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CHAPITRE 2. EXPERIMENTATION SUR MODELE REDUIT DE TUNNELIER A PRESSION

2.1 La mesure des contraintes dans les sols

2.1.1 Etude bibliographique

2.1.1.1 Phénomènes physiques affectant la mesure de contrainte

Quel que soit son mode de fonctionnement (direct5 ou indirect6), la nature de sa surface sensible (capteur à membrane, à piston, à rubans de friction…) ainsi que la nature de la grandeur de sortie (mécanique, hydraulique, pneumatique, électrique résistif, électrique inductif, piézoélectrique…), un capteur placé dans un sol modifie l’état des contraintes réelles (Duca, 2001).

Cette modification de l’état des contraintes réelles est tout d’abord liée à l’effet d’inclusion provoqué par la mise en place d’un corps solide dans un milieu de déformabilité différente (Duca, 2001). L’interaction entre la membrane déformable et le sol avoisinant entraîne également une perturbation locale du champ de contraintes autour du capteur. En effet, la déflexion de la surface sensible, si petite soit-elle, se manifeste par un report des contraintes (Figure 2-22) par effet de voûte du centre vers les parois du capteur (Caquot & Kerisel, 1966). L’effet d’interaction sol/membrane peut être supérieur à l’effet d’inclusion (Trollope & Lee, 1961).

La quantification de l’effet d’inclusion et de l’interaction sol-membrane sur la mesure de contrainte effectuée reste très difficile à établir dans le cas général de par sa dépendance à de nombreux paramètres (caractéristiques géométriques du capteur, caractéristiques physiques du sol, conditions d’étalonnage,…). Plusieurs auteurs ont cependant mis en exergue différents paramètres à optimiser pour minimiser l’erreur effectuée sur la mesure de contrainte.

Figure 2-22 : Redistribution des contraintes autour d'un capteur à membrane déformable (Duca, 2001).

5 La contrainte est directement transmise à la surface équipée du dispositif de mesure (corps d’épreuve).

Chapitre 2 : Expérimentation sur modèle réduit de tunnelier à pression de terre de l’ENTPE 74

2.1.1.2 Caractéristiques physiques du capteur

L’effet de l’inclusion du capteur dans le sol est tout d’abord en relation directe avec son volume. Pour un diamètre total D imposé, il convient donc de minimiser son épaisseur. Hvorslev (1976) préconise un rapport entre épaisseur et diamètre inférieur à 0.1.

L’effet d’interaction sol-membrane est quant à lui notamment fonction de la raideur de la cellule sensible, celle-ci conditionnant l’ampleur de la déflexion de la membrane et donc l’importance du phénomène de report des contraintes vers les parois du capteur comme énoncé précédemment. Plus la raideur de la membrane sera importante, plus le phénomène d’effet de voûte sera négligeable et moins l’erreur commise sera dépendante du niveau de contrainte appliqué. Les étalonnages effectués par Kallstenius & Bergau (1956), Troloppe & Lee (1961), Hanna (1985) et Hvorvslev (1976) ont conduit ces auteurs à préconiser des valeurs de déflexion maximales δmax de l’ordre de 0.01% à 0.1% du diamètre de la cellule sensible du capteur Dc.

Plusieurs auteurs se sont interrogés sur le rapport optimal entre diamètre du capteur D et diamètre de sa cellule sensible Dc. Weiler & Kulhawy (1982) et Dunicliff (1988) proposent des rapports de diamètres (Dc/D) compris entre 0.5 et 0.7. Ces valeurs limites sont motivées par la nécessité de limiter le report de contraintes par effet de voûte sur la surface sensible (d’où la présence d’un anneau rigide de largeur importante), tout en offrant une surface sensible de taille la plus importante possible pour un capteur de volume donné (donc d’effet d’inclusion constant). Le mode d’action du capteur a également des effets importants sur les performances des capteurs à membrane. Les études numériques et expérimentales menées par Berardi et al (1994) ont montré que les capteurs à mode de mesure indirecte avaient une linéarité meilleure et une hystérésis plus faible que les capteurs à mode de mesure direct lorsqu’ils sont placés dans un sol de type granulaire. Les auteurs expliquent cela par le fait que la déflexion de la surface sensible soit limitée par la présence d’un fluide incompressible dans le cas des capteurs à mode de mesure indirecte. Le rôle « moyenneur » de ce fluide vis-à-vis des contacts granulaires doit, selon nous, aussi être pris en compte.

Notons enfin que le choix des matériaux constitutifs du capteur doit être effectué en fonction de l’environnement dans lequel ce capteur sera utilisé, de manière par exemple à limiter sa dérive avec l’évolution de la température, ou à empêcher la corrosion de son système de mesure en présence d’eau (Duca, 2001).

2.1.1.3 Caractéristiques physiques du sol

Les performances d’un capteur de contrainte sont également largement fonction des caractéristiques du sol dans lequel il est mis en place et notamment de sa granulométrie et de sa rigidité.

