Chapitre 1 Généralités
1.5 Etat de l’art des outils de traçabilité
Figure 3 : schéma fonctionnel d’un système de traçabilité.
Par exemple, dans le secteur agro alimentaire, le système de traçabilité assure la connaissance des fournisseurs d’ingrédients et de lots d’ingrédients, présents dans chaque lot de produit fini. En particulier, la bonne exploitation de ces informations permet une optimisation de la dispersion des matières premières (cf. Chapitre 3). Un système de traçabilité est composé principalement d’une organisation dans la structure (des actions à réaliser au cours de la production) et d’un système d’information, permettant d’enregistrer les données nécessaires à la constitution de l’historique des produits, par une base de données relationnelle. Un système efficient et efficace, capable de transmettre des informations exactes, à jour, complètes et cohérentes sur les produits, à travers la chaîne d'approvisionnements, permet de réduire considérablement les coûts d'exploitation et peut augmenter la productivité (Regattieri et al., 2007).
1.5 Etat de l’art des outils de traçabilité
Tout système de traçabilité repose sur deux points fondamentaux : l’identification des produits et le système d’enregistrement et de gestion de l’information. Les moyens existants pour l’identification peuvent être sous forme littérale, numérique, alphanumérique, code à barres ou radiofréquence (AFNOR, 2009). L’identifiant est inscrit directement sur le produit ou sur son contenant. Dans l’utilisation des codes à
barres et radiofréquences, il est nécessaire de respecter les standards de codification GS1 (cf. section 1.5).
Pour ce qui est des outils d’enregistrement, ils permettent d’enregistrer, de stocker, de faire les liens et d’archiver les données, afin de pouvoir accéder à n’importe quel moment aux informations de traçabilité d’un produit ou d’un lot (cf. Définition 3). Cette problématique se découpe en trois parties :
1. Soutenir un suivi d’information continu de traçabilité à la réception et de la mise en magasin des constituants. De même, gérer les inventaires, les procédures de « retour client » et les mouvements internes de stock.
2. Enregistrer et associer les informations correspondantes aux transformations (éclatements, découpes, mélanges, formages, assemblages, etc.).
3. Permettre une traçabilité et un contrôle des processus de préparation de commandes, de conditionnement, d’emballage et d’expédition.
Le système de traçabilité doit donc assurer la synchronisation des données, mais celle-‐ci n’est effective que lorsque les bases de traçabilité sont renseignées en temps réel. Suite à ce constat, pour synchroniser les flux de marchandises/produits et les informations associées, il est indispensable d’utiliser des outils informatiques performants. Aujourd’hui la traçabilité papier n’est plus une option fiable (Ballin, 2010).
1.5.1 Systèmes informatiques de traçabilité
Nous distinguons deux familles de systèmes informatiques : la première consiste à utiliser des tableurs personnalisés (avec calcul automatique ou traitement statistique des données) dont les utilisateurs sécurisent eux-‐mêmes les formules et réalisent des sauvegardes régulières. La seconde famille correspond aux progiciels commercialisés proposant l’intégration des informations de traçabilité, dont six types principaux sont identifiés (AFNOR, 2009) :
• ERP (Enterprise Resource Planning) : ce sont des progiciels de gestion utilisant une base de données centralisée avec des mises à jour en temps
réel. Généralement les ERP gèrent les modules de production, achat-‐vente, relations partenaires/tiers, affaires, comptabilité, ressources humaines. • SCE (Supply Chain Execution) : ils permettent la gestion des commandes
clients en termes de préparation, planification du transport et lancements de production.
• MES (Manufacturing Execution System) : ces systèmes délivrent des informations pertinentes en temps réel sur l’exécution des ordres de fabrication, dans le but de les contrôler finement tout au long du process. • AOM (Advance Order Management) : ils permettent une gestion adaptée du
traitement des commandes en fonction de règles de livraison (par exemple, livraison directe fournisseur ou livraison depuis l'un des entrepôts du système logistique en place).
• WMS (Warehouse Management System) : ces systèmes sont dédiés à la gestion des entrepôts. Ils permettent de gérer les délais de traitement des flux entrants et sortants des entrepôts, ainsi que la validation des mouvements en temps réel évitant les déphasages et les désynchronisations de stocks. Ils pilotent également la gestion de différents statuts de stock (disponible à la vente (DAV) / bloqué pour contrôle technique ou contrôle qualité / retour clients / produit non conforme destiné à la destruction, etc.). • TMS (Transport Management System) : ces progiciels de gestion logistique
permettent un suivi en temps réel des chargements et des moyens de transport. Ils permettent donc la planification et le pilotage des circuits et systèmes de distribution, ainsi que la gestion des coûts et des délais associés. • Progiciels dédiés à la traçabilité : ils sont souvent adaptés pour les TPE/PME
et répondent aux obligations réglementaires de traçabilité pour chaque filière. Ils proposent en général trois modules « réception », « production » et « expédition », gérant pour chacun l’enregistrement, l’identification de produits / UC (unités de conditionnement) / UL (unités logistiques) et permettant la rédaction des rapports.
Il nous semble important de remarquer que tant les ERP, les SCE, les WMS et les TMS prennent en charge les flux à partir du moment où les produits sont emballés et prêts à être expédiés. De ce fait, ils tracent plus l’emballage que le produit, les flux les conduisant parfois à séparer les produits et/ou à les reconditionner rendant les données de traçabilité logistique inexploitables en cas de crise qualité (Beorchia, 2011).
