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Chapitre 1 Revue bibliographique

1.4 Modélisation du signal EMG et de la force

1.4.2 Estimation de la force à partir de l’EMG

La force générée par un muscle est dépendante du niveau d’activation musculaire, représenté normalement par l’électromyogramme (EMG). Inman et coll. [Inman et coll., 1952] ont observé les changements d’amplitude du signal EMG dues à des variations de la force musculaire exercée. Par la suite, plusieurs études ont porté sur la relation entre EMG et force [Milner-Brown et Stein, 1975]. La notion que l'amplitude du signal SEMG est au moins qualitativement liée à la force produite par un muscle dans des conditions données, est bien acceptée dans la communauté scientifique. Pour cette raison, l’estimation de la force musculaire peut être réalisée à partir de l’EMG. Globalement, les forces d’un muscle, en situations statique et dynamique, sont estimées par l’EMG en utilisant l’un des trois modèles suivants :

1.4.2.1Modèles de type Hill

Le processus qui permet, dans les modèles de type Hill, d’extraire des SEMG enregistrés la force générée, comprend plusieurs étapes (Figure 1.22). Tout d'abord, le signal EMG est rectifié, filtré et normalisé par ses valeurs maximales. Il est alors transformé en un signal que nous appellerons e(t). Ensuite, la dynamique d'activation du muscle doit être prise en compte, puisque le signal EMG est fonction de ses valeurs précédentes. Ce processus (la

56 dynamique d'activation) est modélisé par une équation différentielle du premier ordre [Zajac, 1989] ou par un filtre récursif du second ordre [Thelen et coll., 1994]. La sortie de ce processus s’appelle l’activation neurale, u(t). Puis, l'activation neurale peut être transformée en activation du muscle, a(t), qui est alors utilisée comme une entrée du modèle de Hill, Les forces du muscle peuvent être enfin déterminées.

Figure 1.22 Estimation de la force à partir du signal EMG enregistré par le modèle de type Hill. L'indice i est utilisé pour indiquer un muscle individuel, et t pour dénoter le temps. (d’après Manal et Buchanana, 2003)

Figure 1.23 Schéma du modèle musculo-tendineux de type Hill qui comprend un élément contractile, un élément élastique parallèle et un élément élastique en série (Fm : force musculaire ; Ft : force tendineuse). (d’après Li et coll., 2009)

Un modèle de type Hill inclut souvent trois éléments (Figure 1.23) : un élément contractile, un élément élastique parallèle et un élément élastique en série. La force générée par chaque unité musculo-tendineux est représenté par les équations suivants :

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( ) ( ) ( ) ( )

[ ]

α α cos cos F f l f v a t f l F Ft = m⋅ = z a + p (1.15) m z PCSA F = ⋅

σ

(1.16) où Fz est la force musculaire isométrique maximale, Fm est la force musculaire, Ft est la force tendineuse, PCSA est la surface transversale physiologique du muscle individuel, a(t) est le niveau d’activation, α est l’angle entre le tendon et les fibres musculaires, f(v) est la relation force-vitesse, fa(l) est la relation force-longueur de l’élément contractile et fp(l) est la force musculaire élastique passive parallèle [Giat et coll., 1994].

Les modèles de type Hill nous aident à comprendre les caractéristiques physiologiques intérieures au muscle. Cependant, ces modèles font beaucoup de suppositions au sujet de propriétés inconnues et non linéaires des systèmes musculo-squelettiques et nerveux : par exemple, le muscle est considéré comme ayant un volume et une épaisseur constants lorsqu’il se contracte [Scott et Winter, 1991]; la relation force active-longueur est modélisée comme un polynôme du second ordre [Woittiez et coll., 1984] ou en utilisant l’interpolation spline cubique aux points définis par Gordon et coll. [Gordon et coll., 1966] ; la relation force passive-longueur est supposée comme une courbe exponentielle décrit par Buchanan et coll. [Buchanan et coll., 2004]. De plus, dans ces modèles plusieurs paramètres spécifiques aux sujets ne peuvent pas être mesurés directement. Des méthodes d'optimisation sont souvent nécessaires pour estimer ces paramètres. L'exactitude de ces paramètres et des sous-modèles peut limiter l'exactitude de prédiction.

