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ER : L’INFLUENCE DU SUBSTANTIEL SUR LA RECEVABILITE DE L’ACTION

70. Révélation de la prépondérance du droit substantiel dans l’examen de la recevabilité en général. La liaison subtile du substantiel et du judiciaire dans la notion d’intérêt est une préoccupation majeure en droit processuel.171

71. Témoignage d’un avocat au barreau de Cotonou. La présence et l’influence du fond dans la présentation du moyen tiré du défaut de l’intérêt à agir se révèle en pratique. Des entretiens obtenus auprès des acteurs de la justice dans divers milieux francophone, anglophone et germanophone ont permis de recenser un certain nombre de témoignages vécus sur la question. Il ne semble pas superflu d’en évoquer un dont l’espèce et les détails corroborent l’essentiel de la problématique.

72. De l’espèce. Une affaire opposait un médecin à une société coopérative dont il était membre. En effet, le médecin avait été exclu de la société par les autres membres en raison de ce qu’il ne partageait plus avec eux le lien commun nécessaire à la constitution d’une société de cette nature, conformément aux dispositions de l’acte uniforme relatif au droit des sociétés coopératives. Le médecin contestait son exclusion et avait saisi le juge des référés pour la voir déclarer mal fondée et avait demandé une expertise des comptes de la société. L’avocat de la société coopérative devait plaider la nullité de l’assignation, l’incompétence du juge des référés, le défaut de qualité et enfin le défaut d’intérêt. Pour invoquer la nullité, l’incompétence du juge des référés et le défaut de qualité, il aurait fallu, rappeler seulement la procédure. Mais pour plaider le défaut d’intérêt, il a fallu faire une incursion dans le fond de l’affaire.

73. Des détails. L’invocation de la nullité en l’espèce imposait de rappeler seulement les mentions de l’assignation qui n’avaient pas été indiquées et dont le défaut viole les articles 53 et 131 du code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes, ce qui permet de conclure à la nullité. L’incompétence voulait qu’on rappelle les demandes qui ont été formulées, qu’on démontre qu’il s’agit de questions de fond et non de mesures

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L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, 10e éd., 2017, p. 6, n° 9 ; Voir aussi, pour une analyse des rapports entre droit substantiel et procédure en matière de divorce, Ph. THERY, « Les époux et la mort » (à propos des conséquences du décès sur les procédures de divorce et de changement de régime matrimonial), in Mélanges Jacques NORMAND, Litec, 2003, n° 461 ; Voir également V. EGEA, La fonction

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provisoires, qu’on invoque les dispositions du code de procédure civile ou des lois de procédure applicables, et qu’on conclut à l’incompétence du juge des référés. Le défaut de qualité impose de vérifier la qualité indiquée dans l’assignation, en l’espèce, du médecin qui se prétendait président du conseil d’administration de la société alors qu’il ne l’était plus. Par ailleurs, la qualité requise pour assigner aux fins d’expertise de gestion à savoir la possession d’un certain nombre de parts de la société devait être vérifiée également. Pour l’apprécier, il n’était pas non plus nécessaire d’invoquer le fond ou, dans tous les cas, le fond de l’affaire en cause. Tous ces moyens sur la procédure ou la recevabilité n’imposaient pas au plaideur d’invoquer le fond : l’examen de la citation, le rappel de la procédure ou de quelques éléments autour de l’affaire suffisaient. Dans tous les cas, on n’invoquait pas le droit contesté dans le cadre de l’instance et le juge n’aurait pas besoin de s’y référer non plus pour apprécier. Tel n’a pas été le cas pour l’intérêt.

