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Etapes du raisonnement : le raisonnement hypothético-déductif

PARTIE 1 : PROLÉGOMÈNES À LA RÉSOLUTION DE TROUBLES SANITAIRES

4. L E DIAGNOSTIC ET LA MÉDECINE DE TROUPEAU

4.2. Etapes du raisonnement : le raisonnement hypothético-déductif

Le raisonnement médical utilisé préférentiellement lors d’analyse de situation à problème est le raisonnement de type hypothético-déductif.

On distingue 3 étapes (FABRE, 1989 ; MARTINEAU, 2002b ; OLERON, 1996). 4.2.1. Description du problème

Cette première étape constitue la phase de prise de connaissance du domaine à étudier. C’est une étape indispensable pour le raisonnement qui va suivre. Toutefois, on peut signaler que lors d’investigations, l’apparition de nouveaux indices oblige de refaire une partie ou la totalité du raisonnement. Le diagnostic est un processus récursif (GAY, 2001b).

4.2.2. Génération d’hypothèses ou phase inductive3

4.2.2.1. Description

Cette phase permet l’élaboration d’hypothèses permettant d’expliquer la nature et/ou l’origine des troubles (TUBIANA, 1961). Pour cela, on utilise plus particulièrement des traits discriminants associés plus précisément à une condition connue, c’est à dire des symptômes pathognomoniques, évocateurs ou un ensemble de signes ou symptômes orientant vers une cause ou un mécanisme particulier.

En médecine individuelle, l’induction est utilisée pour remonter des signes/symptômes d’un individu vers des causes probables. En médecine de troupeau, on utilise ce principe dans un premier temps, puis on regroupe tous les diagnostics individuels pour remonter à une ou plusieurs causes possibles pour l’ensemble de la population.

L’objectif de cette étape est donc de se forger un ou plusieurs « scénarios » plausible (MARTINEAU, 2002b). On établit ainsi une liste de diagnostics différentiels.

4.2.2.2. Limites

Les limites de cette étape sont nombreuses :

Validité des données utilisées

Les données utilisées pour générer les hypothèses peuvent être imprécises, biaisées. Deux sources principales sont décrites (SOURNIA, 1961):

− le praticien : aspect suggestif des questions posées, orientation préférentielle vers un domaine de compétence particulier…

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L’induction au sens philosophique est une « opération mentale qui consiste à remonter à un certain nombre

de propositions données, généralement singulières ou spéciales […], à une proposition plus générale ». Le sens

usuel correspond mieux au processus utilisé lors de la phase de génération d’hypothèses : « processus de pensée

reconstructif, par lequel, partie en raisonnant, partie en devinant, on remonte de certains indices à des faits qu’ils rendent plus ou moins probables ». Dans ce sens, on utilise aussi le terme d’abduction (LALANDE,

− la personne interrogée : subjectivité par rapport aux problèmes de son troupeau, part d’irrationnel… qualité de ses enregistrements.

Ainsi, au cours du raisonnement, il faudra concilier des données imprécises, imparfaites, incertaines, parfois en contradiction les unes avec les autres. Le diagnostic est la science de l’incertitude (FABRE, 1989).

Pour pallier les imprécisions et les incertitudes, certains chercheurs ont développé des méthodes de diagnostic basées sur la logique floue (BELLAMY, 1997). Ainsi, même avec des données complexes, imprécises et incertaines, un diagnostic relativement précis pourra être établi à l’aide « d’approximateurs universels » (notion d’adhésion graduée). On utilisera les termes improbables, peu probables, probable ou tout à fait probable (on peut remplacer probable par possible ou vrai) pour un événement donné (MARTINEAU, 2002a).

Pertinence des critères utilisés

Les critères utilisés pour générer des hypothèses doivent avoir été reconnus comme caractéristiques d’affections ou de maladies particulières, voire être pathognomonique.

