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Chapitre 2 : Matériaux étudiés et techniques expérimentales

3. Essais de fluage

L’ensemble des essais de fluage s’étalant sur un large intervalle de température (760 à 1150 °C), plusieurs machines d’essais ont été nécessaires. Chaque machine a été dédiée à une température de fluage particulière. Les essais aux températures inférieures à 1000 °C ont été réalisés sur des machines adaptées aux températures basses et intermédiaires tandis que les essais aux températures supérieures à 1000 °C, ont été réalisés sur d’autres machines adaptées aux hautes et très hautes températures. Pour la réalisation de cette étude, quatre machines ont été remises en état de fonctionnement, grâce à l’usinage de nouveaux mors, l’ajustement des lignes d’amarrage, l’étalonnage des bras de levier, l’étalonnage des moyens de mesure de la déformation, le remplacement de tous les thermocouples, l’étalonnage de la température, l’ajustement des PID voire même éventuellement la reconstruction intégrale de fours (isolant, éléments chauffants, fixation sur le bâti de la machine de déformation…).

3.1. Paramètres des essais de fluage

Les températures des essais ont été définies pour couvrir toute la gamme de températures de service des alliages étudiés. Les contraintes ont été définies de telle sorte que les durées de vie soient, à la fois, suffisamment longues pour que le stade de fluage secondaire soit assez développé pour être analysable et suffisamment courtes pour avoir le temps de réaliser un nombre d’essais important. De plus, les températures et contraintes des essais ont été établies en concordance avec des essais internes de Safran pour comparaison et validation.

On peut raisonnablement considérer que trois essais de fluage sont nécessaires et suffisants pour s’assurer de la reproductibilité d’un essai à une température et une contrainte données. Cependant, au vu du nombre d’essais planifiés, de la disponibilité machine et de l’approvisionnement matière, un seul essai de fluage par alliage, température et contrainte a pu être réalisé. Pour assurer un maximum de reproductibilité en termes de réalisation expérimentale, entre les différents essais : les barreaux d’un même alliage sont issus de la même grappe ; ils sont traités dans les mêmes fours ; les éprouvettes sont usinées puis rectifiées dans les mêmes ateliers ; elles sont polies de manière identique et chaque machine de fluage - correspondant chacune à l’une des températures d’essai retenues - dispose de lignes d’amarrage et de mors dédiées afin de garantir la même position de chacune des éprouvettes dans le four. En revanche, certains essais ont été doublés voire triplés lorsqu’apparaît un doute sur la validité de l’essai suite à l’observation d’un décrochage dans la courbe de fluage, d’un faciès de rupture anormal ou à la mesure d’une durée de vie anormale par rapport à celles constatées au cours des essais internes de Safran.

3.1.1. Températures et contraintes

Les paramètres (températures et contraintes) des essais de fluage sont présentés dans le Tableau 2.2. Les niveaux de contraintes intermédiaires (en gras dans le tableau) correspondent aux premiers essais réalisés et seront appelées « contrainte de référence » par la suite. Le deuxième niveau de contrainte a été défini en fonction de la durée des essais associés à ces premiers essais : si la durée de vie correspondant à la première contrainte testée était suffisamment longue (300 - 400 heures), la contrainte pour le deuxième essai a été augmentée

73 et inversement. Le manque de temps résultant de la durée des essais de fluage ou, pour certains alliages, le nombre insuffisant d’éprouvettes disponibles ont empêché de réaliser pour tous les alliages l’intégralité de la matrice d’essai.

Tableau 2.2 – Paramètres des essais de fluage (les contraintes en gras sont celles testées en premier lors de cette étude et servent de référence)

Température (°C) Contrainte (MPa)

760 800

950 350 390 430

1050 140 160 210

1150 70 90 110

3.1.2. Essais de fluage interrompus

Des essais de fluage interrompus ont été réalisés aux contraintes intermédiaires de la matrice des essais à rupture (contraintes de référence en gras dans le Tableau 2.2) afin d’analyser les différentes évolutions microstructurales (microstructures γ/γ’ et microstructures de dislocations) se produisant au cours du fluage. Ces interruptions ont été définies par rapport aux essais à rupture menés auparavant. De manière générale, des essais ont été interrompus, soit au passage du stade primaire au stade secondaire, soit à une déformation correspondant aux trois quarts de la déformation cumulée, en termes de temps, pendant le stade secondaire dans les essais à rupture (afin d’éviter le risque d’un passage prématuré en stade tertiaire). Chaque interruption a été définie à une même valeur de déformation (lorsque cela était possible en fonction de l’amplitude des différents stades pour chaque alliage à chaque température). Le but est ici de pouvoir comparer les microstructures de dislocation (densité et agencement) pour une même déformation et un même stade de fluage.

