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1.4 Estimation des paramètres de parois

1.4.2 Estimation de la vitesse de frottement u ∗

Dans le cas hydrauliquement lisse, l’équation 1.12 donne directement accés à la valeur de

u2 en prenant la valeur de −u

w′+

ν(∂u/∂z) vers le fond, là où elles sont maximales.

Dans le cas pleinement rugueux, le frottement est induit par la présence des rugosités, i.e. par la traînée derrière les obstacles constituant le fond rugueux.

Étant donné les équations D.A.N.S., qui font apparaître de nouveux termes dispersifs dans l’expression de la contrainte totale de cisaillement, on peut s’attendre à ce que celle ci soit employée pour l’estimation de u∗. La possibilité d’employer la somme des profils

de tensions de Reynolds < u′

w′

> et des tensions dispersives < ˜u ˜w > pour estimer la

contrainte totale est abordée par Nikora et al. (2002), sans qu’ils l’utilisent pour autant. Pour beaucoup, la contrainte totale pour un fond rugueux se réduit, comme pour le cas lisse, aux seules tensions de Reynolds. Le fait que le frottement soit induit par la traînée sur les obstacles constituant la rugosité est abordé par Manes et al. (2007) qui développent le calcul du frottement à la paroi sans pour autant aboutir sur une conclusion franche. Selon Manes et al. (2007), la vitesse de frottement est reconnue comme l’échelle de vitesse la plus appropriée pour la vitesse moyenne et les moments de vitesse. La vitesse de frottement est définie directement à partir de la contrainte de frottement qu’exerce le fluide sur le fond τp (voir Eq. 1.8), i.e. la force totale agissant sur une unité de surface de

la paroi. Toujours d’après Manes et al. (2007), la vitesse de frottement est historiquement définie dans le cadre d’étude de couche limite à gradient de pression nul, telle la couche limite atmosphérique. Dans le cas d’écoulements en canaux, le gradient de pression n’est pas nul ce qui implique que la contrainte de cisaillement n’est pas constante.

Les méthodes présentées dans cette section n’utilisent que le profil des tensions de Reynolds dans l’estimation de la vitesse de frottement u∗. En effet, dans la majorité des

études menées sur le sujet, on ne prend pas en compte les tensions dispersives dans l’estima- tion de u∗. Nikora et al. (2001) vérifient au préalable qu’ils peuvent les négliger, alors que

Cheng & Castro (2002b) le vérifient uniquement à postériori et constatent que les tensions dispersives sont négligeables dans leur cas. Beaucoup en font une généralité, et n’abordent même pas leur existence (Nepf & Vivoni (2000), Nezu & Sanjou (2008)), alors qu’il a été montré qu’elles pouvaient, dans certains cas, avoir une proportion non négligeable dans l’expression de la contrainte totale < τ > (Poggi et al. (2004a)).

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Méthode du maximum

Cette méthode consiste à prendre la valeur maximale des tensions de Reynolds, par analogie avec le cas lisse où le maximum de cisaillement se fait vers le fond. Cette méthode est utilisée pour tous types d’écoulement, indépendamment des conditions de gradient de pression.

Rotach (2001), dans une étude sur des écoulements de type atmosphérique, relie la position du maximum de tensions de Reynolds à la borne supérieure de la sous couche rugueuse mais estime également que ce maximum représente une très bonne échelle de vitesse pour l’écoulement dans la canopée et constitue une très bonne estimation de la vitesse de frottement. Nezu & Sanjou (2008) utilisent cette méthode pour estimer la vitesse de frottement pour des écoulements sur canopée végétale.

Une variante de cette méthode est parfois employée. La valeur des tensions de Reynolds est alors prise à z =h, comme dans Poggi et al. (2004b). L’écart entre la valeur obtenue et

le réel maximum est minime puisque le cisaillement est maximal au sommet de la canopée (voir Fig. 1.23(b)). Cette méthode requiert bien évidemment un profil allant jusqu’en haut des rugosités, voire même dans la canopée, et donc une technique de mesure permettant l’aquisition de données au moins jusqu’au sommet des rugosités.

