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D. D ISCUSSION

1. Estimation du rapport C/N des TEP

Il est difficile expérimentalement de séparer les TEP des autres particules en suspension. En effet, ce pool de matière organique est composé de matériel fragile capable d’adsorber les éléments en suspension dans la colonne d’eau tels des détritus, des cellules algales, des organismes vivants et morts (Dam & Drapeau 1995). Afin de mesurer le rapport C/N des TEP, il est nécessaire de les isoler. Ce problème est résolu en produisant des TEP par la méthode de bullage (Johnson et al. 1986, Zhou et al. 1998, Mari 1999) à partir d’une fraction filtrée d’eau de mer naturelle.

a) Principe

La méthode pour former des agrégats par le phénomène de « coagulation de surface » décrit par Johnson et al. (1986) a été utilisée dans cette étude pour produire des TEP. Il s’agit de la coagulation de matière organique dissoute et colloïdale à l’interface air-eau de bulles produites en laboratoire. Une bulle injectée dans l’eau par l’intermédiaire d’un bulleur en verre fritté se déplace vers la surface en créant une interface mobile entre les phases liquides et gazeuses. Au cours de son déplacement, la bulle collecte à sa surface de la matière colloïdale qui s’accumule dans la partie inférieure de celle-ci, créant ainsi un agrégat d’origine colloïdale (Figure III-2 haut).

Figure III-2 : Formation d’agrégats par le processus de coagulation de surface (schéma Piège à humidité Filtre (0,1µm) Tubes en Téflon Bouteille de gaz

(gaz à faible teneur en carbone, 21% 02, 79% N) Débimètre (débit utilisé : 100 ± 20 ml mn-1) Colonne de bullage (10 x 200 cm) Bulleur en verre fritté (10-20 µm)

Formation des TEP par coagulation de surface

b) Protocole expérimental

L’eau de mer naturelle est issue du Point B et du site DYFAMED. Elle a été prélevée mensuellement de février 1999 à février 2000, à la profondeur du maximum de chlorophylle a (chapitre II). A l’issue des missions en mer, 20 litres d’eau prélevés au moyen d’une bouteille Niskin, sont filtrés sur GF/C Whatman™ (1,2 µm de porosité, 125 mm de diamètre), sous une pression d’aspiration constante et basse (< 150 mbar). De cette façon, en plus de la matière organique dissoute et colloïdale nécessaires à la formation des TEP, seuls les virus, les bactéries et quelques petites cellules phytoplanctoniques passent au travers du filtre. Une filtration sur 0,45 µm ne permet pas la formation de TEP (Mopper et al. 1995, Zhou et

al.1998). Le filtrat ainsi obtenu est versé dans une colonne de verre borosilicatée de 10 x 200

cm (Figure III-2 bas). Des bulles sont produites au fond de la colonne au moyen d’un bulleur en verre fritté de 10 à 20 µm de porosité (Johnson et al. 1986). Un gaz à faible teneur en carbone (CO+CO2 < 1 ppm ; H20 < 5 ppm) composé d’un mélange d’oxygène (21%) et d’azote (79%), est utilisé pour générer les bulles avec un débit de 100 ± 20 ml mn-1 (Kepkay 1991). Le gaz passe successivement par un piège contenant un tamis moléculaire (Hewlett-Packard™, maille de 5 x 10-4 µm) destiné à retenir les impuretés organiques ainsi que l’humidité, par un filtre de 0,1 µm de porosité (Millipak 200, Millipore™) et enfin par un débitmètre, avant de traverser le verre fritté. Les tubes conduisant le gaz de la bouteille au bulleur sont en téflon.

c) Echantillonnage et filtration

Au bout de 1, 3 et 5 h de bullage, un échantillon d’eau est prélevé au centre de la colonne. Une fraction est destinée à la détermination de l’abondance, de la concentration volumique et de la distribution de taille des TEP formées dans la colonne, selon la méthode du Filter-Transfer-Freeze (protocole décrit au chapitre I). Une autre fraction est destinée à la mesure du carbone et de l’azote particulaires. A cette fin, une série de 5 aliquots de volumes croissants est filtrée sur GF/F Whatman™ (0,7 µm de porosité, 25 mm de diamètre). Les filtres sont préalablement brûlés à 550°C durant 2h. Lors de la mise au point de ce protocole, nous avons testé la sensibilité de l’analyseur CHN (Leco 900™) en fonction du volume filtré. Au vu des résultats, il apparaît que la filtration d’une succession de volumes de 100, 200, 300, 400 et 500 ml offre la meilleure qualité de réponse.

Les spectres de taille des TEP issues de la colonne sont similaires aux spectres de taille des TEP prélevées en milieu naturel (Figure III-3). Ceci confirme l’efficacité de cette

méthode pour produire des TEP à partir d’eau de mer naturelle filtrée sur GF/C. L’ensemble des distributions est présenté en annexe B.

Figure III-3 : Exemples de spectres de taille des TEP échantillonnées dans la colonne après 1h et 3h de bullage. Gauche : eau de mer issue de DYFAMED, Droite : eau de mer issue du Point B.

d) Mesure du rapport C/N des TEP

Le rapport C/N des TEP dans la colonne, est calculé à partir des pentes des droites de régression décrivant d’une part, la quantité de carbone (COP ; µgC par filtre), d’autre part la quantité d’azote (NOP ; µgN par filtre) en fonction des volumes filtrés (ml) (SØndergaard & Middleboe 1993). Le rapport C/N des TEP sera donné en moyenne ± erreur standard.

Contribution des bactéries hétérotrophes à l’apport de carbone et d’azote

Les bactéries hétérotrophes issues du milieu naturel sont présentes dans la colonne de bullage. Leur contribution en carbone et en azote à la mesure du COP et du NOP a donc été estimée. L’abondance bactérienne est déterminée avant la filtration sur GF/C, puis lors de chaque expérience de bullage (au bout de 1, 3h et 5h). Un aliquot de 10 ml est filtré sur un filtre polycarbonate noir de 0,2 µm de porosité après marquage par 0,25 µg ml-1 de 4’,6’-diamidino-2-phenylindole (DAPI) selon la méthode de Porter et Feig (1980). Trois réplicats sont effectués à chaque prélèvement. Pour chaque échantillon, un minimum de 200 à 300 bactéries est compté au grossissement x1000 sous un microscope à épifluorescence. La fraction des bactéries retenues sur les filtres GF/F est estimée à partir du comptage dans la

y = 463530x-3.04 R2 = 0.98 1 10 100 1000 10000 100000 1000000 1 10 100 Dse (µm) Concentration en TEP (nb ml -1 µm -1 ) 13/06/99 t0+1h 10/03/99 t0+3h y = 24720x-2.16 R2 = 0.84 1 10 100 1000 10000 100000 1 10 100 Dse (µm)

bactéries. A DYFAMED, la biomasse bactérienne représente de 0,6 à 9,8% du COP mesuré (3,3 ± 2,9% ; moyenne ± écart-type ; n = 164) et de 0,6 à 21,2 % (3,4 ± 2,7% ; n = 157) au Point B . Le rapport C/N des TEP a donc été calculé en termes de COP/NOP après correction liée au carbone et à l’azote bactériens. Bien que d’autres organismes compris entre 0,7 et 1,2 µm peuvent être présents dans la colonne de bullage, nous n’avons détecté que des cellules apparaissant comme étant des bactéries hétérotrophes.

2. Estimation des différents pools de carbone organique : TEP, COD, et