74. Le défaut d’intérêt. Pour invoquer le défaut d’intérêt, il a fallu que le plaideur rappelle, ne serait-ce que brièvement, les faits ou ce qu’on appelle, en pratique, la moralité du dossier, pour justifier que le demandeur n’avait pas intérêt ou, en tout cas, que son intérêt n’était ni légitime, ni juridiquement protégé. Il a même fallu invoquer les moyens de fond pour parvenir aux fins de la démonstration. Pour démontrer que le médecin ayant assigné aux fins de voir annuler la mesure d’exclusion prise à son encontre n’avait pas intérêt à le faire, il fallait insister notamment sur les motifs de son exclusion. Ce sont ces motifs d’exclusion, notamment le fait qu’il ne partageait pas le lien commun, qui le privait d’un intérêt légitime et juridiquement protégé à agir. En fait, il a fallu démontrer d’abord qu’il ne partageait plus le lien commun, que cette condition était prévue par la loi, que la loi était d’ordre public, et que dans ces conditions, finalement, recourir, pour se voir reconnaître un droit contraire à la loi ou pour contester une mesure contraire à la loi, ne peut résulter d’un intérêt légitime et juridiquement protégé, mais le contraire. En pratique, au moment de plaider le fond, il faudra nécessairement se répéter sur ces aspects qui sont déjà ceux du mal fondé de l’action, donc du droit au fond.

75. De manière plus générale. Classiquement, pour ne pas risquer d’invoquer des défenses au fond avant les exceptions, il faut invoquer celles-ci et fins de non-recevoir. Il faut donc commencer par exposer la procédure, soulever les exceptions et fins de non-recevoir, les argumenter, et ensuite seulement, exposer les faits avant de développer ses défenses au fond. Mais en procédant ainsi, l’exposé du moyen tiré du défaut d’intérêt ne pourra pas être admis.

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L’appréciation de cette fin de non-recevoir résulte nécessairement d’une bonne compréhension des faits et des dispositions applicables au fond, et, sans exagérer, l’examen du mal fondé de l’action. Les causes de telles confusions semblent se trouver aussi bien dans les inconstances qui s’observent entre la qualité pour agir et l’intérêt à agir que dans la prépondérance du recours à l’intérêt dans l’appréciation des conditions d’adjudication judiciaire.

76. Eléments spécifiques de révélation. Le précédent témoignage pratique est révélateur. Mais il émane également de quelques prévisions légales non moins importantes. Au plan légal en effet, il est posé que « seules les parties introduisent l’instance, hors les cas où la loi

en dispose autrement. Elles ont la liberté d’y mettre fin avant qu’elle ne s’éteigne par l’effet du jugement ou en vertu de la loi172 ». L’initiative du procès appartient ainsi aux parties.

C’est la disponibilité de l’action civile vis-à-vis de ces dernières. De plus, elles sont maîtresses des droits litigieux et peuvent transiger à tout moment ou renoncer, par un désistement, à poursuivre leur action173. Or, si le juge et surtout beaucoup plus, l’avocat, se préoccupent de la procédure, les parties quant à elles visent prioritairement le droit substantiel ou l’avantage à tirer du procès et en font souvent le but ultime du procès. De l’autre côté, comme pour réaliser l’équilibre, l’évolution historique qui a lieu tout au long du XXe siècle permet d’observer un accroissement progressif du rôle du juge dans le procès civil. C’est suivant cette évolution qu’il a aujourd’hui le pouvoir d’impartir les délais et d’ordonner les mesures nécessaires, en plus de son historique rôle en matière de police et de gouvernance de l’instance174. Mais ces mutations n’ont pas pu réduire l’envahissement de la procédure par le droit substantiel en discussion qui fait l’essentiel de la préoccupation des parties, comme si tout autre moyen légal d’empêcher l’évolution diligente en vue d’un dénouement rapide sur le fond du litige n’est que du dilatoire au sens large du terme, la partie qui est de mauvaise foi ne pouvant l’ignorer.

172

Art. 1er CPC (correspondant à l’art. 2 CPCCSAC).

173

E. VERGES, « Procès civil, procès pénal, différents et pourtant si semblables », chron. Droit processuel, Etudes et commentaires, Rec. Dalloz, Paris, 2007, n° 21, p. 1443.

