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2.9 S YNTHESE

2.11.2 S EQUENCE POLYPHONIQUE N ° 03

Le passage suivant est extrait d’une chronique qui traite des richesses du pays et de la nature des investissements étrangers :

C'est un faux séisme où des gens avertis ont été avertis pour qu'ils se cramponnent les uns aux autres le temps de la secousse et où les gens non avertis sont tombés comme prévu. Le procès de Blida ne va pas changer l'Algérie, tout comme l'indépendance ne l'a pas changée en pays libre. Il y aura certes des verdicts et il y a eu certes des «révélations» mais cela ne doit pas faire oublier que le match est nul. Pour le «Où ?», cela s'est passé en Algérie. Pour le «Comment ?», cela s'est fait avec une pharmacie, un clerc de notaire, deux téléphones et une villa hypothéquée. Pour le «Quoi ?», il s'agit d'argent, le vôtre. Pour le «Pourquoi ?», il s'agit d'une question bête. Pour le «Quand ?», il s'agit d'un moment de somnolence entre le moment où le pays sortait du terrorisme et rentrait chez lui pour enlever ses chaussures et recompter ses enfants. Reste donc le «Qui ?». Il s'agirait d'un homme dont la tête se trouve à Alger, les pieds à Londres, les mains menottées à Blida, un homme que tout le monde a vu, que personne ne connaît, qui accuse tout le monde et que tout le monde accuse. Le premier robot algérien qui vaut sept milliards. (article du 08-03-2007).

108 P Q neg sous ↓ → ↓ C Non-C

Dyn 1 [(---) est associé à la voix collective] : pdv 1 + pdv p vers C Dyn 2 [(⎯⎯) est associé au locuteur] : pdv 2 + pdv q vers Non-C

« mais cela ne doit pas faire oublier que le match est nul ».

« Il y aura certes des verdicts et il y a eu certes des «révélations».

pdv 1 « il y aura des verdicts et des révélations qui doivent faire oublier le match nul ».

pdv 2 « il n’y aura pas des verdicts et des révélations qui ne doivent faire oublier le match nul ».

« les verdicts et les

révélations concernant

cette affaire ne feront pas oublier le résultat du match nul ».

« les verdicts et les révélations concernant cette affaire feront oublier le résultat du match nul ».

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La séquence argumentative représentée dans ce schéma est construite sur les deux points de vue dynamiques en opposition : « il y aura des verdicts et des révélations qui doivent faire oublier le match nul », et « il n’y aura pas des verdicts et des révélations qui ne doivent faire oublier le match nul ».

La structure polyphonique p mais q fait ressortir la polyphonie de la négation de q. Le point de vue p oriente vers la conclusion C : «les verdicts et les révélations concernant cette affaire feront oublier le résultat du match nul ».

Ce point de vue conclusif est repris par la suite dans le point de vue 1 de q, et forme avec la proposition p le point de vue dynamique 1. Ce dernier est ensuite réfuté par le point de vue dynamique 2 qui est associé par un lien de responsabilité au locuteur-journaliste. Il est formé par l’énoncé négatif et son orientation vers le point de vue non-C : «les verdicts et les révélations concernant cette affaire ne feront pas oublier le résultat du match nul ».

Le point de vue p vers C constitue une concession de la part du locuteur-journaliste marquée par la proposition : « ne doit pas faire oublier »qui lui permet de s’associer par un lien d’accord au fait « qu’il ne faut pas oublier ».

Le point de vue dynamique 1 serait de cette façon associé par un lien de responsabilité à un autre être discursif (que le locuteur-journaliste) adhérant au point de vue selon lequel «il y aura des verdicts et des révélations qui doivent faire oublier le match nul ».

Dans l’extrait qui suit, sont réfutés les points de vue associés à une collectivité sont réfutés, plus précisément à ceux qui s’interrogent sur l’avenir de l’état.