L’inexpérience vis-à-vis de la valeur relative des indices aboutit souvent à l’utilisation d’information non pertinente qui biaise le raisonnement.

Limites du raisonnement humain

Il est difficile pour un même individu d’appréhender simultanément toutes les possibilités, en corrélation aux capacités limitées de mémoire à court-terme (MORLEY, 1991 ; POLLOCK, 1985a). Toutefois, il faut prendre en compte la nature dynamique du processus diagnostique qui n’est pas une simple énumération simultanée de possibilités mais un processus de va-et-vient continuel entre l’acquisition des données et la génération d’hypothèses.

Pour limiter ce phénomène, des auteurs (MORLEY, 1991 ; POLLOCK, 1985a) rapportent la technique suivante : dans un premier temps, on fait uniquement des hypothèses utilisant des termes larges qui seront affinés par la suite. Un exemple type est l’acronyme ALARME utilisé en médecine de population (cf. chapitre 3.3. de la seconde partie) pour identifier les facteurs de risque.

Manque de connaissances

Il est souvent à la base de la formulation d’un ensemble incomplet d’hypothèses pouvant exclure le diagnostic correct.

4.2.3. Vérification des hypothèses ou phase déductive4

4.2.3.1. Description

A partir des hypothèses, on déduit les symptômes et les événements associés dans le cas où l’hypothèse serait correcte (MARTINEAU, 2002b). On recherche uniquement les causes dont les conséquences sont observées (FABRE, 1989). Il s’agit donc d’une démarche active, orientée par rapport aux hypothèses formulées.

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Déduction : « opération par laquelle on conclut rigoureusement, d’une ou plusieurs propositions prises

pour prémisses, à une proposition qui en est la conséquence nécessaire, en vertu des règles logiques. »

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Les hypothèses les plus vraisemblables sont vérifiées. L’évaluation peut être qualitative (hypothèse la plus plausible) ou quantitative (utilisation des statistiques) (OLERON, 1996).

Sans entrer dans les controverses au sujet du thème : « le diagnostic est-il un art ou une science ? », on peut préciser que ces deux étapes du raisonnement médical font parfois appel à l’intuition et nécessitent de la souplesse par rapports aux schémas de raisonnement strictement linéaires (FABRE, 1989). Par exemple, pour le raisonnement de type modus ponens (tableau 9), on s’aperçoit que, dans la pratique, on introduit des modulations du type : d’autres agents (viraux par exemple) peuvent être à l’origine des troubles, le prélèvement a été contaminé, etc. …

Tableau 9 : Exemples de modus ponens et de modus tollens.

On utilise l’exemple de Pasteurella multocida (Pm) responsable de broncho-pneumonie à Pasteurella

multocida (BP). p correspond à l’isolement de Pm à partir d’un écouvillonnage naso-pharyngé profond et q à la

BP.

Modus ponens Modus tollens

p à q Si p alors q

p à q

Si q est faux, alors p est faux

Exemple d’application

Pm (p) provoque BP (q)

Le laboratoire a isolé Pm, donc c’est une BP

Pm (p) provoque BP (q)

Si l’animal n’a pas de BP alors le laboratoire ne peut pas isoler Pm

Rq. : On ne peut pas faire de conclusion sur non p ou sur q.

4.2.3.2. Limites

Les limites de cette phase sont :

− les risques de sur-interprétation des indices en fonction de la maladie suspectée

(POLLOCK, 1985a). Ainsi, le clinicien se base sur une suspicion a priori pour orienter l’interprétation des indices dans le sens qui lui convient ;

− l’illogisme, fondé sur des croyances, ou la logique incomplète comme tirer des

conclusions par un raisonnement partiel ;

− la négation des contradictions.

Toutefois, les diagnostics des experts sont souvent précis (MORLEY, 1991). Ceci relève de deux facteurs tautologiques : les maladies fréquentes sont fréquentes avec le corollaire, les maladies rares sont rares, et les cliniciens ont l’expérience des maladies.

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