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Essais aéroportés du télémètre laser aéroporté

Dans le document La recherche à l'IGN : activité 1999 (Page 80-83)

Analyse des classifications

C. Bilan des actions de recherche

C.2.2 Essais aéroportés du télémètre laser aéroporté

Olivier Bock

Principe et objectifs du TAMS

Le télémètre laser aéroporté, à champ large, pour la surveillance des mouvements verticaux du sol (TAMS), est un instrument en développement à l’IGN, en collaboration avec l’ESGT et Elf Aquitaine. Il s’intègre dans une nouvelle

méthode de géodésie destinée à la mesure des déformations verticales du sol apparaissant dans des zones d'extraction de fluides (pétrole, gaz) ou de solides (minerais), où les phénomènes de subsidence sont symptomatiques de variations de contraintes dans le sous-sol.

L’objectif est la mesure d’altitudes relatives d'une centaine de repères répartis sur une surface d’environ 10 x 10 km2, avec une précision de un millimètre, au bout d'une heure d'observation. Notons qu’à l’heure actuelle,

aucune méthode de géodésie, tant classique (nivellement, triangulation, etc.) que moderne (GPS, DORIS, SAR, etc.), ne permet de combiner le niveau de précision recherché avec les contraintes temporelles et spatiales indiquées.

Le principe du TAMS consiste à utiliser un faisceau laser fortement divergent (d’où l’appellation “ champ large ”) qui produit au sol une empreinte de grand diamètre. Ceci permet d’effectuer une mesure de distances simultanées sur cinq à dix cibles placées au sol (rétro-réflecteurs optiques de type “ coins de cube ”). L'instrumentation est constituée d'un laser impulsionnel dont les échos des réflecteurs sont détectés, numérisés et enregistrés en vol.

Un traitement numérique (déconvolution) de ce signal permet d’estimer précisément l'instant d'arrivée des impulsions. Connaissant l’instant d’émission des impulsions laser, les positions approchées de l’avion (mesurées par GPS en mode trajectographique) et des réflecteurs au sol (mesurées par GPS en mode cinématique, une fois pour toutes), on en déduit la distance géométrique (corrigée de l’effet de l’atmosphère). L’ensemble de ces distances est ensuite utilisé pour résoudre le problème inverse (multilatération), c’est-à-dire l’estimation précise des positions relatives des cibles entre elles. L’avantage de cette technique à champ large est qu’elle permet également d’ajuster la position de l’avion à partir des mesures et ne nécessite donc pas de système de navigation précis.

Travaux méthodologiques effectués

L’objectif initial et le cahier des charges ont été définis en collaboration avec Elf Aquitaine, en 1990. Le principe de l’instrument (laser à champ large) a été imaginé au laboratoire OEMI de l’IGN et un brevet a été déposé en 1990 [IGN 90]. Une première étude par simulations numériques a ensuite permis d’évaluer les contraintes de mise en œuvre et les performances attendues sur la détermination des altitudes relatives [BELLIER 92].

Une étude plus détaillée des sources d’erreurs (instrument, météo, méthodes numériques) a ensuite été réalisée [BOCK 96]. Un prototype d’instrument a été développé, testé en laboratoire, et déployé à bord d’une camionnette pour deux campagnes de mesures (Saint-Étienne de Tinée, août 1995), (Combs-la-Ville, décembre 1995) [BOCK 95]. Dans cette dernière, une précision radiale de 1-2 mm a été obtenue, ce qui a permis de valider la modélisation du système et les méthodes numériques [BOCK 96] [BOCK 98a] [BOCK 99a].

À partir des modèles validés par ces expérimentations terrestres, des simulations numériques ont été menées pour extrapoler ces résultats à une configuration aérienne [BOCK 99b]. Il a été montré que les performances ultimes de la technique dépendaient essentiellement du bilan de liaison de l’instrument, du nombre de mesures et de la taille du réseau ; des paramètres tels que l’altitude de l’avion, la divergence du faisceau et la densité de cibles au sol n’agissant qu’au second ordre. L'étude des effets atmosphériques a montré que les inhomogénéités de température à méso-échelle (gradients horizontaux non uniformes) pouvaient induire des erreurs systématiques de l'ordre de 0,5 mm. Par ailleurs, la scintillation due à la turbulence atmosphérique et un couvert nuageux partiel n'avaient qu’un effet marginal sur la précision finale [BOCK 99b]. Cette méthodologie de simulation numérique a été utilisée pour la préparation de la campagne aérienne ARAT 1998.

Préparation et réalisation de la campagne ARAT 1998

L'objectif de cette expérience était de tester une instrumentation modifiée pour des conditions aéroportées (en particulier, le laser et l'étage de détection du signal), d'évaluer les effets atmosphériques et les modèles d'erreurs sur la performance finale de la méthode. L'ambition en terme de précision de positionnement était relativement modeste pour cette expérience, sachant que l'instrumentation n'était pas encore aussi performante que souhaitée par les simulations de principe évoquées plus haut [BOCK 99b].

