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CHAPITRE II : DEVENIR & ETRE PARENTS

6. Etre parents

La parentalité est au cœur des préoccupations de notre société. Elle ouvre la porte du bien grandir. Que signifie être parent ?

a. Définition de la parentalité

Le concept de parentalité est de plus en plus utilisé. Dans le Larousse (2015), ce terme est défini ainsi : "fonction de parents, notamment sur les plans juridiques, moraux et

socioculturels".

La parentalité représente le processus psychique dynamique signifiant "devenir

parent". Elle commence dès le désir d'enfant, continue lors de la grossesse et culmine à la

naissance. La parentalité ne se réduit pas à la périnatalité, elle se prolonge tout au long de la vie. Selon Patrick Ben Soussan, "devenir parent, c'est en prendre pour perpét"65.

Nous devons ce terme de parentalité à Paul Claude Racamier, qui étudiait les psychoses puerpérales. Après avoir défini la maternalité comme étant "l'ensemble des

processus psycho-affectifs qui se développent et s'intègrent chez la femme lors de la maternité"66, il y ajoute ceux de paternalité et de parentalité.

65

Ben Soussan Patrick, « Faites des pères, faites des mères », in La parentalité exposée, ERES, 2007, p. 16

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Le fait d'être géniteurs d'un enfant, ne fait pas d'eux des parents. Cela nécessite un long "processus de parentification"67, impliquant des niveaux conscients et inconscients pour investir le bébé et s'y attacher.

Certains auteurs estiment même que l'on ne devient pas forcément parents à la naissance de l'enfant mais plutôt quelques jours après, voire quelques mois.

Patrick Ben Soussan va jusqu'à dire que "parfois même, des parents ne pourront jamais se vivre père ou mère de cet enfant-là"68.

Il s'agit de devenir parents, sur le plan physique mais aussi sur le plan psychique. Tout comme ils désirent et imaginent un enfant parfait, ils pensent qu'ils seront eux aussi des parents à la hauteur de la perfection de leur bébé. Or, cela ne se passera pas comme cela. Un parent n'est jamais ce qu'il croit être.

Les représentations infantiles jouent un rôle dans la parentalité. Pour reprendre les termes de Patrick Ben Soussan, "nous nous imaginons parent en fonction de ce que nous

avons connu et en fonction de ce que nous rêvons"69.

Les deux individus auront des rôles, des fonctions à tenir. Ils accompagneront leur nouveau né afin que celui-ci se développe le mieux possible et qu'il puisse exister en tant que sujet à part entière. Une qualité de présence, d'adaptation et d'ajustement constant est nécessaire, en respectant l'évolution des besoins de l'enfant. Etre parents est alors selon

Sigmund Freud, le métier le plus difficile à exercer qu'il existe70.

La parentalité permet de dépasser la distinction habituelle entre la fonction maternelle et paternelle. Cette séparation est d'autant plus revendiquée au vu de l'évolution de notre société.

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Didier Houzel, in La parentalité, Défi pour le troisième millénaire, le fil rouge, puf, 2002, p.62

68

Ben Soussan Patrick, « Faites des pères, faites des mères », in La parentalité exposée, ERES, 2007, p. 13

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ibidem p.9

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b. Les trois axes de la parentalité

Afin de mieux comprendre la parentalité, Didier Houzel, la définit selon trois axes71 :

L'exercice :

L'exercice renvoie à l'identité de la parentalité. Il y aurait deux aspects : symbolique et juridique. Il fonde et organise la parentalité en situant chacun des membres de la famille dans une filiation et une généalogie et en y associant des droits et des devoirs. L'autorité en fait partie, mais l'exercice de la parentalité ne se résume pas à elle. Il définit les cadres nécessaires pour qu'une "famille et un individu puissent se développer"72.

L'expérience :

L'expérience renvoie aux fonctions de la parentalité. Ici, il est entendu l'éprouvé de la parentalité, l'expérience subjective consciente et inconsciente de ceux qui sont chargés des fonctions parentales. Elle représente le niveau de "l'expérience affective et imaginaire"73. Ce niveau implique plusieurs représentations, plusieurs fantasmes : autour de l'enfant, du conjoint, de nos propres parents et de soi même.