En termes de granulométrie, le diamètre de la surface sensible du capteur Dc doit être suffisamment grand par rapport au diamètre moyen des particules de sol (noté d50) de manière à réduire l’effet des charges ponctuelles d’une part, et à diminuer l’influence de l’hétérogénéité locale des propriétés du sol sur les résultats de mesure d’autre part. Les essais de Weiler & Kulhawy (1982), cités par Duca (2001), réalisés en imposant des charges locales sur une plaque à bords fixes et en comparant les résultats avec ceux obtenus pour un chargement d’intensité uniforme ont conduit ces auteurs à proposer la condition suivante pour les capteurs à membrane : Dc>10.d50. Cette valeur limite est en adéquation avec les essais réalisés en chambre de calibration par Rusinek et al (2009) sur différents matériaux granulaires. Ces derniers ont en effet montré que la dispersion des résultats décroît lorsque le diamètre moyen des particules diminue (Figure 2-23) et que celle-ci devient inférieure à 3% lorsque d50<2.3mm (i.e. Dc>11d50). Notons par ailleurs que les différents essais réalisés par Rusinek et al (2009) ne mettent pas en évidence d’évolution de la valeur moyenne de la sensibilité mesurée du capteur avec la granulométrie du sol.

La rigidité de la cellule sensible d’un capteur de contrainte a, dans l’absolu, une influence prépondérante sur l’ampleur de la déflexion de la cellule membrane comme cela a été présenté précédemment, et par suite sur l’ampleur de l’effet d’interaction sol-membrane. Le contraste de rigidité entre le sol et la cellule sensible doit

Analyses préliminaires 75 cependant également être considéré. En effet, les études théoriques effectuées par Torry & Sparrow (1967), cité par Duca (2001) et Askegaard (1961, 1981), considérant une inclusion elliptique dans un matériau élastique linéaire, ont montré qu’un capteur de contrainte soumis à un champ de contrainte uniaxial est peu sensible aux variations de rigidité du sol lorsque la rigidité du sol est inférieure à celle de sa cellule sensible (Figure 2-24 (a)). Ces études ont également mis en évidence que la sensibilité d’un capteur de contrainte (rapport de la contrainte mesurée par la contrainte appliquée) diminue lorsque la rigidité du sol par rapport à celle de la cellule sensible augmente. Sur le plan expérimental, Clayton & Bica (1993) ont soumis des capteurs à mode de mesure directs posés sur une embase rigide et recouverts de sables plus ou moins denses à un chargement œdométrique. Ils ont confirmé la diminution de la sensibilité avec l’augmentation de la rigidité du sol pour un capteur donné (Figure 2-24 (b)). Cette même tendance a également été observée par Zhu et al (2009) avec des capteurs à mode de mesure direct noyés dans un massif de sable sec soumis à un chargement œdométrique.

Très peu d’études ont été consacrées à l’influence de la teneur en eau du massif sur la mesure de contrainte. Seuls Rusinek et al (2009) ont mis en évidence une faible croissance de la sensibilité avec la teneur en eau. Ce résultat, issu d’essais réalisés sur des graines d’amarante, est cependant difficile à relier au comportement mécanique du « sol » dans la mesure où l’influence de la teneur en eau sur les graines d’amarantes est peu connue.

Figure 2-23 : Evolution de la sensibilité d’un capteur de contrainte (à mode de mesure direct) en fonction de la granulométrie (d50 noté entre parenthèses) du matériau considéré (Rusinek et al, 2009).

Figure 2-24 : Effet de la raideur relative sol-capteur sur la mesure de contrainte : (a) approche théorique de Torry & Sparrow (1967), cité par Duca (2001) ; (b) approche expérimentale de Clayton & Bica (1993).

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2.1.1.4 Conditions d’étalonnage

Ayant respecté les critères préalablement citées en termes de caractéristiques géométriques et mécaniques du capteur et du sol étudiés, il convient encore de veiller au respect de certaines conditions lors de l’étalonnage d’un capteur de contraintes. De manière générale, il est nécessaire de veiller à se rapprocher le plus possible des futures conditions d’essais (type de matériau, densité, mode de sollicitation…) et de minimiser les hétérogénéités locales (Triandafilidis, 1974 ; Brown, 1977 ; Dunicliff, 1988).

On veillera ainsi particulièrement à utiliser une cellule d’étalonnage de taille suffisante pour minimiser les effets de bords et permettre la mobilisation complète des contraintes de cisaillement par les phénomènes de voûte qui s’y développent. Triandafilidis (1974) et Dunicliff (1988) préconisent d’utiliser une cellule de dimensions supérieures à 5 à 6 fois le diamètre du capteur.

Lors des essais réalisés en cellule œdométrique, des études ont également montré la nécessité d’enfoncer suffisamment le capteur dans la cellule. Une hauteur de recouvrement de l’ordre de 5 diamètre de capteur est proposée par Jardine et al (1986).

Par ailleurs, le mode de mise en place du capteur dans le sol a également une influence forte sur le signal qu’il délivre. Les études réalisées par Hvorslev (1976) et Boulebnane et al (1996), ont ainsi mis en évidence qu’il est préférable de poser le capteur sur le sable puis de le recouvrir plutôt que de foncer le capteur dans le sol ou de le placer dans une cavité réalisée à son effet.

Notons enfin que l’opérateur mettant en place les capteurs a également une influence très importante sur les mesures effectuées. Des écarts de sensibilité allant jusqu’à 30% ont en effet été observés par Garnier et al (1999), lors de la réalisation d’étalonnages par des opérateurs peu expérimentés.

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