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Chapitre 8 : Auto-assemblage d’acides phosphoniques sur acier 304 L

5. Etude de la cristallisation

Lorsque l’échantillon est sorti de la solution de modification, une pellicule de solution recouvre la surface. L’éthanol va progressivement s’évaporer et la concentration en C16P augmente, amenant à la formation d’agrégats. Leur formation peut s’apparenter à celle des cristaux liquides de tensioactifs [168]. Des films sur la formation des agrégats sont réalisés. L’acide hexadécylphosphonique n’étant pas volatile, il est possible de calculer la concentration en C16P au fil de l’évaporation grâce à l’équation (34):

𝐶

𝑠𝑜𝑙,𝑡

=

𝑚𝐶16𝑃 𝑥 𝜌𝑒𝑡ℎ

𝑚𝑡𝑜𝑡𝑎𝑙𝑒,𝑡−𝑚𝑛𝑢− 𝑚𝐶16𝑃

éq (34)

 𝐶𝑠𝑜𝑙,𝑡, concentration de la solution au moment t (en g/l).  𝑚𝑡𝑜𝑡𝑎𝑙,𝑡, masse totale mesurée au moment t.

 𝑚𝑛𝑢, masse de l’échantillon avant modification.  𝜌𝑒𝑡ℎ, masse volumique de l’éthanol.

 𝑚𝐶16𝑃, masse d’acide hexadécylphosphonique restant sur le substrat à la fin de la modification.

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109 𝑚𝐶16𝑃 correspond à la différence de masse entre l’échantillon avant modification et après modification (évaporation totale du solvant). Pendant la phase de dépose de l’échantillon sur la balance, une partie du solvant s’évapore (Figure 9.5 A). Quand la vidéo commence, la concentration est de 1,32 x 10-1 M (pour rappel, la concentration initiale de la solution de C16P est de 5 x 10-2 M). Aucun objet n’est visible, l’acide hexadécylphosphonique est dissous dans l’éthanol. Par contre, des rayures dues au polissage apparaissent. Au bout d’environ 2 minutes, des particules se forment (Figure 9.5 B). Dans un premier temps, ces particules sont soumises à un mouvement brownien, les particules grossissent et sont entraînées dans un mouvement tourbillonnant descendant, observable au microscope, avant de se déposer sur le substrat. Les cercles rouges sur les Figure 9.5 B et C suivent le mouvement descendant de deux particules distinctes. Dans le cercle rouge de la Figure 9.5 D, se trouve la zone d’accroche des deux particules (points blancs). Cette méthode de dépôt, explique la répartition aléatoire des agrégats sur la surface.

Figure 9.5 : Images, par microscopie optique, de la formation des particules dans une solution de modification de C16P (concentration de départ 5 x 10-2M ). Grossissement x20.

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110 Il s’en suit une étape où les objets présents en surface vont croître très rapidement alors que d’autres continuent à s’accrocher sur la surface. Au centre de la Figure 9.6 A, on peut apercevoir une zone avec un relief qui correspond à la croissance d’un film épais, ayant comme origine les deux particules précédemment citées. Sur la photo, l’apparition de zones plus petites est due aux particules récemment accrochées sur la surface. Sur la Figure 9.6 B, le grossissement des agrégats continue et au centre haut de l’image, la forme caractéristique des structures tridimensionnelles déjà observées au MEB par Mélanie Borgeot apparaît. A partir de cette étape, plus aucun mouvement en solution n’est visible par microscopie optique. A une concentration de 1,96 x 10-1 M (Figure 9.6 C) les agrégats atteignent leur taille finale.

Figure 9.6 : Images, par microscopie optique, de la croissance des agrégats dans une solution de modification de C16P (concentration de départ 5 x 10-2M ). Grossissement x20.

Une pellicule de solution est encore présente en surface. L’évaporation de cette pellicule est l’étape la plus longue. Petit à petit les contours des agrégats sont de plus en plus précis (Figure 9.7 A et B). Sur la Figure 9.7 C, on peut observer l’apparition d’iridescence aux endroits non recouverts par le film. Ce phénomène est caractéristique de l’évaporation complète de l’éthanol sur une surface. Une fois le solvant complètement évaporé (Figure 9.7 D), des zones noires,

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111 comme celles indiquées par les flèches vertes, apparaissent. Elles semblent correspondre à un film de C16P plus mince. Ces zones se situent entre les agrégats, là où aucune iridescence n’est observée. L’évaporation totale de l’éthanol dure environ 25 minutes. Lorsque l’expérience est répétée sous flux d’air artificiel, les mêmes étapes peuvent être observées dans un laps de temps deux fois plus court.

Figure 9.7: Images, par microscopie optique, de la fin de l’évaporation de l’éthanol. . Grossissement x20.

