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1 Synthèse bibliographique

1.2.1 Etat de surface du matériau

1.2.1.1 Cisaillement des fibres du bois par les particules de sol granulaire

L’état de surface du bois au contact d’un matériau granulaire peut être modifié durant l’essai de cisaillement si les fibres du bois sont cisaillées par les grains de sol. Les grains s’encastrent dans le bois et le cisaillement des fibres intervient lorsque leur résistance à l’arrachement est inférieure à la résistance au cisaillement d’interface entre le bois et le sol. La contrainte de rupture des fibres augmente par ailleurs avec la charge normale appliquée sur le matériau (Potyondy, 1961).

1.2.1.2 Rugosité des matériaux

La rugosité d’un matériau caractérise son état de surface. Ses méthodes de calcul sont principalement détaillées dans des travaux portant sur des essais de cisaillement d’interface entre l’acier et les sols granulaires (sable). Les comportements d’interface avec les sols fins (argile) ou intermédiaires (limon) ne sont que rarement abordés.

Pour caractériser l’influence de la rugosité sur les propriétés de résistance de l’interface entre un matériau et un sol « intermédiaire » comportant à la fois une fraction granulaire et argileuse, nous avons balayé les travaux effectués sur différentes natures de sols (sable et argile).

La rugosité d’un matériau peut être déterminée qualitativement, c'est-à-dire par une simple description visuelle (Tan et al., 2008), ou quantitativement. Les mesures de ce paramètre sont réalisées parallèlement à la direction de cisaillement (Uesugi et Kishida, 1986). Elle peut être définie comme :

• la hauteur relative entre le point le plus haut et le point le plus bas d’une surface mesurée sur une longueur égale à 2,5 mm (notée R2,5) pour le sable (Kishida et Uesugi, 1987) et 0,2 ou 0,8 mm (notées respectivement R0,2 et R0,8) pour l’argile (Tsubakihira et Kishida, 1993, cités par Lemos et Vaughan, 2000) ;

• la moyenne arithmétique des hauteurs des aspérités mesurées à partir d’un plan de référence et notée Rplan. Ce plan est déterminé arbitrairement ou à partir d’un calcul basé sur la méthode des moindres carrés (Rouaiguia, 2010 ;Lambert et Nicot, 2010 ; Lemos et Vaughan, 2000).

Néanmoins, ces définitions ne tenant pas compte du diamètre des particules de sol, Kishida et Uesugi, (1987) ont défini, à partir de résultats d’essais de cisaillement d’interface entre un sol granulaire et l’acier, une rugosité normalisée du matériau Rn comme le rapport entre la profondeur des aspérités mesurée sur une longueur L égale à D50 (notée

50 D R ) et ce même paramètre D50. 50 50 D n R R D = (10)

Cette définition permet de corréler le coefficient de frottement d’interface µ (défini comme le

ratio entre la résistance au cisaillement d’interface τmax,interface et la contrainte normale σn) à la rugosité du matériau sur une large gamme de diamètres de particules.

Manuwa, (2012) a qualifié, à partir d’études menées sur le comportement des interfaces entre des sols granulaires et des matériaux,leur état de surface en fonction du paramètre D50 du sol (Tableau III-1).

Tableau III-1. Rugosité d’un matériau (modifié d’après Manuwa, 2012)

Etat de surface du matériau lisse R2,5<<D50

Etat de surface du matériau rugueux 50 50

2,5

10 2

D D

R < <

Etat de surface du matériau très rugueux D50 <R2,5

Le Tableau III-2 présente différentes rugosités des matériaux mesurées lors d’essais de cisaillement en laboratoire ou retenues dans la construction en génie civil.

Tableau III-2. Méthodes de calcul et valeurs de la rugosité

Etudes Auteurs Matériau / Sol Méthode de calcul de la

rugosité

Valeur rugosité

(µm) D50 sol (µm)

Lemos et

Vaughan, (2000) Acier / Argile 0,185-0,263 10 Rouaiguia, (2010) Acier / Argile Béton / Argile R2,5 28 5,7 3 Uesugi et

Kishida, (1986) Acier / Sable 3-43 170-560 Kishida et

Uesugi, (1987) Acier /Sable

Rplan

3-200 Etude en

laboratoire

Kishida et

Uesugi, (1987) Acier / Sable Rn

3*10-3 120*10-3 200 Matériaux de construction dans le génie civil [13] Béton lisse Béton rugueux Acier Acier galvanisé X 300-1000 1000-3000 45-90 150 X

1.2.1.3 Effet de la rugosité sur la résistance au cisaillement d’interface sol granulaire-matériau

La résistance au cisaillement d’interface augmente avec la rugosité du matériau. Kishida et Uesugi, (1987) l’ont montré lors d’essais à la boîte de cisaillement simple entre du sable et de l’acier (Figure III-4) :

