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Etat de l’art des mesures de conductivités thermiques

III. Nouvelle méthode de mesure des conductivités thermiques de

III.1. Etat de l’art des mesures de conductivités thermiques

La conductivité thermique, définie dans les parties précédentes, est un paramètre particulièrement important des cristaux laser. Plus sa valeur est élevée, moins l’échauffement du matériau sera important, et moins les effets induits thermiquement seront sensibles. Un cristal ayant une mauvaise conductivité thermique atteindra rapidement son seuil de fracture à haute puissance de pompe. De plus, un cristal conduisant mal la chaleur présentera une lentille thermique élevée et aberrante, ce qui signifie que le mode laser de la cavité sera affecté de façon importante. Ceci peut mener à une dégradation spatiale du faisceau laser en sortie du système, voire à une déstabilisation complète de la cavité. Pour finir, rappelons que des systèmes laser comme les quasi-3 niveaux sont particulièrement sensibles à l’élévation de la température, à cause de l’influence de celle-ci sur la réabsorption à la longueur d’onde laser. Il y a donc un grand intérêt à mesurer ce paramètre précisément.

Heureusement, les concepteurs de laser ne sont pas les seuls à avoir eu besoin de mesurer ce paramètre, utile pour d’innombrables autres sujets que l’optique, avec tous les matériaux possibles et imaginables. Nous devons à Parker et al. [Parker 61] la méthode de mesure « par flash », qui est la plus utilisée à l’heure actuelle pour mesurer la conductivité thermique. Son principe est schématisé sur la figure III.1.1.

Figure III.1.1 Schéma présentant la mesure de diffusivité par flash et ses limitations [Sato 06].

Un puissant flash de lumière est envoyé sur une des faces du matériau à étudier. On mesure alors l’évolution de la température de la face opposée du matériau, en fonction du temps. En traçant la courbe de cette évolution, on peut remonter à la diffusivité thermique dth, qui est reliée à la conductivité thermique par la relation :

p th

c

d

C

K

=

.ρ.

(III.1)

Où ρ est la densité du matériau et Cp sa capacité thermique. Cette méthode a été appliquée

avec succès à de nombreux matériaux destinés à l’optique, dont des cristaux laser. La source du flash lumineux a souvent été remplacée par un laser impulsionnel, pour garantir que l’impulsion créatrice de chaleur soit plus courte que le temps de diffusion de la chaleur au travers du matériau. De nombreuses autres méthodes dérivant du même concept ont été appliquées aux cristaux laser. Ces variantes changent surtout le moyen de détection de la chaleur arrivant sur la face arrière du matériau. On peut ainsi citer l’utilisation de la microscopie par photoreflectance [Pottier 94], la détection de la déviation d’un faisceau sonde (méthode MIRAGE) [Salazar 91], la détection de l’onde de chaleur à l’aide d’une caméra infrarouge [Bisson 00].

Ces méthodes ont prouvé leur fiabilité sur de nombreux matériaux, mais elles présentent un certain nombre de désavantages.

- La détermination de la conductivité thermique est indirecte, c'est-à-dire qu’elle dépend de la connaissance de la densité et de la capacité thermique du cristal. Or une donnée thermodynamique comme la capacité thermique est difficile à mesurer proprement et les valeurs de ce paramètre peuvent varier sensiblement d’une source bibliographique à l’autre. (Pour le YAG : Cp = 0,356 à 0,374 J.mol-1K-1 [Sato 06][Gaumé 02]) Ceci est donc une sérieuse limitation à la précision de la méthode. Il faut ajouter à ceci que la valeur tabulée utilisée pour les calculs de conductivité thermique est généralement celle du matériau non dopé à température ambiante, alors que ce paramètre dépend, tout comme la conductivité, de la densité en ions dopants et de la température.

- Pour que la mesure soit précise, il faut que la face du matériau soit éclairée par le flash de façon bien uniforme et il ne doit pas y avoir de perte de chaleur dans l’environnement extérieur. Toutes ces conditions ajoutent à l’imprécision de la méthode.

