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2.2 Les techniques exp´ erimentales

3.1.3 Etude du champ cristallin du DyM nO ´ 3

Le diagramme ´energ´etique des niveaux ´electroniques d’un atome de terre rare est complexe. Il r´esulte des diff´erentes interactions entre les ´electrons 4f et ses environne- ments atomiques8. Dans le cas de DyM nO3, les atomes d’oxyg`ene, qui entourent l’atome de terre rare, g´en`erent un potentiel ´electrique qui l`eve la d´eg´en´erescence des multiplets

2S+1LJ. Les multiplets sond´es dans ce travail sont les trois premiers niveaux ´electroniques

qui correspondent aux moments cin´etiques angulaires, J = 15/2, 13/2 et 11/2. Ces niveaux sont (2J + 1)/2 fois d´eg´en´er´es en doublets de Kramers, qui sont eux-mˆemes doublement d´eg´en´er´es. Pour les sym´etries C3 et C3v, ces multiplets se clivent respectivement en 8, 7,

Chapitre 3 : ´Etudes exp´erimentales et discussions 58

Figure 3.9 – ´Evolution en temp´erature des spectres d’absorption infrarouges du

DyM nO3-hex associ´ee aux transitions H15/2 ↝ H13/2 et H15/2 ↝ H11/2 du Dy3+. Les bandes d’absorption indiqu´ees par des ´etoiles ∗ correspondent aux transitions associ´ees aux niveaux excit´es thermiquement peupl´es de l’´etat fondamental.

et 6 doublets de Kramers. Parall`element aux effets du champ cristallin, l’environnement magn´etique peut ´egalement lever la d´eg´en´erescence du doublet de Kramers. Cependant, le clivage d’un doublet de Kramers ne d´epend pas seulement de la caract´eristique du ni- veau ´electronique lui-mˆeme, mais il d´epend aussi de l’orientation du champ magn´etique mol´eculaire cr´e´e par les ions magn´etiques voisins. Nous notons ´egalement qu’il n’y a pas des r`egles de s´election particuli`eres pour le splitting des doublets Kramers. Dans cette section, nous ´etudions, par spectroscopie infrarouge, les excitations du champ cristallin du Dy3+ dans la matrice cristalline DyM nO3-hex en fonction de la temp´erature et du champ magn´etique appliqu´e.

Les figures 3.9(a) et (b) pr´esentent respectivement l’´evolution en temp´erature des spectres d’absorption infrarouge associ´es aux transitions H15/2 ↝ H13/2 et H15/2↝ H11/2. Ces excitations sont observ´ees respectivement entre 3500 et 4000 cm−1 et entre 5800 et 6200 cm−1. Leurs ´energies `a 80 K sont donn´ees au tableau 3.3 et compar´ees `a celles du

DyM nO3-ortho. `A T < 200 K, les bandes d’absorption sont larges, de l’ordre de 40 cm−1. Quelques bandes d’absorption disparaissent `a basse temp´erature9. Ces bandes sont dues 9. La description exacte du diagramme ´energ´etique des niveaux ´electroniques du Dy3+par l’Hamilto- nien H (voir l’Annexe D) n´ecessite l’´evaluation de six param`etres de champ cristallin (B20, B04, B06, B34, B36, B66) pour le site de sym´etrie C3v et neuf param`etres (six Bnm et trois param`etres imaginaires (S34,

S36, S66)) pour le site de sym´etrie C3[71]. Le raffinement ou l’ajustement d’un tel nombre de param`etres

Chapitre 3 : ´Etudes exp´erimentales et discussions 59 aux populations thermiques des niveaux excit´es de l’´etat fondamental H15/2, 60 (±10), 125 (±10) et 230 (±10) cm−1. `A T ∼ 80 K, les bandes d’absorption deviennent plus ´etroites et mieux d´efinies avec un petit d´eplacement vers les hautes ´energies. Les ´energies d’exci- tation du Dy3+ dans la matrice DyM nO3-hex sont l´eg`erement diff´erentes de celles de la matrice DyM nO3-ortho (tableau 3.3). Cette l´eg`ere diff´erence en ´energie est due au fait que les sym´etries des sites de Dy3+ ne sont pas les mˆemes pour les deux structures cris- tallines : Dy3+ est entour´e par 12 atomes d’oxyg`ene dans DyM nO3-ortho tandis qu’il est seulement entour´e par 7 atomes d’oxyg`ene dans DyM nO3-hex. ´Egalement, les excitations de champ cristallin du Dy3+ dans DyM nO3-hex sont plus nombreuses et leurs bandes d’absorption sont bien r´esolues et plus ´etroites. Toutes ces caract´eristiques confirment la bonne qualit´e cristalline du DyM nO3-hex.