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L'Algérie fonctionnant à la mécanique de l'enthousiasme et de la «tahya», on a vite oublié que cela ne remplace pas l'élan vital, que cela ne remplace pas l'histoire et que le populisme est un vilain défaut chez le peuple abstrait. La maladie brusque du chef de l'Etat a été «épiloguée» par un bain de foule qui lave presque tout le monde de toute tentation de réflexion. L'accueil réservé au président de la République a peut-être servi à illustrer la cohésion autour d'un homme et à donner une image à une émotion, mais il a aussi servi à masquer l'interrogation légitime, la réflexion sur l'avenir et le questionnement sur des fragilités d'Etat que l'on ne veut ni voir, ni admettre. Réagissant à une série de chroniques qui se sont honnêtement attardées sur les faiblesses de la communication officielle, sur le devoir de vérité envers les millions d'Algériens obligés de brasser de la rumeur et sur l'inexistence organique des institutions de l'Etat censées servir de socle face aux imprévus humains, un «collectif de militants pour le soutien au programme du président de la République» a adressé à la rédaction une lettre de protestation acide. (article du 02-01-2006).

Les points de vue p « on a vite oublié que cela ne remplace pas l'élan vital, que cela ne remplace pas l'histoire et que le populisme est un vilain défaut chez le peuple abstrait », est associé à q « la maladie brusque du chef de l'Etat », et le point de vue q «L'accueil réservé au président de la République a peut-être servi à illustrer la cohésion autour d'un homme et à donner une image à une émotion », est associé à «l'interrogation légitime ».

Ce passage est constitué par deux discours représentés, créant une sorte de dialogue fictif entre le chef de l’état et les populistes. Le locuteur-journaliste se montre contre les agissements des algériens qui sont venus satisfaire une curiosité.

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Le point de vue q serait ainsi attribué à un ON-troisième personne, plus précisément aux « populistes ». Ainsi, le point de vue p « on a vite oublié que cela ne remplace pas l'élan vital, que cela ne remplace pas l'histoire et que le populisme est un vilain défaut chez le peuple abstrait », associé à q « la maladie brusque du chef de l'Etat » oriente vers la conclusion C « la réflexion sur l'avenir et le questionnement sur des fragilités d'Etat qu’on veut voir, et admettre ».

Ce point de vue conclusif est ensuite repris et réfuté dans y « mais il a aussi servi à masquer l'interrogation légitime, la réflexion sur l'avenir et le questionnement sur des fragilités d'Etat que l'on ne veut ni voir, ni admettre ».

De cette façon, le locuteur-journaliste réfute une voix collective-idéologique. Celle des populistes, en confortant son rôle de porte parole. Celui-ci argumente le fait que le populisme est un vilain défaut chez le peuple abstrait.

Toutefois, il n’est pas toujours question d’une réfutation totale de p, mais parfois d’une auto-polémique de la part du locuteur-journaliste qui se présente comme étant d’accord avec le « on » du point de vue p, qu’il reprend et rejette par la suite dans q. Il s’agit en effet d’une intrusion dans la voix collective de la part du locuteur-journaliste.

Dans l’extrait qui suit, deux points de vue doxiques sont mis en scène :

L'au-delà existe-t-il ? Pour ceux qui en doutent, il suffit de venir en Algérie pour constater que oui et s'expliquer l'énigme universelle du silence des morts après leur enterrement : un simple problème de sous-titrage impossible sous la bande-son des silences partagés. On peut se promener en Algérie, serrer des mains, poser des questions, se souvenir à deux, demander des chiffres et proposer sa propre lumière intérieure, mais il restera que les règnes sont de faux voisins : il y a des choses qui ne se

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racontent pas et qui vous poussent à l'évidence de votre solitude. Le pays est désormais peuplé par une génération qui ne connaît pas l'histoire de ce pays, encore moins Jean Daniel, qui a la haine de sa géographie et qui ne conçoit l'universalité que comme butin ou comme agression. (article du 22-05-2007).

La structure p mais neg q permet au locuteur-journaliste de réfuter dans q l’orientation argumentative de p vers C. La polémique concerne dans cet exemple la question de savoir si « les règnes sont de vrais voisins »ou si « les règnes sont de faux voisins ».

Le point de vue p « serrer des mains, poser des questions, se souvenir à deux, demander des chiffres et proposer sa propre lumière intérieure », est associé à une voix collective « On peut se promener » et oriente vers C « il y a des choses qui se racontent et qui vous poussent à l'évidence de votre solitude », Le point de vue p vers C est ensuite réfuté dans q « mais il restera que les règnes sont de faux voisins : il y a des choses qui ne se racontent pas et qui vous poussent à l'évidence de votre solitude ».

Le locuteur-journaliste réfute ainsi un point de vue doxique du genre « la solitude est évidente », associé à la voix collective, mais auquel il est pourtant lié par un lien d’accord, marqué par l’emploi du pronom « on ».

