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Etude de la lixiviabilité des rejets solides

L’étude du comportement environnemental des rejets est difficile, voire impossible, à aborder uniquement par le biais d’analyses chimiques et minéralogiques classiques. Il faut utiliser des techniques susceptibles de simuler les conditions dans lesquelles ces rejets sont ou seront soumis.

Il existe plusieurs tests de lixiviation qui sont définis par les associations de normalisation à l’échelle des pays (ministères de l’environnement ou autres organismes nationaux) ou à l’échelle internationale (associations de normalisation) : AFNOR, ISO, DIN, etc. Ces tests présentent chacun un choix plus ou moins arbitraire des paramètres de lixiviation (durée de lixiviation, type de réactifs, rapport solide/liquide, agitation, granulométrie, etc.). Leurs résultats donnent lieu à différentes interprétations et types de présentations. La classification de ces méthodes peut être faite du point de vue du protocole expérimental et des mécanismes mis en évidence ou du point de vue de l’objectif poursuivi. Certaines méthodes sont d’ordre réglementaire, c'est-à-dire visent la conformité à une référence bien établie. D’autres ont un caractère purement scientifique. Parmi ces méthodes, nous retiendrons les tests d’extraction simple, les tests d’extraction séquentielle et les tests de lixiviation en colonne. Les lecteurs trouveront en annexe A.1 une liste d’une vingtaine de tests de lixiviation établie sur base des données de la littérature. Ces tests sont brièvement décrits et classés suivant les pays où ils sont couramment appliqués. Tous ces tests sont basés sur la mise en contact du matériau avec la solution de lixiviation dans un réacteur agité ou non, pendant un temps de contact suffisant pour atteindre l’équilibre.

I.3.1. Tests d’extraction simple

Les tests d’extraction simple sont utilisés pour déterminer la mobilité ou la biodisponibilité d’ETM présents dans les rejets solides. La mobilité des ETM est définie comme leur aptitude à être libérés du composé où ils sont liés pour être transférés vers des composés où ils sont de moins en moins énergétiquement retenus ; le composé ultime étant représenté par la phase aqueuse (JUSTE, 1988).

Pour la biodisponibilité, les définitions proposées dans la littérature sont nombreuses et pas toujours équivalentes (MADSEN, 2003)1. Il y a un accord sur le fait qu’elle correspond à la proportion susceptible d’être absorbée ou assimilée par des organismes vivants (LELEYTER et BARAUD,2005 ;LAPERCHE et al.,2004 ;BAIZE et TERCE, 2002). Les avis quant au test applicable pour sa mesure divergent énormément. Les uns acceptent les tests d’extraction simple (méthode chimique) tandis que les autres penchent du côté de méthodes biologiques mettant en évidence la quantité absorbée au travers d’un transit intestinal ou celle assimilée par les cellules microbiennes vivantes. Lorsque des électrolytes faibles sont utilisés, on trouve parfois une corrélation entre les résultats des différentes méthodes.

Les tests d’extraction simple sont largement employés en raison de leur facilité de mise en œuvre. Une gamme étendue de réactifs est utilisée depuis les acides forts (eau régale, acide nitrique ou acide chlorhydrique) jusqu’aux solutions salines neutres non

1 Cité par Laperche et al., 2004.

tamponnées (CaCl2, NaNO3, etc.). D’autres types de solutions sont également utilisées pour leur capacité à former des complexes hydrosolubles très stables avec de nombreux cations : solutions salines tamponnées, agents complexants (EDTA, DTPA). En faisant un inventaire des réactifs utilisés, on a trouvé : les solvants organiques, l’eau, les sels simples, les sels des cations alcalins et alcalino-terreux, l’acide acétique, les acétates, l’acide oxalique et les oxalates, le citrate de sodium, les fluorures, l’acétyle acétone, l’EDTA, le DTPA, les pyrophosphates de sodium et de potassium, l’oxalate d’ammonium acide et le tartrate d’ammonium, l’hydrochlorure d’hydroxylamine et l’hydroquinone, le dithionate de sodium, l’hypochlorure (ou hypobromure) de sodium, le peroxyde d’hydrogène, l’hydroxyde de sodium, le carbonate de sodium, l’acide nitrique, l’acide hydrochlorique et les acides forts.

De cette longue liste, certes non exhaustive, on peut remarquer que, dans les études environnementales concernant les rejets solides, les sels neutres, l’eau et les acides dilués ou faibles sont les plus utilisés. Cela est dû au fait qu’il est question de simuler les conditions naturelles. En réalité, les phénomènes responsables de la lixiviation des rejets ne sont pas toujours naturels. Ils peuvent être anthropogéniques, ce qui justifie l’utilisation d’autres types de réactifs.

