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1.2 LES TECHNOLOGIES DE L'EXPLORATION 5

1.3.4 Erosion atmosphérique 18

La disparition précoce du champ magnétique global implique que, durant la majeure partie de l'histoire de la planète, aucun bouclier n'a protégé l'atmosphère martienne d'un choc avec le vent solaire. C'est une des possibilités invoquées pour expliquer le déficit constaté dans le bilan de l'eau de la planète (section 1.3.1). Un mécanisme d'érosion de l'atmosphère peut être théoriquement capable de produire un échappement de l'eau atmosphérique dans l'espace. L'existence d'un tel mécanisme a été confirmée par l'instrument ASPERA-3 [Lundin et al., 2004], mais son efficacité globale est difficile a quantifier. L'exercice est rendu particulièrement ardu car plusieurs processus érosifs doivent être considérés [Hunten, 1993]. Fondamentalement l'eau peut fuir sous la forme d'ions H+, H2+, O+, O2+, résultats de la photodissociation de H2O. Elle peut également s'échapper sous sa forme moléculaire neutre, mais ce dernier processus n'a jamais vraiment été observé de façon convaincante. Il semble que la fuite d'ions, continue ou épisodique, soit le processus le plus efficace [e.g. Brain et al., 2010; Lundin et al., 2009]. Celui-ci fut capable de générer un taux d'érosion significatif durant le début du Noachien jusqu'à -3.5 Ga, en raison d'une activité du jeune Soleil particulièrement forte [Ribas et al., 2005]. Cependant, la présence massive d'eau liquide à la surface est attestée bien plus tard par la présence des vallées de débâcles datées de l'Héspèrien tardif. Considérant cet enchaînement d'événements, on estime à ~ 10 m le GEL effectif perdu par érosion atmosphérique durant l'histoire martienne [Valeille et al., 2010]. C'est un résultat ne satisfaisant pas les plusieurs centaines de mètres nécessaires pour combler le déficit observé du bilan hydrique. En conséquence, on s'attend à ce qu'une grande quantité d'eau soit encore présente sur la planète, mais toujours dissimulée à nos investigations.

1.3.5 Glaciers sub-polaires

A l'heure actuelle, en surface, le réservoir d'eau le plus évident est logiquement situé aux pôles sous forme de glace constituant les calottes polaires. Leur volume totale d'eau, estimé par radar, est de ~2.7106 km3 [Grima et al., 2009; Plaut et al., 2007], ce qui représente un GEL d'un peu moins 20 m. Etant donné que l'inclinaison de la planète a pu atteindre plus de 45° sur les dix derniers millions d'années (Fig. 1.6), d'anciennes périodes de glaciations ont pu étendre leur influence jusqu'à des latitudes très basses [Forget et al., 2006]. Dans cette hypothèse, il est possible que des glaciers reliquats subsistent encore aujourd'hui jusqu'aux tropiques. Des candidats existent dans les deux hémisphères entre 30° et 60° de

latitude, concentrés au Nord le long de la dichotomie martienne, et au Sud aux bords des grands bassins d'impacts [e.g. Carr and Schaber, 1977; Squyres, 1978]. Baptisés LDA (pour l'anglais "Lobate Debris Aprons"), ce sont des structures plus ou moins lobées de plusieurs centaines de mètres de haut, dont la morphologie est caractérisée par une pente douce aux flancs convexes analogues à un écoulement visqueux. Les données d'imagerie et topographiques n'apportaient pas de certitude quant à leur composition : talus rocheux avec de la glace interstitielle ou glaciers massifs recouvert d'une fine couche de poussière protégeant de la sublimation. La réponse est venue récemment du radar de subsurface SHARAD, qui imagea la base des LDA et détecta que le volume était principalement de glace [Holt et al., 2008; Plaut et al., 2009]. Cette découverte, spatialement très étendue (Fig. 1.9), confirme les modèles selon lesquels des périodes de glaciations globales extrêmement prononcées pouvaient provoquer des englacements jusqu'à de très basses latitudes à une époque relativement récente [Fistook et al., 2008; Forget et al., 2006; Head et al., 2003; Schorghofer, 2007]. Ce qui implique également des changements climatiques importants durant l'Amazonien. Ces glaciers reliquats sont maintenant envisagés pour des analyses in situ par de futures missions, étant donné leur potentiel comme indicateurs climatiques et biomarqueurs, et peuvent potentiellement être utilisées comme ressources. Le GEL que représentent ces structures est en cours d'inventaire. Pour les LDA présents dans la partie orientale d'Hellas, il est estimé à 20 cm d'épaisseur. Ainsi, on peut raisonnablement s'attendre à un GEL total ne dépassant pas quelques mètres d'épaisseur, donc en-deçà du volume des calottes polaires.

Un autre complexe de formations géologiques, Medussae Fossae, est également candidat pour une origine glaciaire. Situé à l'équateur, entre 140°E et 220°E, c'est une région très étendue représentant potentiellement un volume de 1.4-1.9106 km3, soit l'équivalent de la calotte polaire sud [Watters et al., 2006]. Sa composition exacte n'a pas encore pu être déterminée, et la possibilité pour que cela soit un dépôt mafique peu dense reste importante [e.g. Bradley et al., 2002; Carter et al., 2009].