Les différents systèmes peuvent toutefois travailler ensemble, généralement l'ERP intervient en amont de la production, avec la réception de la matière, et en aval à travers le processus de conditionnement, de palettisation, de stockage et de livraison. L'ERP gère la référence commerciale (Larose et al., 2010). Typiquement le MES vient s'insérer entre l'amont et l'aval puisqu'il gère le suivi de la production au niveau des ateliers. Le MES gère la référence de fabrication et des composants. Souvent, le support de la traçabilité interne est constitué par le lien entre l’ordre de fabrication (OF, rattaché à une ou à plusieurs lignes de fabrication) et les stocks. De ce fait, un couplage entre l’ERP et le MES ou le progiciel de traçabilité dédié, est indispensable.
Enfin, une solution MES ou de traçabilité dédiée doit impérativement offrir des outils puissants, non seulement de gestion des rapports, mais de navigation dans les données de traçabilité. Les écarts en termes de qualité, voire les risques, sont fréquents (GS1, 2009), et la traçabilité doit devenir un outil de tous les jours pour les équipes qualité et support client. Une solution qui collecterait dans le détail, mais qui restituerait les données de façon trop partielle ou compliquée, ne permettra pas de révéler toute la puissance d’une bonne gestion de la traçabilité.
La réglementation (notamment le règlement 178/2002/CE et les normes ISO 22000 et ISO 22005) insiste sur l’obligation de résultats et pas de moyens. Les systèmes de traçabilité doivent donc faire l’objet d’audits réguliers pour contrôler leur efficacité.
1.5.2 Systèmes d’identification
Dans son application industrielle, la notion de traçabilité est souvent associée au débat sur les moyens d’identification (ou de marquage). Identifier les produits est nécessaire, mais ce n’est pas suffisant pour justifier une gestion efficace de la
traçabilité. Les systèmes de marquage et la multiplication des numéros d’identification ne doivent pas être le seul point d’articulation en matière de traçabilité (Beorchia, 2011). Il est donc important de différencier le système de traçabilité qui gère l’information, et les moyens d’identification qui différencient les produits ou les unités de ressources traçables (cf. section 1.7).
Dans les technologies d’identification automatique, diverses solutions sont utilisées avec succès depuis une trentaine d’années. Entre les techniques les plus répandues, nous distinguons les codes à barres, les codes matriciels (aussi appelés codes bidimensionnels ou codes 2D), les étiquettes à radiofréquence RFID, les OCR (Optical Character Recognition), les bandes magnétiques, etc.
Le Tableau 2 présente des éléments de comparaison entre les codes à barres, les codes matriciels et les étiquettes RFID, qui sont aujourd’hui les solutions les plus utilisées.
CODES A BARRES CODES MATRICIELS ETIQUETTES RFID
Avantages
Langage universel, interopérabilité dans le monde entier entre clients et fournisseurs, tant au niveau des outils d’impression que de lecture.
Génération/reproduction simple.
Faible coût de génération.
Capacité importante. Très haute densité. Possibilité de marquages directs sur les
produits/pièces. Génération/reproduction simple.
Faible coût de génération.
Lecture/écriture sans contact. Possibilité de lecture simultanée.
Fiabilité (les informations peuvent être doublées, munies d'identifiants de sécurité, etc.).
Possibilité de
compléter/réécrire les données (évolution du contenu).
Contraintes
Etiquette non réinscriptible. Capacité de mémorisation limitée.
Pas de lecture à l'œil nu. Usage soumis à des exigences physiques (taille et forme du support, couleur de fond, etc.).
Etiquette non réinscriptible. Lecteur/décodeur spécifique. Pas de lecture à l'œil nu. Usage soumis à des exigences physiques (taille et forme du support, couleur de fond, etc.).
Coût plus important. Pas de lecture à l'œil nu. Possibilité de perturbation du signal radio.
Traitement des déchets nécessaire (gestion du recyclage des puces). Déclaration obligatoire des puces (protection des consommateurs).
Capacité 1 à 40 caractères. 5 à 3000 caractères. Quelques caractères à plusieurs kilo-‐octets.
Visibilité pour
lecture Indispensable. Indispensable. Non indispensable. Distance de 0 à 500 mètres. 0,15 à 1 mètre. Volume d’environ 1m3.
Coût 0,01 à 2 Euros. 0,01 à 2 Euros. 0,1 à 20 Euros.
Systèmes de lecture
Lecteurs et décodeurs (lecture en poste fixe). De 100 à 10.000 Euros.
Lecteurs et décodeurs.
de 1.000 à 5.000 Euros. Antennes et décodeurs. de 100 à 10.000 Euros
Génération Imprimantes Laser ou Transfert thermique. De 200 à 10.000 Euros.
Imprimantes Laser ou Transfert thermique. De 200 à 10.000 Euros.
Antennes sur poste fixe ou embarqué.
De 100 à 10.000 Euros.
Standardisation Universalité des standards Étiquettes standardisées et normalisées. Limitée (compatibilité faible lorsque des standards différents cohabitent).
Exemples d’application
Produits de consommation de mase.
Unités de conditionnement (cartons et palettes).
Pièces détachées automobiles, circuits imprimées, emballages pharmaceutiques, paquets postaux.
Cartes bancaires, conteneurs de médicaments,
conditionnement en parfumerie.
Tableau 2 : comparatif entre les principales solutions d’identification (sources : Ngai et al., 2008 ; Larose et al., 2010 ; Gencod-EAN, 2001).
Le choix des systèmes d’identification (i.e. quels supports choisir comme solution de marquage) est indépendant au choix du système informatique. Le système de traçabilité, s’appuyant sur ces supports d’identification, doit donc relier et articuler les informations concernant les entités, les activités et même les acteurs en production (et en logistique). Ces informations devant utiliser (voire respecter) les standards existants.