Didier Houzel, affirme que pour le succès de la parentalité, plusieurs équilibres

doivent être de mise :

- entre l'investissement narcissique et l'investissement objectal par chacun des deux parents, - entre l'investissement parental et l'investissement conjugal,

- et entre le rôle maternel et le rôle paternel.

La pratique :

La pratique renvoie aux qualités de la parentalité. "Ce sont les tâches quotidiennes

que les parents ont à remplir auprès de leur enfant"74. Didier Houzel parle alors de "soins

parentaux"75 et non pas seulement de soins maternels.

71

Didier Houzel, Les enjeux de la parentalité, eres, 2014, p.114

72 ibidem p.115 73 ibidem p.115 74 ibidem p.151 75 ibidem p.151

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De plus, cet auteur entend par soins, les soins physiques, mais également les soins psychiques. La pratique englobe ainsi les relations concrètes parents-enfants, les changes, le nourrissage, les différentes interactions comportementales et affectives.

Cet axe a aussi permis de démontrer les différentes compétences du nouveau né, cet être relationnel.

Pour plus de clarté, Didier Houzel a défini ces dimensions séparément. Pour autant, dans la réalité et en pratique, il n'est pas concevable de les dissocier des autres points de vue.

c. Les fonctions parentales

De nos jours, on observe un éclatement de la bulle familiale. Au moins 20% des familles n'entrent pas dans le schéma classique. Les enfants peuvent être issus de familles recomposées, monoparentales ou homoparentales. Pour cette raison, j'ai choisi de ne pas faire la distinction entre les fonctions maternelles et paternelles, mais plutôt de parler d'elles dans leur ensemble. En effet, nous remarquons une nouvelle répartition des rôles parentaux, moins différenciée et plus égalitaire.

Les parents doivent garantir un cadre suffisamment stable et cohérent pour que leur enfant puisse exister en tant que sujet psychique.

Six fonctions semblent essentielles, pour accompagner, initier, soutenir, apporter des repères fondamentaux dont l'enfant à besoin dans son développement psychomoteur, affectif et cognitif :

La fonction d'apaisement :

Le jeune enfant, à la naissance est dépendant. La présence de l'adulte lui est indispensable pour survivre. Le parent se doit alors de "satisfaire les besoins biologiques"76 du bébé et ce de façon précise tels que la faim, la chaleur, la propreté, le sommeil, le maintien…

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Solis Ponton Leticia et al, La parentalité, défi pour le troisième millénaire, Un hommage international à Serge Lebovici, Le

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Le nourrisson est vite débordé et désorganisé, il se manifeste corporellement. Comme le dit Suzanne Robert Ouvray, le nouveau né alterne entre " tension du besoin et

détente de la satisfaction"77. Cette fonction aurait donc pour effet d'aider l'enfant à atteindre un niveau d'excitation acceptable et donc la détente.

La fonction sécurisante :

Les parents répondent aux besoins fondamentaux de leur enfant et ce avec rythmicité. Ils ont les mêmes manières d'arriver, de lui donner des soins, de jouer avec lui. Cela a un effet organisateur et synchronisateur.

Daniel Marcelli a nommé ces répétitions des "macro rythmes". De ce fait,

intuitivement, lorsque l'enfant éprouvera des états de malaise, il sera capable d'anticiper l'arrivée de ses parents. Celui-ci ressent alors cette "sécurité"78 chez ses parents et reste calme.

La fonction stimulante :

Les stimulations possibles sont nombreuses et elles sont propres à chaque parent. Ils utilisent souvent celles qu'ils ont reçues lors de leur enfance, ou qui leurs correspondent le mieux. Ces stimulations sont nécessaires à la maturation neurologique du bébé.

Leticia Solis Ponton, les distingue ainsi 79 :

- Les Stimulations proximales, sont celles où les parents maintiennent le contact avec l'enfant. C'est la manière dont ils le portent, le touchent…

- Les Stimulations distales, sont celles où il y a une distance. C'est la façon dont ils lui parlent, lui sourient, le regardent.

L'enfant est stimulé non seulement dans les actions que proposent les parents, mais aussi par leurs manières d'être. Il a besoin de stimulations variées pour construire sa pensée et comprendre le monde.