Fig. 1.9. Glaciers tropicaux détectés (ligne rouge) le long d'orbites SHARAD (lignes

jaunes) dans la région de Deuterolinus Mensae. L'image de fond est la topographie MOLA. [Plaut et al., 2010].

1.3.6 Etendue du pergélisol

Les deux précédentes sections montrent que la quantité d'eau actuellement présente en surface sous forme de calottes polaires (~20 m de GEL) et de glaciers tropicaux (1-10 m de GEL), ajouté à l'eau qui a pu fuir dans l'espace par érosion atmosphérique (10 m) ne peut pas représenter plus de ~50 m de GEL en considérant que les découvertes cumulées de prochains glaciers n'excèdent pas le volume total d'une calotte polaire. Ce n'est pas suffisant pour expliquer la formation des grandes vallées de débâcles à la fin de l'Héspèrien (500-1000 m de GEL). L'ultime possibilité est que l'eau ait migrée en sous-sol. Le fait que le sol martien de la proche surface soit gelé (pergélisol) jusqu'a ~ 50°-60°N/S est attesté par de nombreuses observations, par spectroscopie gamma [e.g. Feldman et al., 2004], par étude des cratères d'impacts [Byrne et al., 2009], ou encore par analyse in situ [e.g. Mellon et al., 2009]. Le radar de subsurface MARSIS a estimé que les premiers 60-80 m du pergélisol renfermaient environ une calotte polaire (1106 km3) de volume d'eau [Mouginot et al., 2010]. Obtenir des informations quantitatives à plus grandes profondeurs est pour l'instant très difficile, voir hors de portée. Actuellement, les études se concentrent particulièrement sur l'évaluation du volume attendu d'eau souterraine afin de savoir s'il est suffisant pour atteindre la base de la cryosphère [e.g. Clifford et al., 2010]. Cette limite est la profondeur pour laquelle la température atteint la valeur de fonte de la glace, ce qui se résume donc à évaluer dans quelle mesure l'eau souterraine peut exister sous forme liquide. Cette possibilité dépend de (i) la température de surface variant avec la latitude, (ii) le flux géothermique martien, (iii) la conductivité thermique du sol, (iv) les impuretés de l'eau qui peuvent baisser sa température de fusion et (v) le volume poreux disponible de la cryosphère. Ces différents paramètres considérés, de récents calculs estiment la base de la cryosphère à 0-9 km à l'équateur et 10-22 km aux pôles, des valeurs qui ont dû rester assez stables durant les différents cycles glaciaires [ibid.]. Dans le meilleur des cas (fort flux géothermique + eau saturée en sels), 500 m de GEL ne suffisent pas à saturer ce volume de cryosphère, mais 1000 m de GEL le peuvent. Nous sommes donc à la limite du déficit estimé du bilan hydrique, ce qui ne permet pas d'affirmer l'existence d'eau souterraine liquide en quantité. Il reste cependant la possibilité que des anomalies locales sur les cinq paramètres énoncés plus haut existent, permettant de réduire significativement ces profondeurs. Les régions les plus propices à la détection étant alors celles où se combinent à la fois une faible altitude et latitude, minimisant ainsi la profondeur de la base de la cryosphère.

1.3.7 Les carbonates et le paléo-climat martien

L'observation de structures formées par érosion fluviatile dans les terrains ignés du Noachien [e.g. Baker et al., 1992; Carr and Malin, 2000], implique l'existence d'un climat qui était plus chaud, plus humide, et d'une atmosphère épaisse, afin de soutenir un cycle de l'eau important et global [Pollack et al., 1987]. La réunion de tous ces éléments dans un même scénario (effet de serre, atmosphère riche en CO2, précipitations, roches basaltiques) doit mener à la formation d'une grande quantité de carbonates en surface, comme cela se produit

très largement sur Terre. Ce minéral est la conséquence naturelle de la dissolution du CO2

atmosphérique par les eaux de pluies, puis de sa réaction chimique après contact avec des roches basaltiques en surface. Jusqu'à très récemment, aucune trace de carbonates n'avait été détectée par les spectromètres en vol, ce qui mettait grandement en cause ce scénario [Bandfield et al., 2000; Bibring et al., 2005]. Il a fallu accroître la résolution des instruments pour établir une première détection non-équivoque par CRISM dans la région de Nilli Fossae (22°N, 75°E) [Ehlmann et al., 2008]. Une confirmation très importante provient d'une détection in situ par le rover Spirit d'affleurements très riches en carbonates dans le cratère Gusev (4°S, 175°E) et qui ont les mêmes caractéristiques que des carbonates formés en conditions hydrothermales (~ 150°C) de pH neutre (6-7) [Morris et al., 2010]. Ces deux détections, séparées par 6 300 km, vont dans le sens d'un paléo-environnement humide largement répandu qui présente de nombreuses caractéristiques d'un milieu anciennement habitable.

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