1.4.2.2Réseaux neuraux artificiels (RNA)

Une méthode alternative, fondée sur les réseaux de neurones artificiels (RNA ou Artificial Neural Networks, ANN), a été largement étudiée ces dernières années. Elle utilise des techniques d’apprentissage des RNA pour tracer la relation entre les entrées EMG et la sortie cinétique ou cinématique. Un réseau de neurones artificiels est un groupe d'unités de traitement appelées les "neurones" qui sont interconnectées et distribuées dans les couches. Les "neurones" sont représentés par des cercles (Figure 1.24), et les lignes solides reliant les "neurones" représentent des facteurs pondérés. La Figure1.24 montre une architecture de RNA avec une couche d’entrée, deux couches cachées et une couche de sortie. Ce réseau de neurones à trois couches s'est avéré suffisant pour modéliser des problèmes de n'importe quel degré de complexité [Khanna, 1990].

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Figure 1.24 Modèle de RNA. Les flèches représentent les poids synaptiques de du RNA. (d’après Liu et coll., 1999)

Un modèle fondé sur un RNA optimise sa structure interne pour construire la relation entre les paramètres d’entrées et de sortie, en utilisant un algorithme de propagation arrière pour apprendre toutes les données lors d’une phase d’apprentissage. Song et Tong [Song et Tong, 2005] ont comparé deux modèles de RNA: l’un avec des entrées EMG et cinétiques et l’autre avec des entrées EMG seulement. Les résultats ont montré que les signaux EMG associés aux paramètres cinétiques ont donné des performances significativement meilleures pour la prédiction du couple d’une articulation et que l’angle articulaire et la vitesse angulaire ont fourni une information importante pour l’estimation du couple de l’articulation lors d’un mouvement dynamique volontaire.

1.4.2.3Recherche orthogonale rapide (ROR)

Une autre procédure non-linéaire utilisée pour représenter la relation EMG-force est la recherche orthogonale rapide (ROR ou Fast Orthogonal Search, FOS). L'estimation par ROR emploie une sommation de fonctions linéaires ou non-linéaires pour créer un modèle. Les fonctions linéaires et non-linéaires sont définies par l’utilisateur et choisies en minimisant l'erreur quadratique moyenne. Au lieu d’une minimisation itérative consommant du temps dont se sert la méthode de RNA, la ROR détermine des fonctions de base et des coefficients associés directement en une seule itération.

Eklund et coll. [Eklund et coll., 2004] ont indiqué que la ROR a permis d’identifier les modèles extrêmement rapidement, avec une exactitude semblable ou meilleure, comparativement aux autres méthodes existantes. Mobasser et coll. [Mobasser et coll., 2007] ont utilisé la ROR pour estimer la force du poignet. L’EMG a été enregistré sur le biceps brachii, le triceps brachii et les brachioradialis, avec un mouvement de bras limité à

59 l'extension et la flexion du coude dans le plan horizontal. Les données ont été enregistrées dans les conditions isométriques, isotoniques et des charges légères. En utilisant l’EMG des trois muscles et les données de l’angle articulaire, le modèle de ROR a été capable de prévoir la force générée avec une erreur moyenne de moins de 28 %.

Toutefois, la nature quantitative exacte de la relation EMG-force est le sujet de beaucoup de débats scientifiques. Les difficultés de relier l'EMG à la force correspondante sont associées à une relation entre ces signaux hautement non linéaire et variable en fonction du temps, à la difficulté de mesurer les EMG correctement et répétitivement, ainsi qu’à l’impossibilité de mesurer les forces du muscle in vivo. Dans le cas du mouvement, il faut de plus considérer les changements de la position des électrodes, des épaisseurs des tissus (la peau, la graisse et le muscle), de l’angle de l’articulation, etc.