Les courbes des essais de fluage à rupture et interrompus de chaque alliage à une même température et une même contrainte ont systématiquement été comparées pour s’assurer de la reproductibilité de l’essai et de la similarité du comportement (même mécanisme de déformation associé). Un exemple est donné sur la Figure 2.1, où les deux essais présentent des courbes de déformation (et de vitesse de déformation) en fonction du temps similaires. Les courbes issues des essais à hautes températures (système de mesure de déformation laser) présentent beaucoup de bruit qu’il est parfois difficile de traiter. Pour cela, un lissage de ces courbes est opéré avec le logiciel Origin®. Ce lissage n’étant parfois pas suffisant, en particulier pour les courbes dérivées (donnant la vitesse de déformation), un « fit » polynomial est utilisé pour se rendre compte plus aisément de la vitesse de déformation pendant le fluage secondaire. Les courbes restent irrégulières (non monotone) et bruitées mais c’est le meilleur compromis trouvé entre la perte d’information, les imprécisions et le bruit dans le signal mesuré.

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Figure 2.1 – Comparaison d’un essai de fluage (CMSX-4 à 1150 °C et 90 MPa) à rupture (courbe rouge) et interrompu (courbe bleu) : (a) Courbes déformation en fonction du temps ;

(b) vitesse de déformation en fonction du temps avec un fit polynomial en gras (les données brutes sont en trait fin)

3.2. Caractéristiques générales des machines

3.2.1. Essais aux températures inférieures à 1000 °C

Machine d’essai mécanique :

La Figure 2.2 présente une photo du type de machine d’essai utilisé. Cette machine d’essai Adamel® comporte un bras de levier de rapport environ égal à 15 avec une mise en charge

progressive à l’aide d’un vérin hydraulique. La charge est assurée par des « poids morts » suspendus au bras de levier. Un étalonnage des bras de levier, avant la campagne d’essais, a été effectué à l’aide d’une cellule de force sur les différentes machines (le détail de chacune des machines d’essais et leurs différentes caractéristiques sont précisés en annexe).

Le banc d’essai est équipé d’un four à trois zones indépendantes. Les températures ont été calibrées avant la campagne d’essais et ont été vérifiées à intervalle de temps régulier (environ 1 fois par mois) sans observation de dérive. Cette calibration est effectuée à l’aide de trois thermocouples de type S, insérés dans une éprouvette de fluage cylindrique percée en haut, milieu et bas de la zone utile jusqu’en cœur d’éprouvette. La géométrie de l’éprouvette utilisée pour la calibration en température est identique à la géométrie des éprouvettes de fluage testées dans cette étude. La température de consigne, les paramètres PID du régulateur de température et la puissance injectée dans chacune des zones du four sont ajustés afin d’obtenir la température de consigne au centre de la zone utile avec un gradient entre le haut et le bas inférieur à 1 °C.

La mesure de déformation s’effectue grâce à un capteur de déplacement de type LVDT (Linear Variable Differential Transformer) relié par des cannes insérées dans les têtes des éprouvettes de fluage. Les données du capteur de déplacement ainsi que la température du four sont envoyées sur une carte d’acquisition National Instrument®. Les données sont alors

collectées et un programme LabVIEW qui permet un tracé en temps réel de l’allongement de l’éprouvette en fonction du temps.

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Figure 2.2 – Photographie d’une des machines de fluage utilisées pour les essais aux températures inférieures à 1000 °C

Mise en place de l’essai :

Avant de visser les éprouvettes, les filets des mors et de l’éprouvette sont enduits d’oxyde de chrome (III), Cr2O3, dispersé dans de l’eau distillée (afin d’obtenir un fluide visqueux sans

agglomérats) pour faciliter le démontage des éprouvettes après essai. Cette solution anti- grippage reste la plus efficace parmi toutes celles testées (spray à base de particules de céramiques ou de carbone, graisse à base de molybdène…).

Les éprouvettes sont vissées dans les mors en ne laissant de sorti de chaque mors que le dernier filet des têtes d’éprouvettes afin de laisser une prise pour le démontage de celle-ci. L’éprouvette est ensuite amenée à la température d’essai, ce qui prend entre 30 minutes et 1 heure en fonction du four de la machine d’essai. On s’assure ensuite de l’homogénéité et de la stabilité de la température pendant 30 minutes lorsque la température de consigne est atteinte. La charge est établie en fonction du bras de levier, du diamètre de l’éprouvette et de la contrainte à appliquer. Les poids de chargement sont pesés à la balance de précision. La ligne est alors tendue et les poids de chargement installés. Le vérin hydraulique est alors relâché afin de transmettre de manière progressive la charge sur l’éprouvette.

