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POPULATION ET MÉTHODE

3. P ERSPECTIVES D ’ AVENIR ET PROJET D ’ ACTION

Plusieurs hypothèses peuvent être élaborées concernant la volonté des hommes et des femmes à utiliser un nouveau contraceptif masculin, notamment hormonal, si un jour un tel produit devenait accessible. Plusieurs études, même si elles sont rares, ont été menées afin de cerner les attitudes actuelles de la population envers un produit de ce type. Néanmoins, comme le signale B. Spencer, les questions posées restant encore très hypothétiques, les réponses apportées le sont tout autant (58).

Il conviendrait cependant d’identifier réellement les freins à l’essor de la contraception masculine du point de vue des acteurs en position d’influer sur cette offre. Une réflexion s’impose quant à l’engagement réel, à la fois moral et matériel, de la sphère scientifique et politique dans le développement de la contraception masculine. D’autre part, même si quelques études ont permis d’appréhender plus concrètement l’opinion et l’acceptabilité des populations à l’égard de la contraception masculine, elles gagnent en obsolescence, rendant nécessaire une réévaluation à grande échelle de façon à mesurer l’étendue de cette demande telle qu’elle est à l’heure actuelle. Il paraît aussi essentiel d’identifier

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précisément les besoins et attentes réelles des hommes et des femmes envers une contraception masculine ; la question des effets indésirables semble notamment être un modulateur majeur de l’opinion et un frein potentiel à son essor, et mérite ainsi d’être très sérieusement explorée.

Enfin, l’étude a mis en lumière un autre frein potentiel : la communication, d’une part médiatique, et d’autre part du point de vue des professionnels de santé. Des lacunes persistent dans la diffusion des informations autour de la contraception masculine et la majorité des répondant.e.s est en demande de communication accessible et exacte à ce sujet. Une formation des professionnels de santé sur le thème des moyens de contraception masculine pourrait ainsi être la bienvenue et permettre un réel échange avec les individus ou les couples en demande, qui se heurtent souvent à un manque d’information des professionnels de santé. La diffusion d’informations par le biais de flyers, de documents en libre accès dans les maternités ou les cabinets de consultation, suggérée par l’un des répondants, pourrait constituer une clé intéressante. La diffusion de l’information à propos de contraception doit aussi viser l’ensemble de la population, et non se borner à une certaine catégorie de personnes, que ce soit l’âge, la catégorie- socio professionnelle ou le genre de celle-ci. Il paraît également utile de rappeler la nécessité de traiter avec le couple ou la personne de tous les moyens contraceptifs existant afin qu’il ou elle puisse choisir de façon éclairée celui qui lui conviendra le mieux.

Enfin, pour mieux comprendre les enjeux psychologiques et les problématiques de confiance qui se posent autour de la contraception masculine, il pourrait être intéressant de questionner les couples et les partenaires des hommes utilisant les injections ou le slip thermique des Dr Mieusset et Soufir. Le point de vue de ces femmes pourrait ainsi permettre d’évaluer leur satisfaction, comprendre comment cette confiance s’établit et ainsi l’envisager dans le prisme d’autres contraceptions masculines potentielles, notamment la pilule pour hommes.

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La conduite de cette étude a permis de recueillir l’opinion de cinq femmes et cinq hommes à l’égard des contraceptions masculines actuelles et de potentielles nouvelles méthodes en développement.

Les contraceptions masculines actuelles font encore l’objet de méconnaissances. Le préservatif, connu de toutes et tous, fait l’objet d’une communication importante, insufflée par les campagnes de lutte contre le SIDA et renforcée depuis 2001 par les interventions scolaires à visée éducative et préventive. Les autres méthodes masculines, à l’instar de la vasectomie, conservent au contraire une image marginale, expliquée par une diffusion médiatique, médicale et pédagogique moins importante. En outre, les inconvénients des méthodes masculines actuelles semblent être trop importants pour les participant.e.s face aux avantages qu’ils comportent et ne permettent pas, à priori, de les adopter à long terme.

Huit participant.e.s sur les dix interrogé.e.s se sont montrés ouverts et favorables au développement de nouvelles contraceptions masculines, dans l’objectif d’élargir le panel des contraceptifs pour effectuer un choix plus éclairé, ou dans celui d’un partage augmenté des responsabilités contraceptives. Mais malgré ces opinions majoritairement favorables, la peur de l’invasivité de la méthode ou des effets indésirables potentiels liés à l’utilisation d’hormones est très prégnante, dans un contexte de désaffection croissante pour la pilule. L’analogie entre effets de la pilule pour femme et ceux, encore virtuels, des contraceptions masculines, est faite par tous les répondant.e.s. Ces craintes interrogent alors indubitablement sur les facteurs psycho-sociaux gravitant autour de la contraception masculine et sur la place de la femme dans une société semblant encore très frileuse à toucher au masculin.

D’autres freins viennent se surajouter, parmi lesquels trône le manque d’investissement financier, politique, et scientifique qui bloque depuis toujours l’essor de la contraception masculine. Par suite, une communication presque absente au sujet des contraceptifs masculins préexistants et des essais cliniques en cours, ainsi qu’un positionnement parfois ambigü des professionnels de santé, contribuent à la pérennité d’une charge contraceptive essentiellement féminine.

Pourtant, les hommes interrogés font état d’une volonté claire et affirmé de s’impliquer dans la contraception, mais celle-ci se matérialise finalement davantage sous forme d’une participation à la gestion de la contraception de la femme et/ou du couple qu’à la

prise d’une contraception par l’homme. Par ailleurs, cette prise de contraception masculine est sans équivoque conditionnée par la confiance accordée par la femme à son partenaire ; si cette confiance semble acquise lorsqu’il s’agit d’un couple bien établi, elle demeure très difficile à accorder à un partenaire irrégulier et pourrait alors largement freiner l’acceptabilité de nouvelles contraceptions masculines type pilule. Finalement, tous ces freins évoqués font naître une question subsidiaire : la contraception masculine serait-elle un échec avant même sa mise au point ? De nouvelles études d’acceptabilité ainsi que d’exploration profonde des attentes et des craintes sont nécessaires pour trancher et contourner les obstacles qui persistent.