• Lorsque la surface du matériau est lisse, le nombre et le volume des grains déplacés lors du cisaillement est bien plus faible que si la surface du matériau est rugueuse. Le réarrangement des grains et les variations volumiques sont donc limités. La surface de rupture coïncide généralement avec la surface de contact entre le sol et l’acier lisse ;

• Plus la rugosité de l’acier est élevée, plus le pic de la courbe reliant le ratio

τ

acier sable

σ

n

au déplacement tangentiel est prononcé. Un matériau rugueux présente des aspérités de profondeurs variables dans lesquelles les grains de sol, selon leur taille, peuvent se loger. Il en résulte une augmentation du volume des grains déplacés (dans le cas d’un sol

dilatant). La rupture ne se produit pas à l’interface entre le sol et le matériau, mais dans le sol. Le pic correspond alors à la création de dilatance dans le sol granulaire.

0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8 0 2 4 6 8 10 Déplacement (mm) µ = τ in te rf a ce n R2,5=2,4µm R2,5=20,5µm R2,5=46,0µm

Figure III-4. Evolution du coefficient de frottement µ=τinterfacen en fonction du déplacement (modifié d’après

Kishida et Uesugi, 1987)

1.2.1.4 Rugosité critique

Lors d’essais à la boîte de cisaillement simple ou direct entre un matériau granulaire et l’acier,

Kishida et Uesugi, (1987) ; Uesugi et Kishida, (1986) ont défini une rugosité du matériau critique Rcritique,matériau (Figure III-5a). Elle correspond à la valeur de la rugosité à partir de laquelle la résistance au cisaillement à l’interface est totalement mobilisée. Schlosser et Guilloux, (1981) l’avait préalablement mise en évidence en montrant, sous certaines conditions relatives à la forme et dimensions des aspérités, que l’angle de frottement à l’interface entre un sol et un matériau était égal à l’angle de frottement interne du sol.

La campagne d’essais de cisaillement réalisée par Sun et al., (2003) entre l’acier et des sols argileux a également permis de mettre en évidence cette rugosité critique (Figure III-5b).

0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8 0,9 1 0 25 50 75 100 125 150 175 200 R2,5 (µm) µ a c ie r-s a b le

Acier-Sable (Kishida et Uesugi, 1987) Acier-Sable de Toyoura (Uesugi et Kishida, 1986) Acier-Sable de Fujigawa (Uesugi et Kishida, 1986)

D50 (sable) = 0,20mm D50 (sable de Toyoura) = 0,19mm D50 (sable de Fujigawa) = 0,17mm

Rupture dans le sable

(a) 0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25 0,3 0,35 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 R0,8 (µm) µ a c ie r-s o l

Sol A : 13,5% sable ; 69,5% limon ; 17% argile (Sun et al., 2003) Sol B : 25% limon ; 75% argile (Sun et al., 2003)

Sol C : 1,4% limon ; 98,6% argile (Sun et al., 2003)

D50 (sol A) = 20µm D50 (Sol B) = 4µm D50 (Sol C) < 1µm Rcritique,m atériau Rcritique,m atériau Rcritique,m atériau (b)

Figure III-5. Evolution du coefficient de frottement d’interface µ en fonction de la rugosité de l’acier R2,5 (a)

1.2.1.5 Résultats d’études

De nombreuses études visant à étudier l’effet de la rugosité des matériaux sur les propriétés de résistance d’interface ont été publiées dans la littérature. Le Tableau III-3 en présente quelques unes avec leurs principaux résultats.

Tableau III-3. Résultats des études sur les propriétés de résistance de l’interface matériau-sol

Auteurs Boîte de cisaillement Matériau/sol Résultats de l’étude

Potyondy, (1961) Boîte de cisaillement direct Bois / Sable Bois / Argile Acier/Argile

Augmentation de l’angle de frottement d’interface lorsque le bois est cisaillé perpendiculairement aux fibres.

δbois║/sable = 35° et δbois┴ /sable = 39° δbois║ /argile = 11° et δbois┴/argile = 13°

Faible influence de la rugosité de l’acier sur l’angle de frottement d’interface avec l’argile. δacier lisse/argile (w=22,8%) = 9° (φargile (w=22,8%)=16°) δacier rugueux/argile (w=22,8%) = 10°

δacier lisse/argile (w=26,1%) = 6° (φargile (w=26,1%)=11°) δacier rugueux/argile (w=26,1%) = 5° Raboudi et El Ouni, (1993) Essai d’enfoncement de micropieux en bois Micropieux en bois / Argile-limon

Influence limitée (voir négligeable) de la rugosité sur la résistance au cisaillement et la contrainte de cisaillement résiduelle d’interface. Les rainures des micropieux rugueux sont remplies d’argile lors de l’enfoncement. Le micropieu rugueux se comporte alors comme un micropieu lisse. Kishida et Uesugi, (1987) Boîtes de cisaillement simple, direct et annulaire Acier / Sable

Dépendance linéaire entre la rugosité de l’acier normalisée et la résistance au cisaillement d’interface (RD50<Rcritique,matériau).