En ce qui concerne le mode opératoire, la lixiviation se déroule en batch, à température ambiante, avec un rapport solide/liquide suffisamment faible pour que la solubilisation soit totale et que le solide soit totalement dispersé et sous agitation afin d’accélérer le processus. La granulométrie est recommandée dans un intervalle donné beaucoup plus pour des raisons techniques que pour des raisons cinétiques. Les paramètres rapport solide/liquide, agitation, granulométrie et temps sont parfois étudiés dans des intervalles très grands en vue de faire ressortir leur influence. Dans les tests normalisés (AFNOR, DIN, US EPA, NEN, etc.), les paramètres sont fixés de manière à extraire le maximum de polluants. L’interprétation des résultats est faite en comparant la concentration dans la solution d’extraction à une valeur réglementaire fixée sur base de la toxicité du polluant ou des concentrations habituellement rencontrées dans le milieu envisagé avec une marge de sécurité variant d’un facteur de 10 à 100.

En conclusion, les tests d’extraction simple sont appliqués en chimie environnementale pour simuler les phénomènes susceptibles d’être rencontrés réellement.

Ces phénomènes peuvent être naturels ou anthropogéniques. La grande différence entre l’essai de laboratoire et le phénomène naturel est le facteur temps. L’extraction est accélérée de plusieurs manières : par l’emploi de réactifs concentrés et/ou plus agressifs que ceux rencontrés habituellement dans le milieu naturel, par l’emploi d’une grande quantité de liquide d’extraction, par la mise en contact par agitation, etc.

I.3.2. Tests d’extraction séquentielle

On parle d'extractions séquentielles lorsque plusieurs lixiviations sont réalisées successivement sur un même échantillon dans un ordre prédéterminé, en utilisant des réactifs de force croissante permettant ainsi d’obtenir des informations sur les fractions

« facilement mobilisables » (extraites avec de l’eau ou une solution neutre), « mobilisables » (extraites par exemple avec l’EDTA ou le DTPA) et « immobiles » (extraites avec de l’eau régale ou en analyse totale avec de l’acide fluorhydrique. Les fractions chimiques ainsi obtenues ne sont pas définies minéralogiquement mais plutôt rattachées à des classes de constituants pour lesquelles les solutions d’extraction ont été sélectionnées, en particulier :

- La fraction « échangeable » qui qualifie les éléments adsorbés sur les surfaces minérales par des liaisons non spécifiques de type attraction électrostatique. C’est par exemple le cas des cations échangeables en position interfoliaire dans les argiles. Cette fraction est couramment extraite par des solutions salines à pH neutre. Le principe est de provoquer l’échange des éléments retenus à la surface des solides par un ion introduit en quantité largement excédentaire dans la solution ;

- La fraction « adsorbée et/ou liée aux carbonates » qui contient les éléments précipités ou coprécipités avec les carbonates. Ces éléments sont classiquement extraits par l’acide acétique du fait de la baisse de pH qui induit une dissolution des phases carbonatées ; - La fraction liée « aux matières organiques » est en général extraite par le peroxyde d’hydrogène qui est un oxydant puissant qui détruit les matières organiques ;

- Les fractions liées aux « oxy-hydroxydes plus ou moins bien cristallisés » sont différenciées en fonction de leur plus ou moins bonne cristallinité (qui sont plus ou moins réactives vis-à-vis des ETM), dans tous les cas réduites à l’aide de réducteurs plus ou moins puissants. De ce fait, certains protocoles distinguent une fraction liée aux « oxydes amorphes » (extraite par exemple avec de l’hydroxylamine hydrochlorique accompagnée d’acide acétique à pH 2, ou de l’acide chlorhydrique), et une fraction liée aux « oxydes cristallisés » (également extraite avec de l’hydroxylamine - HCl et acide acétique à 90°C) ; - La fraction « résiduelle » se compose essentiellement des minéraux silicatés primaires et secondaires (argiles principalement), qui nécessitent une attaque acide à l’aide de mélange d’acides concentrés pour assurer une dissolution totale. L’eau régale (HNO3+HCl) n’est pas recommandée car elle ne dissout pas entièrement les phases résiduelles. Un mélange comprenant des acides tels que HF, HClO4, HCl et HNO3 est ainsi préférable.

Ces spéciations opérationnelles sont plus empiriques que les spéciations aqueuses.