Les molécules de C16P présentent une partie hydrophile et une partie hydrophobe; en d’autres termes ce sont aussi des tensioactifs. En concentration élevée en solution, ces molécules vont former soit des cristaux liquides soit des objets amorphes, suivant la température et la concentration du milieu. Il existe trois grandes classes de cristaux liquides : ceux à phase lamellaire, hexagonale ou cubique [169]. Les études sur les acides phosphoniques ont montré que ceux-ci ont tendance à former des cristaux liquides sur des grandes plages de température et de concentration, avec uniquement des phases lamellaires [170,171]. En absence d’eau, avec des solvants organiques anhydres par exemple, la formation de cristaux liquides est rare. Le

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112 caractère hygroscopique de l’éthanol étant important, sous conditions atmosphériques, l’humidité ambiante est absorbée et solubilisée jusqu’à l’équilibre avec l’environnement [172]. La formation de phases lamellaires est donc possible dans l’éthanol. Grâce à la lumière polarisée, on peut observer de la biréfringence qui est un comportement typique de ces phases (Figure 9.5). Dans les phases lamellaires, les tensioactifs disposés en bicouches sont organisés de telle sorte que leurs queues hydrophobes soient au centre des lamelles et leurs parties hydrophiles en contact avec la couche d’eau. Il existe deux types principaux de phases lamellaires : les planes et les vésicules. La Figure 9.8 expose la structure d’une phase lamellaire plane.

Figure 9.8 : Schéma de Phase lamellaire.  (d) est la distance smectique.

 (δ), l’épaisseur d’une bicouche [173].

La présence d’eau est souvent nécessaire à la formation de ces phases. Les bicouches sont empilées et séparées par une couche d’eau [168]. Les tensioactifs dans les bicouches sont organisés afin que leurs queues hydrophobes soient au centre des lamelles et leurs parties hydrophiles en contact avec la couche d’eau. Ces phases possèdent un plan cristallin dans la direction perpendiculaire aux lamelles et un état fluide dans les deux autres directions. La distance smectique (d) séparant deux bicouches est fixée par la quantité de solvant et peut donc être modifiée par dilution. Pour les vésicules, les bicouches de tensioactifs vont venir s’enrouler sur elles-mêmes, formant des sphères.

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113 Figure 9.9 : Représentation schématique de :

Vésicules montrant l’enroulement d’une bicouche qui donne à la fois des compartiments aqueux et de tensioactifs Diverses formes de vésicules et de tailles [174];

- Petites vésicules unilamellaires (SUV). - Grandes vésicules unilamellaires (LUV). - Vésicules unilamellaires géantes (GUV). - Multilamelles.

- Multivesiculaires..

La Figure 9.9 schématise les structures vésiculaires en présentant les différentes formes possibles. Les vésicules sont classées suivant leurs tailles (petites vésicules unilamellaires (SUV), grandes vésicules unilamellaires (LUV), vésicules unilamellaires géantes (GUV)); on peut aussi retrouver des superpositions de bicouches lamellaires (multilamelles) ou encore un confinement de vésicules plus petites dans de plus grandes (multivésiculaires).

La formation de cristaux liquides dans l’éthanol pur a fait l’objet de très peu d’études [167]. En solution, les chaînes alkyl des tensioactifs en bordure d’interface air/éthanol s’orientent automatiquement vers la phase gazeuse, créant une monocouche bidimensionnelle formée à la surface s’apparentant à un film de Langmuir-Blodgett. Wang et al. [167] ont montré que l’augmentation de la concentration en tensioactifs due à l’évaporation de l’éthanol, entraîne une densification de ce film et la formation d’une deuxième et troisième couches. Ce phénomène d’auto-assemblage est la conséquence de deux processus : premièrement, les molécules occupent moins d’espace lorsqu’elles sont organisées ; deuxièmement, la formation d’une structure orientée produit un effet modèle pour les suivantes. Lorsque la concentration en molécules actives est encore plus élevée, des micelles apparaissent à l’intérieur du film en croissance.

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114 Afin de nous renseigner sur la morphologie des objets obtenus avec l’acide C16P, des mesures de rhéologie sont entreprises.

II : Rhéologie

Différents types de matériaux possèdent des comportements physiques intermédiaires entre le solide élastique parfait et le fluide newtonien. Par exemple, lorsque des phases lamellaires sont soumises à une contrainte physique, leurs propriétés présentent des caractères tantôt liquides, tantôt solides, selon la fréquence et l’amplitude de la déformation. A la fin du XIXème siècle une nouvelle science est développée afin de répondre au manque d’information sur ces nouveaux matériaux : la rhéologie. Quelques principes élémentaires de rhéologie sont exposés avant de présenter les résultats obtenus par des mesures rhéologiques sur les solutions de C16P.