Entre 80 et 10 K et en passant par les transitions magn´etiques `a 70 et 48 K [73], il n’y a ni d´eplacement en ´energie ni clivage des niveaux ´energ´etiques des doublets de Kramers associ´es aux transitions ´electroniques H15/2 ↝ H13/2 et H15/2 ↝ H11/2. Nos observations di- rectes des comportements en temp´erature des doublets de Kramers ne sont pas en accord avec les r´esultats de Nandi et al. [54] qui montrent, `a travers un lissage du comportement de l’intensit´e de r´eflexion magn´etique (0, 0, 9), que le doublet de Kramers de l’´etat fonda- mental se clive en dessous de TN. Toutefois, l’absence de clivage du doublet de Kramers

est coh´erente avec les r´esultats d’une ´etude, par g´en´eration de la seconde harmonique, qui montrent que M n3+ et Dy3+ adoptent respectivement deux repr´esentations de sym´etrie diff´erentes, P 63cm et P 63cm′. De plus, l’absence d’un clivage du doublet Kramers de l’´etat fondamental indique l’absence d’un champ magn´etique effectif parall`ele `a l’axe c pour les deux sites C3 or C3v. Ceci semble en accord avec l’hypoth`ese de l’incompatibi- lit´e entre les sym´etries d’ordre magn´etique de Dy3+ et M n3+, ce qui conduit `a un faible couplage M n− Dy (de type biquadratique) dans la phase interm´ediaire (8 < T < 48 K) [55].

En-dessous de 8 K, l’´etablissement d’un ordre ferrimagn´etique pour les ions Dy3+ se traduit dans le spectre d’absorption par un ´eclatement ´energ´etique des doublets de Kra- mers. Cet ´eclatement ´energ´etique est de l’ordre de 6 cm−1, tel qu’observ´e `a la figure 3.10 pour les bandes d’absorption `a 3614, 3637, 3658, 3763 et 3828 cm−1. Il traduit un clivage du doublet de Kramers de l’´etat fondamental. Ce clivage est dˆu `a un champ ma- nombre de coordination pour les deux sites (N C = 7) et leurs distances moyennes Dy − O l´eg`erement diff´erentes conduisent `a des petites diff´erences dans les niveaux d’´energie du Dy3+ [72].

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Tableau 3.3 – ´Energie d’excitation de champ cristallin du Dy3+ pour DyM nO3 ortho- rhombique et hexagonal `a 80 K.

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Figure 3.10 – Excitations de champ cristallin du Dy3+, H15/2↝ H13/2, mesur´ees `a 4.2 et 10 K. ∗ marque le clivage du doublet de l’´etat fondamental.

gn´etique mol´eculaire parall`ele `a l’axe c engendr´e par l’interaction Dy−Mn. L’orientation du champ mol´eculaire effectif est en outre confirm´ee par des mesures de transmission sous un champ magn´etique appliqu´e selon l’axe c, tel qu’illustr´e `a la figure 3.11. Le clivage Δ du doublet de l’´etat fondamental grandit en fonction du champ magn´etique jusqu’`a atteindre ∼ 10 cm−1 pour B= 8 T.

En plus du clivage de l’´etat fondamental, l’´energie des niveaux du champ cristallin de Dy3+ varient d’une fa¸con parabolique en fonction du champ magn´etique appliqu´e. Un comportement typique du niveau `a 3655 cm−1 est pr´esent´e `a la figure 3.12. La variation relative Δω = ω(B) − ω(B = 0) est de l’ordre de 25 cm−1 `a 10 T. L’´energie des sous- niveaux Stark est directement li´ee `a la position des ions d’oxyg`ene entourant l’ion de terre rare R3+. Cependant, si les positions des ions d’oxyg`ene restent fixes ou quasi fixes, cette variation importante des niveaux ´energ´etiques ne peut ˆetre expliqu´ee que par un effet de transfert de charges qui modifie le potentiel ´electrique local, autrement dit le champ ´electrique effectif. Ces r´esultats sont tout `a fait en accord avec nos conclusions sur la variation de la fr´equence de certains phonons infrarouges du DyM nO3-hex en fonction du champ magn´etique dont l’effet magn´eto´electrique de ce dernier est attribu´e aux effets de transfert de charges qui se produisent essentiellement entre R3+ et O2−.