Tan et al.,

(2008) Acier / Argile

La résistance de cisaillement est atteinte pour des déplacements plus faibles lorsque la direction du cisaillement est perpendiculaire aux rainures marquées dans l’acier.

δacier rugueux/argile est 54 % plus élevé que δacier lisse/argile

Rouaiguia,

(2010) Béton / Argile

Pas d’influence de la rugosité sur la résistance au cisaillement d’interface.

Sun et al., (2003)

Boîte de cisaillement direct

Acier / Sol argileux Mise en évidence d’une rugosité critique proche du D50 du sol.

1.2.2 Teneur en eau des sols fins

Ce paragraphe présente l’effet de la teneur en eau sur les propriétés de résistance internes des sols fins et de l’interface sol fin-matériau.

1.2.2.1 Phénomène de succion dans les sols fins non saturés

L’eau dans les sols non saturés peut être liée, libre ou en équilibre. Lors d’un symposium consacré aux équilibres et changements d’humidité dans les sols sous les zones couvertes en 1965 (Delage et Cui, 2000), la succion a été définie comme la quantité de travail nécessaire pour transformer une quantité infinitésimale d’eau depuis un état d’eau pure loin du sol à celui d’eau interstitielle dans le sol non saturé. Elle représente l’énergie libre dans un sol non saturé sans contrainte.

Lorsque le sol se désature, les rayons de courbure des ménisques capillaires entre les particules diminuent. Le degré de saturation diminue également et la succion augmente. Elle est ainsi maximale quand on approche de l’état complètement sec et s’annule lorsque l’humidité relative du sol atteint 100 %. Selon Vanapalli et al., (1996), la valeur de la succion dans un sol sec est prise égale à 106 kPa (Figure III-6).

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 1 10 100 1000 10000 100000 1000000 Succion (kPa) D e g d e s a tu ra ti o n ( % ) Humidification du sol Séchage du sol

Figure III-6. Evolution de la succion dans le sol en fonction de son degré de saturation (modifié d’après

Vanapalli et al., 1996)

1.2.2.2 Formation d’agrégats de particules au contact de l’eau

Dans ses travaux de thèse, Ferber, (2005) a montré qu’un sol fin compacté non saturé pouvait être décrit comme un assemblage de deux types de particules distincts : des particules non argileuses, considérées comme inertes, et des particules argileuses. Le mélange de l’eau avec les particules conduit en premier lieu à la formation d’agrégats argileux, dont les frontières physiques sont plus ou moins définies. L’eau remplit les plus gros pores lorsque le potentiel d’adsorption des particules argileuses est compensé. L’eau d’un sol non saturé est donc localisée dans la fraction argileuse, contenue dans les agrégats.

L’auteur a mis en évidence une différence d’organisation des particules d’argile en fonction de la teneur en eau. A un faible état hydrique, les particules argileuses sont « individualisées » et les vides inter-agrégats se distinguent. Tandis qu’à un fort état hydrique, les particules sont entremêlées les unes avec les autres et laissent apparaître peu de vides.

Selon Delage et al., (1996), cités par Cokca et al., (2004), la formation d’agrégats dépend de la teneur en eau du limon par rapport à l’Optimum de densité Proctor. Du coté sec de l’Optimum (w<wOPN), la succion dans le sol conduit à la formation d’agrégats. A l’Optimum de densité Proctor (w=wOPN), le sol présente moins d’agrégats et une structure qualifiée de « plus massive ». Enfin, du coté humide de l’Optimum (w>wOPN), le sol possède une structure « pâteuse » et ne contient plus d’agrégats.

1.2.2.3 Effet de l’eau sur les propriétés de résistance des sols fins

L’eau contenue dans l’argile hydrate les feuillets : elle peut être adsorbée (ou liée), libre ou en équilibre sous l’action de la gravité et des forces de tension qui se développent à l’interface eau/air (eau capillaire). Plus la teneur en eau de l’argile augmente, plus la quantité d’eau libre

dans les pores est importante. Cette dernière limite les interactions entre les feuillets et lubrifie la surface des particules (Habib, 1953).