Comme on le voit sur la figure 1.23(a), les tensions dispersives s’ajoutent de façon non négligeable dans la sous couche rugueuse. Or le maximum de la contrainte totale de cisaillement se situe dans cette zone. Ainsi, en négligeant les tensions dispersives, la valeur obtenue par cette méthode sera inférieure à celle obtenue en ajoutant celles-ci.

Méthode de la moyenne

Proposée par Cheng & Castro (2002b), cette méthode consiste à moyenner les tensions de Reynolds doublement moyennées, dans la zone logarithmique afin d’estimer la valeur de u∗. Cette méthode est également utilisée par Moulin et al. (2008) dans le cadre d’une

étude sur le développement d’un biofilm et son interaction avec l’écoulement sur un fond composé de macro-rugosités.

Afin d’estimer u∗ par cette méthode, il faut avoir une bonne estimation de l’étendue

et de la position de la zone logarithmique. Concernant les valeurs estimées par ce biais, elles vont sous-estimer la vitesse de frottement u∗ comparativement à celle obtenue par

la méthode du maximum. D’après Rotach (2001), la valeur maximale des tensions de Reynolds, située au sommet des rugosités, sous-estime déjà la valeur réelle de u∗. D’après

une première estimation de la position de la sous couche inertielle (au moins à 2h), située bien au dessus de la canopée, la moyenne des tensions de Reynolds sera donc inférieure à l’estimation faite par la méthode du maximum.

Pour le cas des couches limites atmosphériques, les tensions de Reynolds sont constantes sur une large zone de la couche limite, cette méthode diffère donc très peu de la méthode du maximum, puisqu’il est atteint au somment de la canopée. Sur la figure 1.24, est représentée la moyenne spatiale des tensions de Reynolds obtenue au dessus de cubes en décalé (4 points averaged), ainsi que l’étendue des différentes sous-couches, inertielle et rugueuse mesurées par Cheng & Castro (2002b). On remarque que le profil est fortement bruité, et ce à cause du faible nombre de profils utilisés pour la moyenne spatiale (4 uniquement). On observe que dans la zone où ils appliquent leur méthode, les tensions sont quasi-constantes et maximales, ce qui explique dans leur cas un bon accord entre

la méthode de la moyenne et celle du maximum. On se demande si le faible nombre d’échantillons pris pour la moyenne spatiale ne serait pas à l’origine de la forme du profil. Dans le cas de cette méthode, l’ajout des tensions dispersives aux tensions de Reynolds pour l’estimation de la vitesse de frottement peut ne changer que très peu sa valeur. En effet, dans le cas de Cheng & Castro (2002b), dans la zone logarithmique, les tensions dispersives deviennent négligeables (voir Fig. 1.23(a)). Si la loi logarithmique est située dans une zone où les tensions dispersives sont non négligeables, alors la méthode de la moyenne appliquée à l’expression complète de la contrainte totale < τ > peut entraîner des écarts importants entre les valeurs de u∗, estimées avec et sans la prise en compte des

tensions dispersives.

Fig. 1.24 – Profils verticaux de tensions de Reynolds au dessus de cubes en décalé, en trait plein :

borne supérieure de la sous couche rugueuse, en trait pointillés : borne supérieure de la sous couche inertielle, (d’après Cheng & Castro (2002b))

Méthode de l’extrapolation

Cette méthode consiste à extrapoler l’expression linéaire des tensions de Reynolds jusqu’à z =d. Elle est basée sur une analogie avec le cas lisse. En effet, dans le cas lisse,

le cisaillement au fond correspond à la valeur en z =0 de la loi linéaire que l’on observe dans la couche externe. Ayant effectué un changement de variable dans le cas rugueux, le cisaillement au fond est, par analogie, atteint lorsque z = d. On peut, entre autres, citer

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Cette méthode est le plus souvent utilisée par des atmosphériciens qui considèrent que le cisaillement est constant dans la canopée par extrapolation de sa constance dans la sous couche inertielle.

