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II. LES CAUSES DE LA DENUTRITION DU SUJET AGE

II.2.5. Erreurs diététiques et iatrogénie

II.2.5.1. Les régimes restrictifs

Les régimes alimentaires, particulièrement respectés par les sujets âgés, sont pourvoyeurs de nombreux cas d’insuffisances d’apports :

- Bien que l’obésité soit un problème de santé publique majeur qui touche particulièrement les sujets de plus de 65 ans (91), l’association la reliant à une augmentation du risque relatif de mortalité faiblit au-delà de 75 ans. Plutôt que de proposer un régime hypocalorique pouvant s’accompagner d’une baisse de la masse maigre sans améliorer l’état de santé, il conviendrait de rechercher la stabilité pondérale et de favoriser l’exercice physique pour le maintien de la masse musculaire (92). Le bénéfice de la perte de poids, en particulier par rapport à l’effet bénéfique de l’obésité sur la densité osseuse, reste controversé et des études ultérieures sur ce plan sont nécessaires (93)(94)(95).

- Les historiques « régimes hypoglucidiques » dans le cadre de la pathologie diabétique (dont nous avons évoqué l’augmentation de l’incidence dans cette population) sont également responsables de nombreuses erreurs diététiques. Ces régimes n’ont pas fait la preuve d’efficacité après 80 ans, et à partir de 70 ans les objectifs glycémiques doivent être individualisés en fonction des comorbidités et de l’espérance de vie.

Il est primordial d’éviter les hypoglycémies, et, contrairement aux préceptes passés, il faut maintenir un apport en glucides complexes (au moins 50% de la ration journalière) au sein d’une alimentation diversifiée. Les produits sucrés sont sources de plaisir alimentaire et on peut tout à fait les admettre en fin de repas, en les prenant en compte dans le calcul de la ration glucidique totale. La consommation de sucres rapides en dehors des repas est la seule pratique à « déconseiller » (96).

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- De même, le régime « sans sel » (<5g/jour), particulièrement anorexigène, n’a de justification que dans les phases de décompensation cardiaque avérées. Sa prescription au long cours, d’observance difficile, est source d’anorexie et de dénutrition, et peut provoquer des hyponatrémies au retentissement neurologique important. La réduction des apports en sel semble bénéfique chez le sujet hypertendu mais la monotonie d’un tel régime rend abusive sa prescription systématique. Réserver la prescription d’un régime appauvri en sel (6 à 8g/jour) aux patients insuffisants cardiaques, à ceux dont l’hypertension artérielle est particulièrement sensible au sel, ou en cas de résistance au traitement, tout en surveillant l’impact de cette mesure sur les apports protéino-énergétiques semble être la meilleure solution (96).

- Le régime hypocholestérolémiant n’a pas de place chez le sujet de plus de 70 ans. Si le traitement hypolipémiant par statines a démontré son efficacité en prévention secondaire dans cette classe d’âge, son utilisation en prévention primaire reste largement débattue. De plus, l’association entre le haut taux de LDL-cholestérol et la mortalité cardiovasculaire diminue avec l’âge et l’hypocholestérolémie est associée à un risque de mortalité augmenté (97)(98).

- Le régime hypo-protidique de l’insuffisant rénal (0,8 à 1 g/kg/jour de protéines chez le sujet de plus de 65 ans non dénutri) est nécessaire pour ralentir la progression de la maladie, mais aucune restriction protidique n’est raisonnablement proposable après 80 ans et au stade de la dialyse, un apport de 1 à 1,2g/kg/jour est même préférable (96).

- Enfin les régimes « sans fibres » ou « sans résidus » des colopathes fonctionnelles sont à bannir en raison du risque de malnutrition.

Le principe à retenir est donc celui d’une alimentation adaptée et diversifiée plutôt que d’un régime restrictif, tenant compte du contexte général (sénior actif, fragile ou dépendant) et prescrite après une évaluation gériatrique intégrant le statut nutritionnel actuel, les pathologies associées et une étude soignée de la balance bénéfice-risque en fonction des objectifs affichés (espérance de vie ou qualité de vie).

Les risques de dénutrition et de carences par restriction alimentaire sont élevés, en particulier chez les plus âgés, et la lutte contre le « terrorisme alimentaire » est donc primordiale dans ce contexte (99).

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II.2.5.2. La iatrogénie médicamenteuse

Le volume important représenté par les cachets, gélules, sachets et l’eau d’accompagnement, souvent ingéré en début de repas, anticipe la sensation de satiété. Nombre de thérapeutiques peuvent être incriminées devant une perte de poids chez le sujet âgé, par effet anorexigène, émétisant, par dysgueusie ou xérostomie (100).

Médicaments anorexigènes - Cardio-vasculaires : digoxine, amiodarone ; procaïnamide quinidine, spironolactone - Gastro-intestinaux : cimétidine, interféron

- Psychiatriques : phénothiazines, butyrophénones, lithium, amitriptyline, imipramine, fluoxétine, IRS - Anti-infectieux : la plupart des antibiotiques,

métronidazole, griséofulvine

- Suppléments nutritionnels : fer, sels de potassium, excès de vitamine D

- Antinéoplasiques : cyclophosphamide et presque tous les autres

- Antirhumatismaux : anti-inflammatoires non stéroïdiens, colchicine, pénicillamine

- Pulmonaire : théophylline Médicaments entrainant une

malabsorption - Laxatifs - Cholestyramine - Méthotrexate - Colchicine - Néomycine - « ganglionic blockers » Médicaments qui augmentent le

métabolisme

- Théophylline

- Excès de L-Thyroxine - Excès de Triiodothyrosine - D-pseudoéphédrine

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II.2.6. Syndrome dépressif

L’anorexie est un symptôme quasi-constant de cette pathologie. Les modifications de mode de vie et les évènements liés au vieillissement font de la dépression une pathologie fréquente chez le sujet âgé (sentiment d’inutilité, « deuil » de l’état antérieur avec difficultés d’acceptation des diminutions des capacités, veuvage, isolement, etc.). Si l’épidémiologie est, comme pour la dénutrition, fortement tributaire des critères diagnostics et d’évaluation, on considère que 5 à 15% des sujets de plus de 65 ans présentent une dépression caractérisée, et en 2007, 13% des plus de 65 ans et 18% des plus de 85 ans ont reçus régulièrement des antidépresseurs(101).

La dépression, la capacité à surmonter le stress et le sentiment de bien-être ont été significativement associés à l’appétit dans une étude récente(102). Comme pour le sujet âgé présentant des troubles cognitifs évolués, des perturbations des systèmes aminergiques pourraient expliquer, sur le plan physiopathologique, cette anorexie. Seul le traitement efficace de la pathologie sous-jacente pourra donc laisser espérer une normalisation de l’alimentation.

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