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Nous avons effectu´e des simulations num´eriques du processus de filamentation pour les cas A et B en consid´erant les mˆemes conditions que dans l’exp´erience. Dans les deux cas et pour chaque s´erie de simulations faites avec des param`etres de turbulence similaires (Cn2, l0, L0) mais avec des r´ealisations d’´ecrans de phase diff´erentes, nous avons appliqu´e l’analyse statistique pr´esent´ee en section4.2. On pr´esentera ici les r´esultats typiques obtenus en utilisant le mˆeme ordre de pr´esentation que pour les r´esultats exp´erimentaux.

Param`etres initiaux de la simulation

L’impulsion initiale est suppos´ee ˆetre gaussienne dans le temps et super-gaussienne d’ordre 20 dans l’espace de mani`ere `a reproduire l’effet du diaphragme circulaire utilis´e dans les exp´eriences ; son enveloppe est d´ecrite par

E(x, y, t, z = 0) = E0exp(−(x2+ y2)n/2/w0n− t2/t2p), (4.7)

o`u w0 = 15 mm est le diam`etre du faisceau et tp = 42 fs est la dur´ee de l’impulsion. L’in- tensit´e initiale E02 ≡ 22/nnP

in/2πw20Γ(2/n) est calcul´ee `a partir de la puissance initiale Pin = Ein/tppπ/2 qui elle, est obtenue `a partir de l’´energie laser en entr´ee Ein. Pour P = 18Pcr, la distance d’auto-focalisation du faisceau super-gaussien est obtenue sur l’axe `a z = 119 m, apr`es formation d’un profil `a anneaux multiples, anneaux qui n’influent cependant pas sur le collapse [Fibich 05b]. La lentille est mod´elis´ee dans les deux cas par une courbure spatiale du faisceau exp(−ik0(x2 + y2)/2f ). Avec la lentille de focale f = 4 m, l’auto-focalisation du faisceau super-gaussien est obtenue num´eriquement `a 3,9 m sans formation d’anneaux de diffraction.

10 10 ln(r/r )0 ln(-ln(1- Ψ ))

Fig. 4.10 - R´esultats des simulations num´eriques pr´esent´es comme dans la figure 4.6 pour 200 tirs dans le cas A en pr´esence d’une forte turbulence Cn2 = 1, 7 × 10−11 m−2/3. La fonction de probabilit´e de la distribution de Weibull (courbe continue dans les figures (c) et (d)) a pour param`etres p = 1, 81 and wW = 0, 83 mm.

Simulations du cas A

Les r´esultats des simulations lorsque l’impulsion traverse la chambre `a turbulence avant fila- mentation (cas A) sont pr´esent´es en Figures4.10et4.11respectivement dans le cas de tr`es fortes (Cn2= 9×10−10m−2/3) et de tr`es faibles turbulences de l’air (Cn2 = 2.1×10−13m−2/3). Chaque s´erie de simulations compte 200 tirs. En pr´esence d’une turbulence tr`es forte (Cn2 = 9 × 10−10 m−2/3) ou forte (Fig. 4.10, Cn2 = 1.7 × 10−11 m−2/3), la distribution des filaments peut ˆetre correctement d´ecrite par une distribution de Weibull avec un param`etre p l´eg`erement inf´erieur `

a 2, indiquant que l’instabilit´e du point´e apr`es l’´etape de filamentation suit les lois attendus pour un faisceau globalement affect´e par une turbulence homog`ene et isotrope. Le param`etre wW peut ˆetre interpr´et´e comme une mesure de l’instabilit´e du point´e et croˆıt avec la force des turbulences.

Pour de faibles (Fig. 4.11, Cn2 = 2.2 × 10−12m−2/3) ou tr`es faibles (Cn2 = 2.1 × 10−13 m−2/3) turbulences, la distribution des filaments ne peut plus ˆetre d´ecrite par une distribution de type Rayleigh (c’est `a dire une distribution de Weibull avec un param`etre p proche de 2). Le param`etre de la distribution de Weibull est en effet inf´erieur `a 1 dans les deux cas, indiquant que la probabilit´e de trouver le filament `a une distance r de l’axe de propagation est maximale sur l’axe (r = 0). Une distribution similaire est observ´ee exp´erimentalement pour Cn2 = 2×1013 m−2/3 (voir Figure4.7). Cela signifie qu’apr`es la cuve `a turbulence, les effets de la focalisation lin´eaire par la lentille et de l’auto-focalisation de l’ensemble du faisceau pr´evalent sur les effets de la faible turbulence dans la premi`ere partie de la propagation. Il en r´esulte une instabilit´e de point´e minimale, qui diminue encore lorsqu’on d´ecroˆıt l’intensit´e de la turbulence.