Pour DyM nO3-ortho, la signature du champ cristallin du Dy3+ varie diff´eremment en fonction de la temp´erature et du champ magn´etique. La figure 3.13(a) montre respecti-

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Figure 3.11 – D´ependance en champ magn´etique (B∥c) des excitations de champ cris- tallin de Dy3+, H15/2 ↝ H13/2, `a T = 4.2 K. ∗ marque le clivage du doublet de l’´etat fondamental.

Figure 3.12 – Variation de l’´energie du niveau excit´e `a 3655 cm−1 en fonction du champ magn´etique. Encart : la partie du spectre d’int´erˆet.

Chapitre 3 : ´Etudes exp´erimentales et discussions 63 vement l’´evolution en temp´erature des excitations du champ cristallin du Dy3+ associ´ees `

a la transition H15/2 ↝ H13/2 pour DyM nO3-ortho. `A T = 300 K, quatre larges bandes d’absorption sont observ´ees `a 3354, 3442, 3537 et 3677 cm−1. De nouvelles bandes d’ab- sorption apparaissent lorsqu’on diminue la temp´erature de l’´echantillon. `A T = 100 K, sept bandes d’absorption sont donc observ´ees `a 3392, 3448, 3551, 3627, 3697, 3776 et 3826 cm−1, dont les deux premi`eres sont associ´ees aux transitions ´electroniques entre les niveaux excit´es de l’´etat fondamental thermiquement peupl´es et les niveaux ´electroniques du H13/210. L’´energie de ces bandes d’absorption s’ajuste de 1 `a 8 cm−1 au fur et `a mesure que la temp´erature diminue. Ces corrections ´energ´etiques apport´ees sur les niveaux ´elec- troniques du Dy3+ sont associ´ees `a un r´earrangement des atomes d’oxyg`ene qui entourent la terre rare. Cet effet magn´eto´elastique pourrait ´egalement expliquer le ramollissement d’´energie de quelques phonons Raman du DyM nO3 qui commence `a 120 K plutˆot qu’a

TN ∼ 39 K. En-dessous de 39 K, la d´eg´en´erescence du doublet de Kramers est lev´ee par

l’interaction magn´etique Dy−Mn, qui conduit `a un effet non-nul d’un champ magn´etique effectif cr´e´e par les ions M n aux sites d’ions Dy. Bien que les bandes d’absorption soient larges11, nous sommes arriv´es `a distinguer que les trois niveaux 3551, 3820 et 3627 cm−1 se clivent chacun en deux sous-niveaux qui sont respectivement les doublets (3554-3584 ±2 cm−1), (3804-3834 ±2 cm−1) et (3603-3633 ±2 cm−1). Ces r´esultats ne sont pas en

accord avec le comportement en temp´erature des excitations de champ cristallin du Dy3+ dans DyM nO3-hex, qui ne montre aucun clivage des doublets de Kramers en-dessous de 70 K [74]. Cette diff´erence est possiblement due au type d’ordre magn´etique d’ions M n adopt´e par chaque sym´etrie cristalline du DyM nO3 (hexagonale ou orthorhombique) :

M n adopte un ordre magn´etique spiral pour DyM nO3-ortho et un ordre antiferromagn´e- tique `a base triangulaire pour DyM nO3-hex. La figure 3.13(b) pr´esente la d´ependance en champ magn´etique des excitations du champ cristallin du Dy3+ associ´ees `a la transi- tion H15/2↝ H13/2 pour DyM nO3-ortho. Aucun clivage du doublet de l’´etat fondamental n’a ´et´e observ´e sous un champ magn´etique parall`ele `a l’axe c, B = 12 T . Ceci indique que les spins de Dy3+ sont confin´es au plan ab pour DyM nO3-ortho tandis qu’ils sont ferrimagn´etiquement coupl´es selon l’axe c pour DyM nO3-hex.

10. Ces bandes d’absorption apparaissent essentiellement `a haute temp´erature et deviennent moins importantes au fur et `a mesure que la temp´erature s’abaisse.

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Figure 3.13 – ´Evolution en temp´erature (a) et en champ magn´etique (b) des excitations du champ cristallin du Dy3+ associ´ees `a la transition H15/2↝ H13/2 pour DyM nO3-ortho. Les mesures en fonction du champ magn´etique sont effectu´ees `a T = 4.2 K. Les fl`eches ↓ indiquent les doublets de Kramers et les mini-barres verticales ∣ correspondent aux transitions associ´ees aux niveaux excit´es et thermiquement peupl´es de l’´etat fondamental.