Elles n’ont d’intérêt que lorsque l’on effectue des comparaisons entre valeurs obtenues dans les mêmes conditions d’extraction (QUEVAUVILLER, 2007).

Sur base de ce qui précède, de nombreux protocoles d’extraction séquentielle ont été proposés depuis une vingtaine d’années. Ils diffèrent principalement par le nombre d’étages et le type de réactifs utilisés. Le plus ancien est celui proposé par TESSIERet al.

(1979) et qui comporte 5 étages d’extraction (tableau I.1.).

Si le protocole proposé par TESSIER a l'avantage de présenter une étude critique des conditions expérimentales choisies, il ne peut en toute rigueur être utilisé que dans le cadre défini par les auteurs (sols et sédiments).

Tableau I.1. Protocole d’extraction séquentielle d’après Tessier et al. (1979)

Réactifs Formes des métaux traces

Chlorure de Mg (pH 7) Echangeable

Acétate de sodium (pH 5) Liés aux carbonates

Hydroxylamine (pH 2) Liés aux oxydes

Eau oxygénée (pH 2) Liés aux matières organiques

HCl+HClO4 Fraction résiduelle

Source : (Baize et Tercé, 2002)

De nombreuses études s’y sont référés par la suite en apportant des modifications : nombre d’étapes (GUPTA et CHEN, 1975), choix des réactifs et temps de contact (RIISE et al., 1990 ; SALBU et al., 1994 ; BARONA et al., 1995 ; CLARK et al., 1996 ; MAIZ et al., 1997) ou ordre des séquences (CARBOL, 1993 ; SCHULTZ et al., 1998) . Très peu d’auteurs ont justifié les changements apportés au protocole élaboré par TESSIER. Certains incluent une première fraction dite « soluble dans l'eau » (OUGHTON et al., 1992), d’autres font la distinction entre les fractions liées aux oxydes de fer et de manganèse sous forme amorphe ou cristalline (MILLER et al., 1986), tout en n’oubliant pas ceux qui ne tiennent pas compte de la fraction liée à la matière oxydable (PAVLOTSKAYA et al., 1974] et ceux qui considèrent plusieurs fractions ayant des degrés de fixation plus ou moins importants avec la matière organique (RAURET et al., 1989) . De plus, parmi les auteurs précités, certains ajoutent une ou plusieurs étape(s) de lavage (H2O, EDTA...), en effectuant des mesures ou non sur le ou les rinçat(s) résultant(s).

Face à cette situation, des organismes nationaux et internationaux de normalisation (AFNOR, NEN, ASTM, etc) ont proposé des protocoles normalisés pour, non seulement uniformiser mais aussi pour rendre les résultats comparables. On peut noter qu’au niveau européen, depuis 1999, les activités du Comité européen sur l’harmonisation des tests de lessivage/extraction (European Network for Harmonization of Leachning/Extraction tests) ont été multipliés afin d’établir des essais de lixiviation communs pour tous les pays de la Communauté Européenne (VAN DER SLOOT, 2000). Ces protocoles concernent : les sols, les rejets solides granulaires, rejets solides monolithes, les sédiments pollués et les rejets d’incinération des ordures ménagères.

C’est ainsi qu’au niveau européen on trouve actuellement le protocole dit de BCR (Bureau Communautaire de Référence), qui comporte 3 étapes d’extractions à réaliser dans des conditions bien déterminées (URE et al., 1993 ; QUEVAUVILLER et al., 1996):

- étape 1 : CH3COOH (fraction acido-soluble) ; - étape 2 : NH2OH.HCl (fraction réductible) ;

- étape 3 : H2O2 et CH3COONH4 (fraction oxydable).

Quel que soit le protocole proposé, les méthodes d’extractions séquentielles restent l’objet de critiques basées principalement sur leur non sélectivité. En effet, chaque solution d’extraction est susceptible d’agir sur plusieurs fractions à la fois. De plus, lors de la solubilisation d’une phase, une redistribution est possible.

I.3.3. Le test « Toxicity Characteristic Leaching Procedure »

La Toxicity Characteristic Leaching Procedure (TCLP) ou « Méthode de Lixiviation pour déterminer les Caractéristiques de la Toxicité » est une méthode d’évaluation du comportement de rejets développée en 1986 aux Etats-Unis par l’EPA (Environmental Protection Agency). Faisant suite à la méthode dite EP (Extraction Procedure) toxicity, la TCLP a été développée dans le but d’avoir un protocole applicable tant aux rejets liquides et solides qu’aux rejets multiphasiques qu’ils soient minéraux ou organiques (CEAEQ, 2005 ; US-EPA, 1995).