R´esultats de la simulation num´erique

ln(r/r )0

ln(-ln(1-

Ψ

))

Fig. 4.11 - R´esultats des simulations num´eriques pr´esent´es comme dans la figure 4.6 pour 200 tirs dans le cas A en pla¸cant l’´ecran `a z = 7 m et pour une faible turbulence C2

n = 2.2 × 10−12 m−2/3. La fonction de probabilit´e de la distribution de Weibull a pour param`etres p = 0, 87 and wW = 0, 50 mm.

Fig. 4.12 - R´esultats des simulations num´eriques pr´esent´es comme dans la figure 4.6 pour 200 tirs dans le cas A en pla¸cant l’´ecran `a z = 6 m et pour une faible turbulence Cn2 = 2.2 × 10−12 m−2/3. La fonction de probabilit´e de la distribution de Weibull a pour param`etres p = 1, 75 and wW = 0, 73 mm.

Comp´etition entre turbulence et formation d’anneaux

Le r´esultat pr´ec´edent souligne une comp´etition entre les effets d’une turbulence faible et les effets lin´eaires et non-lin´eaires jouant un rˆole dans la filamentation en l’absence de turbu- lence, `a savoir la diffraction et l’effet Kerr optique. Une particularit´e remarquable de cette comp´etition est pr´esent´ee en Figure 4.12 obtenue `a partir de simulations de l’exp´erience A avec une faible turbulence de l’air (on observe des r´esultats similaires avec une tr`es faible turbulence). La Figure 4.12(c) montre que la distribution de Weibull reproduit tr`es mal les r´esultats num´eriques.La raison pour ce faible accord vient du fait que pour certains intervalles de l’histogramme on obtient une accumulation de filaments. C’est aussi clairement visible sur la distribution des filaments [Fig. 4.12(b)] qui pr´esente des anneaux l`a o`u les filaments sont pr´ef´erentiellement situ´es. Ces anneaux sont form´es parce que le profil initial du faisceau est super-gaussien (pour mod´eliser l’effet du diaphragme cylindrique). De pr´ec´edentes ´etudes ont montr´e que l’auto-focalisation de faisceaux super-gaussien pouvait conduire `a la formation d’an- neaux [Couairon 02] et que les filaments dans l’air non-turbulent se pla¸caient pr´ef´erentiellement sur les maxima du gradient d’intensit´e du faisceau [M´echain 04b,M´echain 04a]. Il existe une so- lution auto-similaire de type annulaire de l’´equation de Schr¨odinger non-lin´eaire qui agit comme un attracteur pour la dynamique de l’effondrement des faisceaux super-gaussiens [Fibich 05b]. Bien que la d´etermination de la puissance minimum au del`a de laquelle un collapse en anneau apparaˆıt reste encore une question ouverte, il a ´et´e d´emontr´e qu’un collapse en anneau radia- lement sym´etrique pouvait ˆetre obtenu pour des puissances initiales sup´erieures `a 15 Pcr; en pr´esence d’inhomog´en´eit´es brisant la sym´etrie dans le faisceau initial, des filaments multiples se forment, comme le confirment les observations exp´erimentales [Grow 06]. Une comp´etition existe donc entre la turbulence et cet effet. Parce que les puissances utilis´ees ici sont rela- tivement faibles, on observe une formation d’anneaux sans effondrement catastrophique des anneaux. En pr´esence d’une sym´etrie radiale parfaite le filament se formerait finalement sur l’axe apr`es refocalisation du faisceau entier mˆeme si des anneaux apparaissent. Mais en pr´esence d’une faible turbulence l’instabilit´e modulationnelle est amplifi´ee et les filaments se forment sur les anneaux intenses g´en´er´es durant l’´etape de focalisation. Comme nous allons le voir, cette comp´etition explique aussi le d´eplacement longitudinal des filaments.

Interpr´etation du d´eplacement longitudinal des filaments dans l’air turbulent

La comp´etition entre auto-focalisation de l’ensemble du faisceau et instabilit´e modulationnelle (IM) a ´et´e ´etudi´ee par Fibich et al. [Fibich 05a] qui ont montr´e que pour des puissances incidentes inf´erieures `a 100Pcr, l’auto-focalisation du faisceau entier dominait et que la distance de collapse variait alors en 1/√P , tandis que pour P > 100Pcr l’instabilit´e modulationnelle l’emportait et la distance de collapse variait en 1/P . Ceci d´ecoule du taux d’amplification ki des petites perturbations se d´eveloppant en exp(kiz), donn´e par la distance de propagation

kiz0= k⊥w0 s P Pcr −k 2 ⊥w20 16 , (4.8)

o`u k⊥ est le nombre d’onde des perturbations et z0, la longueur de Rayleigh associ´ee au faisceau de diam`etre w0, normalise le taux d’accroissement. Le taux d’accroissement maximum est kmaxi z0 = 2P/Pcr et correspond `a une amplification d’un facteur 104 sur une distance z = z0× 2 log(10)Pcr/P .