La mesure de la valeur initiale du LVDT s’effectue avant la mise en charge, les courbes brutes obtenues comprennent l’élasticité du système, la mise en charge et la déformation plastique de l’éprouvette. Cependant lorsque le vérin a intégralement transmis la charge, la valeur de déplacement donnée par le LVDT est relevée afin de ne tracer que la partie correspondant à la déformation plastique sur les courbes de fluage.

Arrêt de l’essai :

Lorsque la rupture survient, le bras de levier déclenche l’arrêt automatique du four. Le refroidissement de l’éprouvette est contrôlé par l’inertie du four. Cependant, lors des essais interrompus, nous devons procéder à un refroidissement rapide de l’éprouvette pour éviter toute évolution de la microstructure (phases et dislocations). Pour cela, la puissance du four est coupée et le four est rapidement soulevé pour dégager l’éprouvette. La charge est enlevée tout en projetant de l’air comprimé sur l’éprouvette pour la refroidir le plus rapidement possible (> 500 °C/min).

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3.2.2. Essais aux températures supérieures à 1000 °C

Machine d’essai :

La Figure 2.3 présente une photo du type de machine d’essai utilisé. Ce banc d’essai Adamel® est relativement similaire à ceux présentés précédemment avec un système à force constante à l’aide de « poids morts », d’un bras de levier environ égal à 20 et d’un vérin assurant une mise en charge progressive. La particularité de ces bancs est les fours qui possèdent des résistances en aiguilles (8 éléments chauffants par four) pouvant atteindre 1300 °C très rapidement. L’étalonnage du bras de levier et de la température est similaire aux bancs précédents. Cependant trois thermocouples de type S ont été ajoutés afin de contrôler la température en trois points de l’éprouvette en cours d’essai (le thermocouple situé au milieu sert aussi à la régulation). Les éléments chauffants des fours montés sur ces machines étant plus sensibles (variation de courant, oxydation…) et fragiles, il était nécessaire de s’assurer de l’homogénéité de la température tout au long de l’essai. Ces trois thermocouples sont placés au plus près de l’éprouvette, sans la toucher ni gêner la mesure de la déformation. Le gradient thermique entre le haut et le bas de l’éprouvette est de l’ordre de 2 °C. Les éléments chauffants sont régulièrement remplacés lorsque les connexions électriques commencent à s’oxyder pour éviter toute défaillance pendant un essai. Les anciens éléments chauffants peuvent alors être régénérés par un dépôt de laque d’argent sur les contacts électriques endommagés.

Etant donné l’encombrement de ces fours (éléments chauffants et multicouches isolantes), l’utilisation du précédent système de mesure de déformation par LVDT n’était pas envisageable. Un système de mesure par extensomètre laser a été utilisé (Figure 2.4). Des fenêtres ont été percées de part et autre du four afin de laisser passer le faisceau laser (émetteur et récepteur de chaque côté du four). Un bâti a été construit afin de régler précisément la position du laser et du récepteur, le tout solidaire au four. Là encore, le signal du laser récupéré par le récepteur est transmis à une carte d’acquisition et l’allongement est alors tracé en fonction du temps grâce au programme LabVIEW.

Des mors en CMSX-4 ont été réalisés pour les essais à 1050 °C, tandis que des mors fendus, en AM1, ont été utilisés pour les essais à 1150 °C. Les mors fendus permettent de facilement récupérer l’éprouvette après l’essai en écartant les deux parties du mors. Si la charge appliquée est relativement faible (comme c’est le cas pour les essais à 1150 °C, pour lesquels la contrainte appliquée est de l’ordre de 100 MPa), le mors fendu ne s’ouvre pas sous la contrainte et les têtes de l’éprouvettes restent vissées dans les mors. L’avantage des mors en CMSX-4 et en AM1 réside dans un coefficient de dilatation similaire à celui des éprouvettes testées. Le soudage et le grippage des pas de vis entre le mors et l’éprouvette sont alors limités.

La mise en place de l’essai est identique à celle décrite précédemment à l’exception du temps de montée en température, plus court pour ces essais à hautes températures et avec une stabilisation de la température plus rapide, pour un temps total de l’ordre de 30 minutes. Cela permet aussi de limiter l’évolution de la microstructure γ/γ’ avant la mise en charge.