- De plus, le dépôt de couches de carbone ou métalliques est souvent nécessaire, pour éviter que le flash utilisé pour chauffer le matériau ne soit directement transmis au travers de celui-ci et n’atteigne le détecteur thermique. Même lorsque ces couches sont présentes, il y a toujours un risque de fuite.

- Lorsqu’elle est utilisée sur des matériaux transparents dans certaines parties du spectre IR, comme la plupart des cristaux laser, cette méthode se heurte à un écueil supplémentaire : Même si des couches de carbone sont déposées sur les faces, il est possible qu’une partie du rayonnement thermique émis par le carbone soit transmise directement au détecteur sans être absorbée par le cristal. De plus, un matériau rayonnant dans l’IR tout autour de lui ne peut être considéré comme totalement isolé du milieu extérieur : une des conditions basiques d’application de la méthode se retrouve alors menacée.

Ces problèmes ont été clairement identifiés par quelques auteurs [Sato 06], qui ont proposé des corrections théoriques à appliquer sur les résultats obtenus. Cela permet apparemment de corriger les valeurs mesurées, mais rajoute une incertitude supplémentaire, celle de la validité des corrections appliquées.

L’ensemble de ces difficultés a une conséquence directe sur la dispersion des mesures de conductivité thermique que l’on peut trouver dans la littérature, même pour des matériaux connus depuis longtemps. Pour le YAG par exemple, on trouve des valeurs variant entre Kc = 14 W/(mK) [Site Casix][Site Northrop], annoncés par des vendeurs de cristaux comme Casix ou Northrop, et Kc variant entre 12 W/(mK) [Krankel 04] à 10,7 W/(mK) [Gaumé 02], non dopé, à T = 25°C, dans la majorité des publications scientifiques. Citons aussi le CaF2, pour lequel les valeurs de conductivité (non dopé, à température ambiante) peuvent aller de Kc = 9,7 W/(mK) [HOM] à 11,7 W/(mK) [Site Corning] suivant la source bibliographique.

A propos de la variation de la conductivité thermique avec le dopage :

La présence des ions dopant à l’intérieur d’une matrice cristalline la perturbe, surtout si l’ion dopant a des difficultés à s’insérer dans la matrice. On parle de « phonon backscattering ». C’est pour cette raison que lorsque le dopage d’un cristal augmente, sa conductivité thermique diminue. Pour certains cristaux, cette diminution est très faible car l’ion dopant se substitue aisément à un atome de la matrice. C’est le cas par exemple pour le Nd :GdVO4, car le Gadolinium et le Néodyme ont des rayons ioniques très proches. En revanche, dans un cristal comme le Yb :CaF2, l’augmentation du dopage fait chuter très fortement Kc. Ainsi, un cristal non dopé a une conductivité autour de 10 W/(mK) alors qu’un cristal dopé 3% en ion Yb voit cette valeur chuter autour de 6 W/(mK).

Malgré la complexité des mécanismes mis en jeu dans l’insertion des ions dopants dans la matrice cristalline, il est possible de modéliser l’évolution de la conductivité thermique avec le dopage, comme l’a démontré R. Gaumé et al. [Gaumé 02] dans ses travaux. Nous nous référerons par la suite à son modèle pour vérifier nos résultats.

A propos de la variation de la conductivité thermique avec la température :

La conductivité thermique d’un cristal dépend de sa température. Elle connaît généralement un maximum à très basse température (vers 30K pour le YAG, où elle atteint plus de 650 W/(mK) [Slack 71] !), et elle décroît ensuite lorsque la température augmente. Entre 300 K et 400 K, l’exemple typique du YAG indique une variation typique de l’ordre de 10 %. Notons que cette dépendance n’a pas été prise en compte lors du calcul de la répartition de température fait dans le chapitre précédent (Equation II.10). Dans nos expériences, les gradients de température mesurés resteront inférieurs à 100°C, cet effet aura donc peu d’influence.