R´esultats de la simulation num´erique

1

10

100

0.01

0.1

1

10

z

fil

/z

0

P/P

cr

Fig. 4.13 - Distance de filamentation en fonction de P/Pcr : distance pour laquelle on observe un gain de 104 par IM (ligne en tiret-point bleue) ; distance de collapse dans l’air sans turbulence (ligne pointill´ee) ; distance de collapse en pr´esence de turbulence (ligne continue, Cn2 = 10−13 m−2/3).

La figure 4.13 pr´esente la distance zf il `a laquelle un filament se formerait en atmosph`ere non turbulente (courbe verte en pointill´es), comme le donne la loi de Marburger pour l’ef- fondrement de faisceaux optiques dans des milieux Kerr. Elle croit de fa¸con quasi-lin´eaire en (P/Pcr)−1/2[Marburger 75]. La ligne bleu en tirets-points montre la distance requise pour que l’instabilit´e modulationnelle amplifie des petites perturbations d’un facteur 104; cette distance devient inf´erieure `a la distance de collapse zf il lorsque la puissance d´epasse 200 Pcr. L’auto- focalisation du faisceau entier est donc le m´ecanisme dominant pour la formation des filaments dans un faisceau de faible puissance initiale.

En revanche, dans une atmosph`ere turbulente, la distance requise pour que le faisceau entier s’auto-focalise est d´etermin´ee par la fonction [Petrishchev 71] :

1 + (1 − P/Pcr)(z/z0)2+k

3w4

0C

8 (z/z0)

3= 0 (4.9)

o`u C est donn´e par l’´equation (4.3). Un filament form´e en atmosph`ere turbulente d´emarre `a cette distance de collapse qui est trac´ee en trait rouge continu dans la Figure 4.13en fonction de P/Pcr pour Cn2 = 10−13 m−2/3. Les filaments obtenus par auto-focalisation du faisceau entier d´emarrent donc `a des distances plus grandes lorsque la turbulence de l’air est plus forte. Il est r´esulte que le seuil de puissance au del`a duquel l’instabilit´e modulationnelle commence `

a ˆetre le m´ecanisme dominant pour la formation de filaments est inf´erieur au seuil pr´edit par Marburger pour la distance de collapse. La Figure 4.13 montre que la courbe en trait plein (C2

n = 10−13 m−2/3) croise la ligne en tiret-points (IM) autour de 20Pcr, ce qui r´eduit d’un facteur 10 le seuil de formation d’un filament par instabilit´e modulationnelle dans les conditions de notre exp´erience. Puisque la distance requise pour l’instabilit´e modulationnelle et l’amplification du bruit par la turbulence d´ecroˆıt lorsque la turbulence augmente, nos conditions correspondent `a la r´egion o`u l’auto-focalisation du faisceau entier est en comp´etition avec l’instabilit´e modulationnelle pour la formation des filaments. Ces r´esultats expliquent aussi

300 350 400 450 500 0 10 20 30 40 z c (cm) N (b) 400 420 440 0 5 10 15 20 zc (cm) N (c) 4300 440 450 460 10 20 30 40 zc (cm) N (d) 150 200 250 0 2 4 6 8 10 z c (cm) N (a)

Fig. 4.14 - Distribution des distances de filamentation, d´efinies comme la distance minimale pour laquelle l’intensit´e crˆete d´epasse le seuil de 1013 W/cm2 dans le cas A. Le foyer de la lentille est `

a z = 400 cm et la distance de collapse sans turbulence est `a z = 390 cm. L’analyse statistique est faite sur 200 tirs pour chaque cas de Cn2, qui sont pr´esent´es par turbulence d´ecroissante. (a) Cn2 = 9 × 10−10 m−2/3. (b) Cn2 = 1.7 × 10−11m−2/3. (c) Cn2 = 2.2 × 10−12 m−2/3. (d) Cn2 = 2.1 × 10−13 m−2/3. L’intensit´e crˆete est en dessous du seuil pour 57% des tirs dans le cas (a), 1% dans le cas (b) et 0% dans les cas (c) et (d).

la diminution de la distance moyenne de collapse obtenue par Kandidov et al. [Kandidov 99] lorsque la turbulence est augment´ee.