Sur la figure 1.23(a), on peut voir que les tensions dispersives ajoutées aux tensions de Reynolds renforcent le comportement linéaire de la contrainte totale jusqu’en haut des rugosités. Dans le cas de cette méthode, l’emploi de la contrainte totale renforcera la régression linéaire du profil nécessaire à l’extrapolation. Pour ce qui est de la valeur de

u∗ estimée par cette méthode, elle dépendra fortement de la qualité de l’estimation de la

hauteur de déplacement d.

Manes et al. (2007) emploient cette méthode mais en z = h et comparent la valeur

obtenue à celle estimée via l’expression présentée ci aprés. Ils montrent que les deux valeurs sont en bon accord. Dans son cas, le choix entre z = d ou z = h n’a pas vraiment de

conséquences, de leur point de vue, étant donné que d ≈ h. Autres méthodes

L’expression définie ci dessous est très utilisée par les hydrauliciens lorsque l’on s’in- téresse à l’écoulement turbulent uniforme d’une rivière. Elle fait intervenir la pente de la surface libre dans le calcul de u∗. En se basant sur l’équilibre de la surface libre par rapport

au fond, pour un écoulement uniforme, on peut écrire que :

u∗ =

p

gRI (1.51)

où g est l’accélération gravitationnelle, R le rayon hydraulique du canal et I la pente de la surface libre. Cette expression correspond également à une paramétrisation de perte de charge très communément utilisé en ingénierie ainsi qu’à une paramétrisation du frot- tement utilisée pour fermer certains systèmes équations, comme celui de St Venant. Elle donne accès à une estimation globale de la vitesse de frottement, i.e. pour l’ensemble de l’écoulement, alors que les autres méthodes estiment une valeur de vitesse de frottement locale.

Estimation de u∗ par la mesure

Cheng & Castro (2002b) ont tenté de mesurer le frottement à la paroi et ce afin de comparer une valeur de u∗expérimentale aux valeurs trouvées via les tensions de Reynolds.

Ils effectuent cette mesure dans le cadre d’une étude en soufflerie sur les couches limites de type atmosphérique au dessus d’une canopée urbaine. Ils ont mesuré la traînée de forme par mesure de pression sur les parois des obstacles. Pour justifier leur protocole, ils se basent sur les expressions suivantes :

Ff = Z Af (pf− pb)dA (1.52) τp = Ff At (1.53) u∗(p) = rτ b ρ (1.54)

où Ff est la traînée exercée sur l’obstacle, pf la pression à l’avant, pb la pression à

l’arrière de l’obstacle, Af l’aire frontale de l’obstacle, At l’aire caractéristique d’un motif

de rugosité et τp le cisaillement au fond. Ils ont pu comparer les valeurs de u∗(p)issues de

la mesure de pression aux valeurs trouvées via la méthode de moyenne. Ils montrent que les valeurs de u∗/u∗(p) sont comprises entre 0.87 et 0.91, ce qui prouve selon eux que la

méthode de la moyenne donne une bonne approximation de u∗, en particulier lorsque l’on

moyenne dans la partie supérieure de la sous couche rugueuse. Sur la figure 1.24, on peut voir où se situe la valeur mesurée de u∗ (u∗(p) sur la figure) comparativement au profil

des tensions de Reynolds. La différence entre la valeur mesurée et la valeur estimée est peut être liée au fait que les tensions dispersives sont négligées dans ce cas. Cela ajoute un argument supplémentaire à l’estimation de la vitesse de frottement u∗ via l’expression

complète de la contrainte totale de cisaillement < τ >. On peut également noter que seule la traînée de forme est utilisée, pourtant la traînée visqueuse peut être localement très importante, en particulier au sommet des rugosités.