Les travaux menés par Kong et Tan, (2000), cités par Cokca et al., (2004) ont montré que l’angle de frottement interne de l’argile diminuait avec l’augmentation de la teneur en eau jusqu’à la limite de plasticité, puis était constant une fois cette limite dépassée.

Selon Cokca et al., (2004), lorsque la teneur en eau de l’argile diminue (avec la condition w<wOPN), la succion augmente la résistance au glissement des particules (ou agrégats) ainsi que l’angle de frottement interne. A l’inverse, du coté humide de l’Optimum de densité Proctor (w>wOPN), l’augmentation de la teneur en eau tend à faire disparaître les agrégats (Chapitre III, § 1.2.2.2) et à diminuer l’angle de frottement.

Selon Bravo et al., (2012), le mode de rupture de l’éprouvette d’argile lors d’un essai triaxial dépend de sa teneur en eau. L’eau en faible quantité (w=15 %, wP=25 %) crée un processus de cimentation (formation d’agrégats) caractérisé par de fortes liaisons inter particulaires. La rupture de l’éprouvette est qualifiée de « fragile ». Lorsque la teneur en eau de l’argile augmente (w>15 %), les pores se remplissent d’eau. Des plans de rupture se forment sur de fines pellicules d’eau et la résistance au cisaillement de l’argile diminue. La rupture de l’éprouvette est alors qualifiée de « ductile ».

Yusu et Dechao, (1990), cités par Kooistra et al., (1998) ont constaté que la cohésion de l’argile diminuait exponentiellement avec l’augmentation de sa teneur en eau entre les limites de plasticité et de liquidité. Ces résultats ont corroboré ceux obtenus par Kooistra et al., (1998) et Jancsecz, (1991), cité parKooistra et al., (1998) ; Kooistra, (1998), cité parKooistra et al., (1998) (Figure III-7).

Enfin, l’étude menée par Cokca et al., (2004) a montré que la cohésion de l’argile était maximale à l’Optimum de densité Proctor (wOPN=24 % et wP=23 %) :

• Lorsque la teneur en eau diminue (avec la condition w<wOPN), l’argile tend vers un comportement granulaire, justifiant la diminution de la cohésion ;

• Lorsque la teneur en eau augmente (avec la condition w>wOPN), un film d’eau lubrifiant apparaît à la surface des particules et explique la diminution de la cohésion (Figure III-7b). Teneur en eau (%) C o h é s io n ( k P a ) (Jancsecz, 1991) wp wl 0 50 100 150 200 250 0 10 20 30 40 50 60 Teneur en eau (% ) C o h é s io n ( k P a ) (Kooistra et al., 1998) (Cokca et al., 2004) wp wl wOPN (a) (b)

Figure III-7. Evolution de la cohésion de l’argile en fonction de la teneur en eau (modifié d’après Jancsecz,

1.2.2.4 Effet de l’eau sur les propriétés de cisaillement d’interface sol fin-matériau

Si la teneur en eau de l’argile est inférieure à sa limite de plasticité, la résistance au cisaillement à l’interface entre le matériau et le sol augmente faiblement avec la teneur en eau (phase de frottement) (Manuwa, 2012). L’augmentation de la teneur en eau entre les limites de plasticité et de liquidité est caractérisée par une nette augmentation (phase d’adhérence) puis une diminution (phase de lubrification) de la résistance au cisaillement d’interface. Cette phase de lubrification s’accompagne de la formation d’une fine pellicule d’eau à l’interface (Bravo et al., 2012) qui peut être drainée en fonction du type de matériau (Fellenius, 1955).

Lors d’essais de cisaillement, Bravo et al., (2012) ont démontré que les propriétés de résistance de l’interface entre l’acier et l’argile (w>30 % ; wP=25 %) étaient indépendantes de du poids sec apparent du sol. Les auteurs ont expliqué ces résultats par le caractère lubrifiant des films d’eau à l’interface et ont établi la relation suivante entre l’angle de frottement et la teneur en eau du sol :

23, 6 ln( )w

δ = − ( ²R =91, 7%) (11)

A l’inverse, Shakir et Zhu, (2009) ont justifié l’augmentation de la résistance au cisaillement et de l’angle de frottement d’interface entre l’argile et le béton en fonction de la teneur en eau du sol par une augmentation de sa compressibilité et de son poids volumique sec sous chargement normal.

Enfin, la valeur du rapport bois sol cohérent/ sol cohérent δ

ϕ (sol cohérent granulaire composé d’argile et de

sable) calculée par Potyondy, (1961) à partir d’essais à la boîte de cisaillement direct était supérieure à l’unité et égale à 1,06. Selon l’auteur, l’eau contenue dans le sol (w=17 %) a entraîné la formation d’agrégats de grains grossiers à l’interface entre le sol et le bois qui ont cisaillé les fibres du bois.