174

V. J. DJOGBENOU, CPCCSAC commenté et annoté, éd. Revue et augmentée, CREDIJ, Cotonou, 2014, p. 29 (voir commentaires sous les articles 4 et 754 et s.) ; V. également les commentaires de L. CADIET sous les articles 3 et 763 CPC. On peut noter que sous le modèle accusatoire, le juge, simple arbitre, se contentait de trancher le litige. Mais avec les multiples réformes qui se sont succédées, il y a eu une mutation vers un modèle mixte qui fait jouer au juge actuel un rôle essentiel dans la conduite du procès.

40 77. Aussi, il a été trop tôt considéré que la tâche qui consiste à combler les insuffisances contenues dans le Code de procédure civile de 1806 afin de mettre un terme à de vieilles controverses devait être abandonnée à la doctrine175. De telles considérations ne peuvent favoriser l’accommodation nécessaire du droit positif à l’évolution de la société. Par ce canal, on pourrait espérer un encadrement, ne serait-ce que théorique, de certaines notions dont celle d’action176. GLASSON et TISSIER déploraient la grande confusion qui régnait dans les exposés des auteurs sur la théorie des actions en justice ; le mot action n’y aurait pas un sens précis, la confusion existait tant dans les textes législatifs d’alors que dans les décisions de cours et tribunaux, formant ainsi une jurisprudence source de controverses au sein de la doctrine. Cette dernière puisera alors en son propre sein pour accentuer les divergences. Il est vrai, et PEGUY le disait si bien, que les divergences, les contradictions, les variations sont la nature même de l’esprit humain177. Mais certaines controverses sont parfois fondées sur des interprétations orientées, soit par le « sensationnel », soit dans un but de critiques prolifiques : autant, la beauté de la phrase et l’esthétique syntaxique de l’expression de l’idée de DEMOLOMBE sur la notion d’action, autant les interprétations d’auteurs qui s’en sont suivies, n’ont pu avoir raison de la difficulté. Le témoignage est une conséquence normale de la persistance de la présence du fond dans l’appréciation du droit d’agir à travers, entre autres, l’instabilité de l’intérêt et de la qualité à agir (Chapitre 1er), d’une part, et du caractère excessif du recours à l’intérêt (Chapitre 2), d’autre part.

175

E. GLASSON et A. TISSIER, Traité théorique et pratique d’organisation judiciaire, de compétence et

de procédure civile, 3e éd. T. 1, Recueil Sirey, Paris, 1925, p. 415.

176

LOCRE, T. XXI, p. 355.

177

Ch. PEGUY, Note conjointe sur M. DESCARTES et la philosophie cartésienne, Posthume, Pléiade, Œuvres en prose, T. III, 1992, p. 1280 (Cité par Philippe MALAURIE, Préface à Anthologie de la pensée juridique, 2e éd. Cujas, Paris 2001.

41 CHAPITRE 1ER : L’INSTABILITÉ DE L’INTÉRÊT ET DE LA QUALITÉ POUR

AGIR

78. L’imprécision, source d’instabilité. La connaissance scientifique du Droit nécessite des recherches sur son application dans la pratique, ce qui aurait, selon Jean BRETHE, été trop négligé. La fin de non-recevoir, moyen d’irrecevabilité fondée entre autres sur la prescription, la chose jugée, le délai préfix, l’absence d’un intérêt ou de qualité, constitue un obstacle radical à la procédure, d’autant plus qu’elle entraîne le rejet de l’action sans examen au fond. De ce fait, les conditions qui permettent d’y procéder sont censées être véritablement stables et accessibles au justiciable. Cette clarté et cette accessibilité supposée fait que la partie qui soulève une fin de non-recevoir aura simplement à indiquer au juge que son adversaire ne satisfait pas aux conditions fixées par la loi pour agir en justice de manière convenable. Or, le constat fait en pratique révèle d’énormes difficultés qui ne favorisent pas une telle conception de l’accès à la justice. En effet, la fin de non-recevoir est définie à l’article 122 du code de procédure civile comme tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. Les deux conditions les plus en vue demeurent l’intérêt et la qualité pour agir. Mais ces derniers entretiennent des relations aussi bien entre eux qu’avec d’autres concepts qui débordent très souvent du seul champ de la recevabilité. Pour preuve, bien souvent, l’intérêt confère qualité pour agir, la qualité le présume et lui succède très souvent, même si le contraire n’est pas évident. De même, si les variations sur le fond en procédure civile s’observent dans l’examen même de toute prétention, celles de la recevabilité de l’action semble induite, entre autres, par les instabilités entre les notions d’intérêt et de qualité. A ce propos, M. GIVERDON soulignait l’imprécision de la notion de qualité dans son article intitulé « La qualité, condition de recevabilité de l’action en justice178 ».