77

Robert-Ouvray Suzanne, « La fonction d'apaisement de la motricité chez l'enfant », Le Journal des psychologues 3/ 2014

(n° 316), p. 16

78

Solis Ponton Leticia et al, La parentalité, défi pour le troisième millénaire, Un hommage international à Serge Lebovici, Le

fil rouge, Puf, 2002, p.185

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Le bébé a besoin d'être stimulé mais il a aussi besoin d'être au calme. Les sur- stimulations peuvent être "nocives" pour reprendre les mots de Suzanne Robert Ouvray80. Par exemple, nous pouvons régulièrement observer des parents, voulant trop bien faire, qui ne respectent plus le rythme de leur enfant. Ils veulent qu'il s'assoit avant 6 mois, qu'il marche avant 10 mois, qu'il parle avant 2 ans… Cela nécessite alors un recrutement tonique trop excessif pour l'enfant.

La fonction socialisante :

Socialiser leur enfant est une tâche importante pour les parents : l'homme étant un être social par définition. Le lien à l'autre se construit de façon primordiale dans le lien que l'on tisse avec le premier autre, c'est-à-dire, les parents. On reproduirait inconsciemment le même rapport au lien, dans chacun des groupes sociaux.

Pierre Aulagnier, conceptualise cela, sous le nom de "contrat narcissique". Les

parents définissent clairement une place à l'enfant dans la famille, soit la place de bébé. Plus ce contrat est clair, plus l'enfant trouvera facilement sa place dans un groupe social. Certaines fois, cela ne se passe pas comme prévu. Par exemple, lors du décès du père, le garçon peut prendre le rôle de l'homme de la famille.

La fonction de transmission transgénérationnelle :

Il est important pour les parents d'inscrire leur enfant d'un point de vue identitaire dans une filiation, dans l'arbre généalogique de la famille. Le système culturel familial se transmet d'une génération à une autre.

Petit à petit, l'enfant peut s'émanciper. Il devient alors "un agent actif dans le

processus de construction de ses valeurs"81.

Cette inscription peut être complexe, c'est le cas des enfants adoptés par exemple. L'enfant handicapé rencontre aussi quelques difficultés, cela sera abordé ultérieurement.

80

http://s.robertouvray.free.fr/surstimulations.pdf

81

Solis Ponton Leticia et al, La parentalité, défi pour le troisième millénaire, Un hommage international à Serge Lebovici, Le

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La fonction d'autonomisation :

L'autonomie se définit de telle sorte : "liberté de comportement d'un individu, faculté

d'agir avec indépendance". L'enfant doit pouvoir accéder à cette autonomie. Les parents

jouent alors un rôle important dans cette acquisition.

Comme le précise la définition, la fonction d'autonomisation est en lien avec la question de dépendance et d'indépendance. En effet, de façon assez contradictoire, l'indépendance de l'enfant se construit dans une forte relation de dépendance avec ses parents. Il ne peut y avoir autonomie que dans un cadre suffisamment sécurisant.

Les parents et l'enfant vivent d'abord une période de symbiose. L'environnement répond au mieux aux besoins du bébé, dans une recherche d'ajustement. Il donne l'illusion au bébé que le monde qui l'entoure a été créé par lui. Par exemple, lorsqu'il a faim, aussitôt sa mère le nourrit. Il ne se rend pas encore compte de la présence de l'autre.

Progressivement, l'enfant connaît des désillusions. Ses besoins et désirs ne sont pas satisfaits immédiatement : une défusion commence. C'est un début de séparation. Un entre-deux existe encore, Donald Winnicott l'appelle "l'espace transitionnel". Le doudou en fait partie. Cela va rassurer l'enfant. Il accepte l'idée de se séparer.

De part ces expériences stables et sécures, l'enfant peut se détacher de ses parents, en sachant qu'ils seront toujours présents. Cela se symbolise par la capacité à se mouvoir par exemple. L'enfant va découvrir de lui-même, ce qui l'entoure. Il rencontre des pairs, ce qui concrétise la différenciation.

Schéma de relation quant à la fonction d'autonomisation :

1. Symbiose 2. Espace Transitionnel 3. Relation

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Ces fonctions ne sont pas identiques chez tous les parents, selon leur culture, leur histoire, leur personnalité… Chacun veut faire pour le mieux. Les expériences affectives et relationnelles sont des bases pour que l'enfant développe ses potentialités et pour qu'il puisse grandir sereinement.

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