Pour le confirmer nous avons calcul´e la distance minimale pour laquelle l’intensit´e crˆete exc`ede un certain seuil, pour chaque s´erie de 200 essais correspondant `a chaque valeur du Cn2 dans le cas A. Les r´esultats sont pr´esent´es dans les Figures 4.14 et4.15. Pour une forte turbulence la filamentation d´emarre en moyenne avant le foyer non-lin´eaire `a z = 390 cm d´etermin´e par un calcul similaire mais en l’absence de turbulence. Pour une faible turbulence, la position moyenne du d´ebut du filament est d´eplac´ee derri`ere le foyer de la lentille. Ce r´esultat ne d´epend pas du choix du seuil d’intensit´e choisi comme le montre la comparaison entre les Figures4.14 et 4.15. Cependant, le taux de filamentation d´efini ici comme le nombre de tirs pour lesquels l’intensit´e crˆete exc`ede le seuil choisi d´epend fortement de ce seuil. Cela s’explique par le fait qu’en raison de la saturation, l’intensit´e crˆete pour un filament dans l’air non turbulent atteint quelques 1013 W/cm2 [Couairon 03a] ; la valeur de saturation d´ecroˆıt lorsque l’amplitude des turbulences augmente, ainsi, le taux de filamentation d´ecroˆıt lorsque le Cn2augmente ou lorsque l’on choisit un seuil d’intensit´e plus ´elev´e.

On note finalement que l’emploi de la forme la plus simple des th´eories sur l’instabilit´e mo- dulationnelle, qui s’appliquent pour des perturbations d’ondes planes, m`ene `a une estimation plus ´elev´ee (200 Pcr) pour le seuil de l’IM que la valeur qui serait obtenue en consid´erant l’IM d’un profil de Townes [Porras 07] ou l’IM d’une solution en anneau [Grow 06]. Le principe de notre analyse serait n´eanmoins le mˆeme avec un profil de faisceau diff´erent, et devrait ˆetre qualitativement en accord avec nos r´esultats.

R´esultats de la simulation num´erique 300 320 340 360 380 0 5 10 15 20 25 zc (cm) N (b) 380 400 420 0 10 20 30 z c (cm) N (c) 4250 430 435 440 445 450 10 20 30 40 z c (cm) N (d) 150 200 250 300 0 10 20 30 zc (cm) N (a)

Fig. 4.15 - Mˆeme analyse qu’en figure 4.14 mais en consid´erant un seuil de 8 × 1012 W/cm2. L’intensit´e crˆete reste en dessous du seuil pour 7% des tirs dans le cas (a) Cn2 = 9 × 10−10 m−2/3 et est toujours au dessus pour les autres cas.

Simulations dans le cas B

ln(r/r )0

ln(-ln(1-

Ψ

))

Fig. 4.16 - R´esultats des simulations num´eriques pr´esent´es comme dans la figure 4.6pour 60 tirs dans le cas B en pla¸cant l’´ecran `a z = 6 m et pour une tr`es forte turbulence Cn2 = 9 × 10−10 m−2/3. La distribution de Weibull a pour param`etres p = 1, 74 et wW = 0, 077 mm.

Pour le cas B, la simulation num´erique s’est av´er´ee beaucoup plus complexe que dans le cas A puisque tous les effets non-lin´eaires agissent sur le faisceau en mˆeme temps que la turbulence ce qui n´ecessite de les consid´erer tous alors que l’on pouvait en n´egliger certains pour simplifier le calcul dans le cas pr´ec´edent. La dur´ee d’une simulation dans le cas B ´etait donc de 19 heures par tir, contre 13 minutes dans le cas A. Pour cette raison nous n’avons simul´e que le cas d’une tr`es

forte turbulence Cn2 = 9×10−10m−2/3. La Figure4.16montre l’analyse statistique des r´esultats de la simulation. La figure 4.16a montre clairement que le r´eservoir d’´energie pr´esente des anneaux qui sont le r´esultat de plusieurs effets, parmi lesquels la diffraction du faisceau initial par le diaphragme, l’auto-focalisation du faisceau super-gaussien ou encore la comp´etition entre diffraction et absorption multiphotonique, qui agit comme un bloqueur distribu´e le long du filament, g´en´erant ainsi des anneaux de diffraction [Faccio 08b]. La turbulence joue seulement un rˆole apr`es que le r´eservoir d’´energie a ´et´e r´eorganis´e en anneaux. C’est pourquoi l’action de la turbulence sur le coeur intense est limit´ee `a une l´eg`ere d´eviation angulaire sur le filament. Le flux d’´energie de plus grande dimension vers l’axe de propagation est en principe plus sensible `

a la turbulence de l’air mais l’absorption multiphotonique dans le coeur du filament parvient `

a maintenir le flux d’´energie et sa sym´etrie. Tout ceci conduit finalement `a ce que le filament d´ej`a form´e soit globalement peu affect´e par la turbulence, en accord avec les observations exp´erimentales.