79. L’instabilité de l’intérêt et de la qualité à agir procèdent, d’une part, du caractère débordant desdites notions dans leur considération solitaire (section 1), et du caractère restreint dans leur évolution solidaire (section 2).

178

Cl. GIVERDON, « La qualité, condition de recevabilité de l'action en justice », Rec. Dalloz, 1952, Chron., p. 85.

42 SECTION 1ère : Des notions débordantes dans leur considération solitaire

80. Eléments de facilitation du débordement. Ainsi qu’il est rappelé précédemment, le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée constituent des fins de non-recevoir. Le libellé de l’article 122 du code français de procédure civile paraît avoir un contenu large. C’est forte de cela que le 14 février 2003, la Cour de cassation a jugé qu’il résulte des articles 122 et 124 du Code de procédure civile que les fins de non-recevoir ne sont pas limitativement énumérées. Plus largement, M. JEULAND évoque dans son Droit

processuel général la possibilité de voir dans les bureaux d’aide juridictionnelle des instances

de filtre des affaires, surtout devant la Cour de cassation et le Conseil d’État, qui s’ajoutent aux règles de recevabilité179. Des débordements sont donc probables en matière de conditions de recevabilité. Au-delà, ce sont parfois ces conditions qui, prises isolément, connaissent des mutations doctrinales dans leur contenu (paragraphe 1) provoquant souvent des risques d’élargissement dans leurs effets (paragraphe 2).

Paragraphe 1er : Les constats de mutations conceptuelles

81. Des mutations issues de la divergence doctrinale. Dans le domaine de l'intelligence règne une certaine anarchie relativement à toutes les maximes fondamentales dont la fixité est la première condition d'un véritable ordre social, des divergences profondes font la différence et séparent les esprits. Ces divergences tiennent à la coexistence de trois modes de pensée radicalement incompatibles : la théologie explique l'apparition des phénomènes par la volonté des dieux ; la métaphysique substitue aux divinités des entités, des abstractions ; la philosophie positive, quant à elle, renonçant à la recherche des causes transcendantes s'en tient à celle des lois des phénomènes. De ce fait, c’est le principe de la variabilité contre la fixité, principe auquel n’a pas échappé la condition d’intérêt à agir qui a, en effet, connu une substantialité croissante (A) en même temps, une substantialité bipolaire (B).

A. L’intérêt à agir, une substantialité croissante

82. De la difficile définition d’une notion. La complexité de la notion d’intérêt réside dans l’inconstance de son évolution. L’intérêt est en lien avec celui qui a subi l’atteinte ou celui qui profitera de l’avantage. L’exigence d’un intérêt à agir est tout aussi traditionnelle

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qu’actuelle. Très délicate à définir comme toute notion élémentaire, la notion d’intérêt s’entend comme un profit susceptible de procurer au plaideur un avantage. Dire d’une personne qu’elle a intérêt à agir signifie que sa demande peut donner lieu à une amélioration de sa condition juridique. « Pas d’intérêt, pas d’action » avait déjà souligné GARAUD dans sa thèse180. Selon une formule consacrée, il doit être un « intérêt né et actuel181 ». Au-delà, considéré en outre comme la mesure de l’action, l’analyse de la substantialité inhérente à la notion d’intérêt à agir procède du déni de la notion d’avantage (1) à la reconnaissance de l’intérêt comme un profit (2).

