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Partie II : ETUDE EXPERIMENTALE

Chapitre 4. Discussion générale et perspectives

1. Etude des événements courts de contamination

L’un des enjeux de ce travail a été d’étudier spécifiquement l’impact des épisodes de crues. Ces événements sont courts et complexes. Les concentrations en contaminants ainsi que les facteurs environnementaux varient fortement en quelques heures à quelques jours (Taghavi et al., 2010). Afin d’évaluer l’impact des herbicides dans ce contexte, il a été nécessaire d’avoir recours à des stratégies d’exposition adaptées et de s’assurer de la validité des outils utilisés pour mesurer les effets biologiques explorés.

1.1 Stratégie d’exposition

L’utilisation de données obtenues à partir d’organismes prélevés sur le milieu n’aurait pas permis d’isoler spécifiquement les effets des crues. En effet, les individus prélevés in situ renseignent sur la contamination telle qu’ils l’ont intégrée depuis qu’ils y sont soumis (Minissi et al., 1996; Bombail et al., 2001 ; Talapatra et Banerjee, 2007). Il n’aurait donc pas été possible de distinguer les effets associés aux épisodes de crues par rapport aux effets chroniques de la contamination. De la même façon, comparer des mesures issues de prélèvements effectués sur le terrain avant et après une crue ne garantissait pas de prendre en compte uniquement l’impact de celle-ci. En effet, le comportement des poissons au cours des crues est complexe. David et Closs (2002) ont mis en évidence une réorganisation spatiale des populations de

Galaxias argenteus lors des épisodes de crue. Cette réorganisation dépend

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d’éviter la dévalaison provoquée par les plus forts courants. En conséquence, des prélèvements sur un même site, avant et après une crue peuvent conduire à l’échantillonnage de populations différentes.

Afin d’exposer les poissons sur une période de temps choisie tout en intégrant au mieux le contexte environnemental, deux stratégies ont été sélectionnées visant à offrir un bon compromis entre la pertinence écologique et la maitrise des paramètres d’exposition. L’exposition au laboratoire à de l’eau prélevée sur le terrain permet d’exposer les organismes aux mélanges chimiques réels tels qu’ils existent dans le milieu, mais offre un contrôle de tous les autres paramètres d’exposition (da Silva Souza et Fontanetti, 2006 ; Lemos et al., 2007). L’exposition au laboratoire à un mélange de contaminants a permis d’évaluer la contribution des herbicides à l’effet observé. En utilisant les méthodes d’encagement, les organismes sont exposés sur le terrain en conditions réelles, mais il est possible de contrôler la provenance des individus et la durée d’exposition (Oikari, 2006; Whitehead et al., 2004; Bony et al., 2008; Srut et al., 2010). Il a ainsi été possible de considérer les effets exclusifs de la contamination brève associée aux crues, distinctement de la contamination chronique, tout en intégrant la complexité du milieu.

1.2 Validation des outils

Afin d’évaluer l’impact des ces expositions courtes, il était nécessaire de s’assurer de la validité des méthodes mises en œuvre pour les explorer. L’essai comète permet de quantifier des dommages induits instantanément, en revanche la situation est différente pour le test micronoyaux. En effet, de part son principe, décrit dans le paragraphe 1.1, chapitre 3 de la partie I, un temps de latence est requis entre le début de l’exposition et l’induction d’effets mesurables. En 1995, Al-Sabti et Metcalfe ont effectué une revue de la littérature traitant de la mesure des effets clastogènes chez les poissons. Parmi les 53 expérimentations considérées, 39 portaient sur le test MN sur érythrocytes. Ils ont conclu que le délai d’induction requis pour détecter des MN dans les érythrocytes était généralement de 1 à 5 jours. Ce résultat est étayé par une revue plus récente (Udroiu, 2006) qui confirme que, sur la base de la littérature, le pic de MN est observé entre 1 et 5 jours avec une majorité d’espèces pour laquelle le délai est de 2 à 3 jours. Depuis 2006, Cavas et Konen ont détecté une induction significative de MN chez le carassins 4 jours après l’exposition

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(Cavas et Konen, 2007), et de nombreuses autres études sur d’autres modèles biologiques sont en accord avec ce délai (Vanzella et al., 2007; de Campos Ventura, 2008; Hoshina et al., 2008; Yadav and Trivedi, 2009; Ali et al., 2009; Nwani et al., 2010; Kumar et al., 2010). Dans le contexte écologique de notre étude, la durée de 96h d’exposition a été retenue car elle coïncide avec la durée moyenne du pic de sur la Save. Des expositions préliminaires de notre modèle expérimental C.carassius ont été effectuées en utilisant un mutagène de référence, le cyclophosphamide

monohydrate (5 mg.L-1). Celles-ci ont confirmé la validité de cet essai pour ce temps

d’exposition.

Par ailleurs, si le test comète est reconnu pour sa sensibilité, le test de MN est parfois décrit comme peu sensible (Carrasco et al., 1990). Dans la mesure où cette étude vise à explorer l’impact génotoxique d’une exposition courte à un mélange de molécules dont le potentiel génotoxique n’est pas clairement établi, il était nécessaire d’optimiser sa sensibilité pour le mettre en œuvre de façon satisfaisante dans notre contexte expérimental. Pour améliorer la sensibilité du test MN sur érythrocytes, la coloration a été optimisée. Le plus souvent, les érythrocytes sont colorés au Giemsa avant le comptage des MN. Le chapitre 1.3 de la partie II décrit comment cette méthode de coloration peut conduire au comptage de faux positifs, responsables d’un taux de base de MN important et variable, réduisant par conséquent la sensibilité du test. En utilisant une coloration par fluorochrome spécifique de l’ADN, l’acridine orange, il a été possible d’augmenter la fiabilité et la sensibilité du test. Dans ces conditions expérimentales, la sensibilité de ce test s’est révélée satisfaisante dans nos conditions d’étude.

La différence de sensibilité entre les test MN et comète, largement décrite dans la littérature, a également été mise en évidence au cours de cette étude. En effet, les résultats des essais comètes sur carassins indiquent un impact génotoxique des mélanges expérimentaux d’herbicides, tandis qu’aucune induction significative de MN n’est mesurée. Les différences entre les résultats obtenus pour chacun de ces tests de génotoxicité peuvent être examinées au regard des différents types de dégâts observés. Le test MN est basé sur la quantification d’anomalies survenant lors de la division cellulaire. Dans le cadre de cette étude, les deux tests ont été mis en œuvre sur les érythrocytes circulants. Chez les poissons, le site principal d’érythropoïèse est le rein céphalique. Seule une atteinte de ce site de division impliquerait une modification du taux de cellules micronuclées parmi les érythrocytes

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circulants. A l’inverse un impact des contaminants sur les cellules circulantes est à même d’induire des dommages quantifiés par le test comète. Ainsi, l’essai comète révèle des dommages à l’ADN qui peuvent résulter d’un impact direct des herbicides sur le sang circulant. Le test MN renseigne quant à lui sur une contamination globale des organes internes, incluant le rein céphalique.

Au moyen de stratégies d’exposition adaptées et en validant l’optimisation d’un test de génotoxicité largement utilisé dans le cadre des études environnementales, il a été possible d’explorer les effets biologiques induits par des épisodes courts de contamination tout en préservant le réalisme des conditions d’exposition.