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Figure 2.3 – Photographie d’une des machines de fluage utilisées pour les essais aux températures supérieures à 1000 °C

Figure 2.4 – Schéma du montage de l’éprouvette dans les fours hautes températures avec les thermocouples et le système laser de mesure de la déformation

3.3. Eprouvettes utilisées

Les éprouvettes utilisées pour tous les essais de fluage sont des éprouvettes cylindriques de diamètre utile 3 mm, de longueur totale 48 mm et de longueur utile 22,5 mm (Figure 2.5). Un fraisage est prévu dans chaque tête d’éprouvette pour permettre le logement des butées des cannes de rappel entre lesquelles est placé le LVDT pour la mesure de l’allongement pour les essais aux températures inférieures à 1000 °C. Cette géométrie d’éprouvette est adaptée aux machines d’essais du laboratoire et présente la particularité d’avoir une zone utile cylindrique de 3 mm de diamètre, ce qui correspond au diamètre des lames minces à réaliser pour l’étude en microscopie électronique en transmission.

Les éprouvettes proviennent de différents barreaux (2 à 3 éprouvettes sont tirées par barreau en fonction de sa longueur initiale) et tous les barreaux d’un même alliage proviennent d’une même grappe de fonderie (issue du procédé de fonderie à cire perdue). Ceci explique les

78 variations de désorientation par rapport à la direction de croissance [001] et donc la nécessité de déterminer précisément l’orientation de chaque barreau/éprouvette par la méthode de Laue. Le détail de la mesure est présenté ci-dessous.

Figure 2.5 – Plan des éprouvettes de fluage cylindriques utilisées (unités en mm)

3.3.1. Désorientation des barreaux et éprouvettes de fluage

La désorientation par rapport à l’axe [001] des barreaux de superalliages reçus a été déterminée par la méthode de Laue. Un cliché de diffraction est produit sur un capteur sensible aux RX (film sensible ou capteur CCD plan) par diffraction d’un rayonnement X polychromatique incident par le monocristal. L’indexation de ce cliché de diffraction et la corrélation entre les positions relatives du plan du cliché et du barreau monocristallin permet de déterminer précisément l’orientation cristallographique de celui-ci en fonction de ses caractéristiques géométriques, de son axe de symétrie cylindrique [11]. Dans le cas de cette étude, c’est une méthode de Laue « en réflexion » qui est utilisée (méthode plus proche de la méthode de Laue en « retour » que de la méthode de Laue « en transmission »), particulièrement bien adaptée pour les pièces massives type aubes de turbine [12]. L’appareillage utilisé permet une indexation automatique du cliché ainsi que la conversion directe de cette indexation en données précisant l’orientation cristallographique du barreau monocristallin.

Figure 2.6 - Schéma simplifié de la géométrie de tir pour la mesure de la désorientation par rapport à l’axe primaire d’une pièce monocristalline par la méthode de Laue en

réflexion [12]

La désorientation de l’axe des barreaux par rapport à l’axe [001]est primordiale notamment pour le fluage à basse température. Les mesures ont été effectuées à Safran Gennevilliers

79 directement sur les barreaux et/ou sur la tête des éprouvettes de fluage après essai. Les barreaux et éprouvettes réceptionnés ont tous une désorientation de leur axe par rapport à une direction cristallographique <001> inférieure à 10°. Cette désorientation est indiquée pour les essais à basse température dans les chapitres suivants.

3.3.2. Préparation des éprouvettes

Par soucis de logistique, l’usinage des éprouvettes de fluage est réalisé après la séquence complète de traitements thermiques. Cet ordre permet aussi d’obtenir la microstructure voulue car un traitement thermique après usinage pourrait provoquer une modification de la microstructure en surface par les contraintes internes générées au cours de l’usinage. Cela engendrerait des modifications de dimensions (polissage « important » nécessaire) et des modifications de l’état de surface de l’éprouvette. Elles sont usinées dans l’atelier du Centre des Matériaux – MINES ParisTech par tournage à partir des barreaux fournis par PFX - Safran Tech. La rectification de surface a été sous-traitée à une entreprise extérieure.

Les éprouvettes, une fois usinées et rectifiées, sont polies « miroir » pour éviter tous défauts de surface pouvant provoquer un amorçage de fissure et une rupture prématurée et ce qui engendrerait une diminution du temps à rupture. Le polissage est réalisé de manière automatique par des meules cylindriques sur tout le fût de l’éprouvette. Chaque passe dure 20 minutes depuis une granulométrie de meule d’une centaine de microns jusqu’à une granulométrie de 1 µm (6 meules successives). L’éprouvette est ensuite rincée dans un bain d’éthanol aux ultrasons pour supprimer toute pollution résiduelle du polissage.

L’éprouvette une fois polie et nettoyée est observée au microscope optique pour s’assurer de la conformité du polissage : aucun défaut de surface ni rayure. Le diamètre est ensuite mesuré précisément à l’aide d’un extensomètre laser afin de définir la bonne masse à appliquer au bras de levier pour obtenir la contrainte nominale de l’essai de fluage à réaliser.

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