Ce test rentre dans la catégorie des tests d’extraction simple avec la particularité qu’il n’est pas dédié uniquement au matériau solide, ce qui lui donne un caractère un peu différent des autres tests d’extraction simple. On trouve dans la littérature une mise en œuvre de la TCLP ou de ses variantes dans la caractérisation du comportement environnemental de matériaux très variés : sédiments contaminés (HARDAWAY et al., 1999), sols pollués (DERMATAS et al., 2006 ; THURNAU, 1996 ; YUKSELEN et ALPASLAN, 2001), rejets miniers et métallurgiques (MARGUI et al., 2004 ; HALIM et al., 2003), boues, déchets industriels et hospitaliers, mâchefers d’incinération des ordures ménagères, résidus de broyage de véhicules (KHUDRE et al., 1991), déchets électroniques (KEVIN et al., 2006), déchets stabilisés/solidifiés (JANUSA et al., 1998 ; YUKSELEN et ALPASLAN, 2001),etc. La particularité du test est liée au fait qu’il est développé de telle manière qu’il soit applicable aux cas particuliers sans restreindre la possibilité de comparer les résultats. C’est ainsi qu’il s’applique aussi bien aux rejets solides, liquides que gazeux.

En ce qui concerne les rejets solides, la lixiviation est réalisée avec une solution d’acide acétique pour simuler les conditions de décharge où le matériau est mis en contact avec des rejets organiques d’origines diverses (agricole, ménagère, industrie agro-alimentaire, etc.), la putréfaction de la matière organique produisant naturellement de l’acide acétique. Suite à ce choix de lixiviation acide, ce test est considéré comme étant plus sévère.

Plusieurs variantes ont été développées, il s’agit notamment :

- TCLP modifié, lixiviation en milieu acide acétique lorsque la capacité de neutralisation est supérieure à 3 eq/kg à un pH de 9 pour les résidus industriels non dangereux et les résidus stabilisés ou solidifiés ;

- SPLP « synthetic precipitation leaching procedure », est une lixiviation qui simule les pluies acides (elles ont un pH de 4,2 à l’Est du Mississipi) appliquée aux résidus industriels non dangereux et aux matières résiduelles traitées par stabilisation/solidification afin d’évaluer les possibilités de leur valorisation. Cette méthode est tirée de la méthode EPA 1312 : Synthetic Precipitation Leaching Procedure (SPLP).

Une variante particulière de la TCLP, est le test MTCLP (multiple toxicity characteristic leaching procedure) pratiqué au Japon et qui propose 10 extractions successives sur le même échantillon solide ou solidifié réduit en grains. La première extraction correspond pratiquement à la TCLP, tandis que les 9 suivantes utilisent des solutions de lixiviation à pH 3 simulant les pluies acides.

I.3.4. Percolixiviation

Cette catégorie de tests est amplement employée pour simuler les conditions réelles sur site. Ce test est parfois qualifié de test intégrateur, en ce sens qu’il permet une approche globale des phénomènes mis en jeu. Deux modes de réalisation peuvent être distingués : les colonnes à flux ascendant dites « noyées » où le fluide circule du bas de la colonne vers le haut, ce qui assure une saturation complète, et les colonnes à flux descendant dites

« arrosées » où la saturation peut ne pas être totale.

Plusieurs protocoles sont proposés dans la littérature. Ils diffèrent sur différents aspects : sens de circulation du fluide, remplissage de colonne avec ou sans compactage, débit constant ou variable, expression des résultats, etc.

A titre d’exemple, on peut considérer le test TS14405 de percolation recommandé dans la directive décharge pour l’utilisation de déchets en technique routière. Le matériau est mis en place dans la colonne en cinq couches compactées. Après mise à l’équilibre avec la solution lixiviante durant 72 heures, celle-ci est alimentée à débit constant et des prélèvements de percolats sont réalisés pour des ratios L/S (l/kg) fixés jusqu’à 10. Les résultats sont exprimés en mg/l et/ou en mg/kg en fonction du ratio L/S. Ils peuvent éventuellement servir à un modèle de prédiction du relargage en scénarios.

Parmi les nombreux protocoles existants, certaines exigences de base sont communes : la colonne de lixiviation doit avoir un diamètre intérieur d’au moins 3 cm ; le rapport entre sa hauteur et son diamètre doit être compris entre 5 et 10 ; la nature de la colonne et des tuyaux ne doit pas affecter la composition du lixiviat, la taille maximale de grains ne doit pas dépasser 10% du diamètre de la colonne, la pression à l’intérieur de la colonne ne doit pas dépasser 3 bar.

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