1. Du déni de la notion d’avantage dans l’intérêt à agir

83. La contestation d’une vieille définition. La notion d’intérêt, en elle-même, n’a pas connu de variation conceptuelle que l’on soit en matière procédurale ou substantielle puisque, dans tous les cas, l’idée de profit a toujours régné. Mais la définition qui lui est reconnue aujourd’hui a fait, par le passé, l’objet de contestation par la doctrine. L’intérêt en procédure, connu sous la dénomination de « l’intérêt à agir», par exemple, se définit aujourd’hui comme le profit, l’utilité ou l’avantage que l’action est susceptible de procurer au plaideur. De la même manière, du point de vue substantiel, l’intérêt est défini, en matière contractuelle par exemple, comme un avantage, qu’il puisse être d’ordre pécuniaire ou moral ; une utilité ; une amélioration de la condition juridique182. Ce qui est important ici est le caractère pratiquement invariable de la notion d’un contexte à l’autre. Que l’on soit en procédure, en droit matériel, elle se réfère toujours au sens d’avantage, d’utilité ou de changement qualitatif de conditions socio-économique, un constat qui se trouve en conformité avec celui de M. WIEDERKEHR à propos de ROUHETTE183. Mais ce caractère invariable n’a pas épargné la notion de quelques critiques. Pour ROUHETTE, par exemple, que ce soit le caractère utile, la notion d’avantage, les aspects pécuniaire et moral ou même

180

A. GARAUD, L’intérêt pour agir en justice. Contribution à la notion d’intérêt en droit positif, thèse Poitiers, 1959.

181

V. par ex., Cass 3e civ.,8 févr. 2006 : JPC G 2006, IV 1475, à propos d’une action en validité du congé pour vendre, irrecevable avant la date d’effet.

182

Le sens qui est reconnu à la notion d’intérêt jusqu’alors est rappelé par G. ROUCHETTE, « Contribution à l’étude critique de la notion de contrat », Thèse, Université de Paris (Faculté de droit et des sciences économiques), Paris 1965, p. 632 et 633.

183

G. WIEDERKEHR, « Procès », in Journée hommage G. ROUHETTE Panthéon, Paris 11 janvier 2013, Compte-rendu par H. KASSOUL, CERDP, p.12. A propos de ROUHETTE, WIEDERKEHR évoque le constat que l’auteur « a étendu son intérêt à toutes les procédures : il ne s’arrête pas aux frontières, ni celles des états, ni celles plus artificielles des disciplines. Il envisageait la procédure comme un tout, comme un ensemble ».

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la condition juridique, tous révèleraient en réalité un aspect quantitatif dans des sens divers qui ne sembleraient pas toucher à la notion même d’intérêt.

84. Autre grief de la notion d’intérêt. L’intérêt aurait été défini comme « le besoin qui pousse à agir » ou encore, « l’utilité escomptée ». C’est la conception dite psychologique de la notion d’intérêt, car elle s'intéresse à l'état d'esprit de la personne concernée, sans lier la notion à son aspect substantiel où il n’est pas évident de parler de la lésion d’un tel intérêt sans qu’il n’ait cessé d’être. Le besoin qui pousse à agir en justice comme l’utilité escomptée convient bien à la définition de l’intérêt en vue de la recevabilité du droit d’agir. Ce caractère psychologique rend moins évident la justification dudit intérêt pour la recevabilité. Seulement qu’on n’échapperait pas toujours au caractère substantiel qui peut transparaître, selon les circonstances, dans de tels besoins ou utilités, bien que psychologique. C’est pour éviter cette conception substantielle que ROUHETTE adopte une définition qu’il estime sans lien avec la quantité, la valeur, la substance.

85. L’intérêt selon ROUHETTE. L’intérêt devrait s’observer dans la simple «contemplation d’une modification de la condition juridique184 ». Cette définition donnée par l’auteur a-t-elle effectivement atteint son but, celui d’exorciser la notion d’intérêt de toute conception matérialiste, de toute idée de substance ? Il faut rechercher la différence qu’on peut observer entre cette définition et celle qui l’a précédée et en même temps la plus proche selon laquelle l’intérêt est perçu comme l’«amélioration de la condition juridique». Si

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