Le laser employé pour cette campagne (financé par l'ESGT) a été développé par BMI (France) pour fonctionner dans des conditions aéroportées. Ce laser est plus puissant que le modèle employé pour les expériences terrestres précédentes (laser de la station laser ultra-mobile de l'Observatoire de la Côte d'Azur). L'étage de détection a été développé au laboratoire OEMI de l'IGN. La solution retenue devait être adaptée aux conditions d'expérimentations sur le terrain. En particulier, nous avons minimisé le temps de réponse du système afin de pouvoir mieux détecter des échos proches. Ceci était au détriment de la précision finale (le gain diminuant avec le temps de réponse), mais devait permettre de tester le principe des mesures simultanées de distances et d'ajustement de positions de l'avion et des cibles [BOCK 98b].

Initialement, l'expérimentation devait se faire en mars 1998, au-dessus de la base aérienne de Creil (Oise), avec un réseau de 6 x 12 réflecteurs. Malheureusement, le créneau de quinze jours n’a pas suffit pour l'installation, la mise au point du matériel dans l'avion et la réalisation de vols concluants (pannes, grèves du contrôle aérien de Roissy, météo défaillante, etc.).

Nous avons alors pu bénéficier d’un autre créneau, en mai, et en avons profité pour également changer de site et choisir l'ancienne base aérienne de Crucey (Eure), plus commode d’accès au sol et de survol. Une zone d'environ 1 km2

a été équipée avec un réseau de 8 x 8 réflecteurs. Deux missions, d'environ quatre heures chacune, ont finalement été réalisées les 13 et 14 mai 1998, produisant environ 6 000 tirs laser utiles. Les mesures ont été réalisées depuis deux altitudes différentes (900 et 1 200 m) et avec plusieurs angles de divergence (15-20°).

Résultats de la campagne ARAT 1998

Le traitement des données de cette campagne a nécessité d’importantes modifications des algorithmes existants pour estimer les instants d'arrivée des échos (déconvolution), détecter les erreurs aberrantes liées à la superposition des échos et prendre en compte de nouveaux modèles d'erreurs. Après de nombreuses évaluations, par simulations numériques, nous avons trouvé une paramétrisation optimale des algorithmes. Nous sommes ainsi arrivés à une précision de positionnement de 2 cm sur la différence des altitudes calculées pour les deux jours de mesures [BOCK 99c] [BOCK 99d]. Cette précision est compatible avec une analyse de covariance a posteriori (distribution gaussienne, centrée, de 2 cm d'écart-type).

Toutefois, la précision du TAMS est actuellement encore limitée par plusieurs facteurs. Le plus important est la précision en monocoup sur la mesure de distance. Celle-ci était d'environ cinq à six centimètres, en moyenne, dans cette expérience. Afin de l'améliorer, nous prévoyons de poursuivre les travaux au laboratoire OEMI sur l'emploi de photodétecteurs avec gain interne (photodiode à avalanche ou photomultiplicateur multicanaux). Ainsi, un facteur 10 pourrait être gagné au niveau du gain, mais avec probablement une réduction du temps de réponse. L'utilisation d'une optique collectrice à grand champ devrait également permettre de gagner un facteur 3 à 4.

Dans la campagne ARAT-1998, deux autres facteurs limitant sont apparus : d'une part, le resserrement des cibles au sol (environ 150 m), lié à la petite taille du réseau et au choix de l'implantation d'un réseau avec une densité de cibles représentative des conditions réelles. D'autre part, le décalage d'environ dix mètres entre l'antenne GPS (au niveau du cockpit) et le point d'émission du laser (trappe arrière). Des simulations ont montré que lors des phases d'accélération/décélération de l'avion, la trajectoire du point d'émission pouvait s'écarter de sa position supposée d'environ un mètre (en X, Y et Z). Cet effet a été compensé par une incertitude a priori plus élevée, qui a réduit la précision théorique d'environ 20 %.

L'effet de ces deux facteurs limitants a eu une influence plus importante sur la méthode de déconvolution que sur la méthode de multilatération. En effet, la première ne s'est avérée robuste qu'au moyen d'une détection sévère des erreurs aberrantes. Du coup, le bénéfice attendu de réduction du temps de réponse du système n'a pas été sensible. Ceci nous encourage donc plutôt à favoriser un gain important à un temps de réponse faible pour les expériences futures. Il est préférable également de rapprocher au maximum le point d'émission laser de l'antenne GPS, ceci pour éviter le recours à une mesure d'attitude de l'avion par gyroscopes.

