présynaptiques, et il en résulte le plus souvent une diminution de la probabilité de libération des neurotransmetteurs. À la suite de cette diminution, les caractéristiques de « filtrage » de la synapse sont modifiées de sorte que la dépression diminue la contribution à la dynamique synaptique et la facilitation devient plus importante (Abbott et Regehr, 2004). De cette façon, l’adénosine pourrait donc agir comme un « filtre passe-haut », permettant la transmission des signaux à haute fréquence.

Cet effet de filtre de l’adénosine est opposé à celui que nous avions supposé au départ. En effet, avec la fonction d’hypnogène attribuée à l’adénosine, cela laissait supposer qu’elle jouerait un rôle de sélection des fréquences et notamment des basses fréquences. Par ailleurs, des études faites chez le rat d’une part, et chez l’Homme d’autre part, ont permis de faire un lien entre l’adénosine et les oscillations lentes de certaines phases du sommeil. Une étude chez le rat, a montré que le CPA (un agoniste des récepteurs A1) augmentait la puissance des ondes lentes, δ, de manière dépendante de la dose, et ce, dès l’injection (Benington et al.,1995) . Par ailleurs, chez l’Homme, un polymorphisme du gène codant pour la protéine ADA (responsable de la dégradation de l’adénosine en inosine) a été associé à des modifications des phases de sommeil. En effet, chez les individus dépourvus de ADA fonctionnelle, la phase de sommeil à ondes lentes est allongée et l’activité des ondes δ pendant les phases de sommeil - hors sommeil paradoxal (REM) - est augmentée (Retey et al., 2005). Ainsi, l’effet hypnogène de l’adénosine est souvent associé à la genèse des ondes

δ. Comme l’injection d’adénosine augmente la puissance des basses fréquences, nous

aurions pu penser que l’adénosine ait pour rôle d’augmenter l’effet des basses fréquences et à l’inverse de diminuer l’effet des hautes fréquences. Or ce n’est pas ce que nous avons observé dans notre étude. On peut supposer que l’effet de filtre passe haut de l’adénosine permettrait la transmission d’informations « importantes », comme un signal de danger, liées à l’induction de hautes fréquences.

Le rôle de filtre passe-haut que nous avons mis en évidence dans cette étude va à l’encontre de l’effet anticonvulsivant de l’adénosine. Cependant, notre protocole de stimulation est limité

en condition épileptique. En effet, au-delà de 5 pulses, d’autres mécanismes de plasticité pourraient entrer en jeu, et on ne sait pas quel serait l’impact de l’adénosine dans ces conditions. Il pourrait être envisagé de tester notre protocole de stimulation sur des préparations de tranches épileptiques (en supprimant le magnésium du liquide céphalorachidien, par exemple). Une autre solution serait de tester des trains de stimulation composés de nombreux pulses afin de mimer ce qu’il pourrait se passer lors d’une crise d’épilepsie.