En conclusion, des résultats encourageants ont été obtenus avec la campagne ARAT 1998. D'un point de vue instrumental, nous avons démontré la possibilité de faire fonctionner un laser à modes bloqués en avion. D'un point de vue de la méthode, nous avons obtenu une précision altimétrique comparable aux techniques de géodésie modernes (par exemple, GPS).

Ceci démontre donc :

• que nous disposons d'une instrumentation fidèle au modèle d'erreur,

• que les méthodes de déconvolution du signal et de détection des erreurs aberrantes sont robustes, • que les modèles d'erreurs sur les paramètres a priori sont corrects.

Toutefois, des développements instrumentaux doivent être poursuivis, pour pouvoir atteindre la performance ultime de cette technique (précision altimétrique d'environ un millimètre). Une seconde campagne aérienne sera alors nécessaire pour l'évaluation des effets atmosphériques et la validation finale.

Publications

[BELLIER, KASSER 92] O. Bellier & M. Kasser : Expérimentation de deux instrumentations de télémétrie laser, l'une

aéroportée et l'autre satellisée, pour la mesure rapide de déformations verticales. Résultats préliminaires des simulations, projet de recherche IGN - SNEA(P) n° 7862, rapport final de la phase 1, laboratoire OEMI, IGN-SR

920004/L-COM, septembre 1992.

[BOCK et al 95] O. Bock, Ch. Thom, M. Kasser, and D. Fourmaintraux : Development of a new airborne laser

subsidence measurement system, aiming at mm-accuracy, in Proceedings of the 5th International Symposium on Land

Subsidence, F.B.J. Barends, F.J.J. Brouwer, F.H. Schröder, ed. (Balkema, Rotterdam, 1995), pp. 113–122, laboratoire OEMI, IGN-SR 950001/L-COM, 1995.

[BOCK 96] O. Bock : Étude et réalisation d’un télémètre laser aéroporté en champ large sur cibles réfléchissantes

terrestres pour la mesure rapide de déformations verticales du sol. Étude de l’adaptation du système à un véhicule satellitaire, thèse de Doctorat, Université Paris-7, 1996, laboratoire OEMI, IGN-SR 960004/L-THE, 1996.

[BOCK 97] O. Bock, M. Kasser, and Ch. Thom : A wide-angle airborne laser ranging system for millimeter accuracy

subsidence measurements, in Proceedings of the EOS Topical Meeting on Optoelectronic Distance / Displacement

Measurements and Applications, Nantes (F), 1997), laboratoire OEMI, IGN-SR 970006/L-COM, 1997.

[BOCK 98a] O. Bock, M. Kasser, Ch. Thom, and J. Pelon : Study of a wide angle laser ranging system for relative

positioning of ground-based benchmarks with millimeter accuracy, in Journal of Geodesy, vol. 72, n° 7/8, pp. 442–459,

July/August 1998, laboratoire OEMI, IGN-SR 980003/L-ART, 1998.

[BOCK 98b] O. Bock, M. Kasser, and Ch. Thom : First aircraft experiment with the WA-ALRS, in Proceedings of the 11th International Workshop on Laser Ranging Instrumentation, 21-25 septembre 1998, Deggendorf (D), laboratoire OEMI, IGN-SR 980004/L-COM, 1998.

[BOCK 99a] O. Bock, Ch. Thom, M. Kasser, and J. Pelon : Multilateration with the wide angle laser ranging system:

ranging performance and first ground-based validation experiment, IEEE Transactions on Geoscience and Remote

Sensing, vol. 37, n° 2, pp. 739-747, March 1999, laboratoire OEMI, IGN-SR 990001/L-ART, 1999.

[BOCK 99b] O. Bock : Multilateration with the wide-angle airborne laser ranging system: positioning precision and

atmospheric effects, in Applied Optics, vol. 38, n° 15, 20 May 1999, laboratoire OEMI, IGN-SR 990002/L-ART, 1999.

[BOCK 99c] O. Bock : First aircraft experiment results with the wide-angle airborne laser ranging system, in Laser Radar Ranging and Atmospheric Lidar Techniques, EOS/SPIE symposium on Remote Sensing, Florence (Italie), 20-24 septembre 1999, laboratoire OEMI, IGN-SR 990007/L-COM, 1999.

[BOCK 99d] O. Bock : Results of the first aircraft experiment with the wide-angle airborne laser ranging system, soumis pour publication dans The European Physical Journal, Applied Physics, laboratoire OEMI, IGN-SR 990008/L-COM, 1999. [IGN 90] Procédé pour déterminer les coordonnées spatiales de points, application de ce procédé à la topographie de

haute précision, système et dispositif optique pour la mise en œuvre de ce procédé, brevet pour la France n° 90 12609

du 12 octobre 1990, IGN.

Dans le document La recherche à l'IGN : activité 1999 (Page 80-83)