En effet, réfuter une doxa, supposée être une vérité admise par toute une communauté, donne du poids à l’argumentation du locuteur-journaliste. Le recours au modalisateur « propre » marque dans cet énoncé la présence et renforce la prise de position subjective du locuteur-journaliste, déjà imposée par « mais » et par la négation.

Dans l’exemple suivant, le pronom « on » renvoie également à la voix collective responsable de p, marque l’intrusion du locuteur :

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Pour les billets d'aujourd'hui, le problème n'est pas trop grave : c'est un juste un petit détail qui fait un rire. Il ne prouve rien, n'inculpe pas l'ex-gouverneur de la Banque d'Algérie et ne remet pas en question les signatures des accords d'Evian. Il confirme seulement ce que l'on sait déjà : l'argent algérien est gratuit pour les uns et inaccessible pour les autres, il peut être transporté dans des sacs sans explications valables, peut être ramassé partout lorsqu'on sait comment faire et dépensé n'importe comment lorsqu'il ne vous appartient pas. La signature de l'ex-gouverneur est-elle fausse ? Non. L'argent algérien est-il falsifié ? Non. C'est la richesse nationale qui souffre d'usage de faux et usage de faux depuis si longtemps et qui confirme l'essentiel : en Algérie, il faut prendre l'argent, pas le gagner. (article du 29-01-2007).

Les deux pronoms « on » dans les deux p « Il confirme seulement ce que l'on sait déjà » et « peut être ramassé partout lorsqu'on sait comment faire et dépensé n'importe comment lorsqu'il ne vous appartient pas » renvoient à la voix collective. Quant à la négation précédant la partie « Il ne prouve rien, n'inculpe pas l'ex-gouverneur de la Banque d'Algérie et ne remet pas en question les signatures des accords d'Evian », elle insère le lecteur dans le discours, en lui adressant la parole et en l’insérant dans une forme de discours implicite.

La suite « l'on sait déjà » fusionne par le biais du pronom « on », non seulement une voix collective dans l’énoncé mais aussi la voix du lecteur. Le locuteur-journaliste s’associe par un lien d’accord à ces points de vue à travers l’emploi des modalisateurs [l'on sait] déjà, [lorsqu’on sait], etc.

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Les deux premiers modalisateurs des incises remarquées dans cet extrait, proviennent d’un autre niveau énonciatif, liés au discours du locuteur-journaliste qui opère une intrusion dans la voix collective.

La séquence concessive p : «ce que l'on sait déjà » oriente vers la conclusion C : «C'est la richesse nationale qui souffre d'usage de faux ». La mise en scène du pronom « on » permet de comprendre que le locuteur-journaliste soutient qu’ « en Algérie, il faut prendre l'argent, pas le gagner ».

La réfutation du point de vue d’une collectivité, s’effectue dans la visée persuasive qui a pour objectif de ne pas valider le point de vue de ceux qui pensent que « Pour les billets d'aujourd'hui, le problème n'est pas trop grave : c'est un juste un petit détail qui fait un rire ».

La réfutation de cette doxa est opérée à l’aide d’une autre doxa dans laquelle le point de vue réfutatif est associé au locuteur-journaliste mais également à la voix idéologique.

En effet, le locuteur-journaliste rappelle que « l'argent algérien est gratuit pour les uns et inaccessible pour les autres, il peut être transporté dans des sacs sans explications valables, peut être ramassé partout lorsqu'on sait comment faire et dépensé n'importe comment lorsqu'il ne vous appartient pas » à savoir comme faisant partie de l’opinion commune.

Dans ce dernier exemple, nous remarquons que le point de vue p, est repris et réfuté en tant que point de vue 1 dans q :

A chaque fois qu'un Djihadiste tire, c'est son voisin qui meurt et pas son ennemi, et à chaque fois qu'il se fait exploser, ce n'est pas l'Amérique qui explose mais des passants qui sont déchiquetés et dont le malheur est d'avoir hérité d'une autre nationalité. Et à chaque fois qu'un Djihadiste ne fait rien, l'Amérique le pousse à faire mieux en faisant pire.

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Il n'y a pas d'issue. On connaît tous le problème : une certaine Amérique. Mais personne ne connaît la solution. Sauf après la mort. (article du 18-03-2007).

Il s’agit d’une polémique entre les points de vue exprimés par l’opposition entre les deux propositions selon lesquelles l’esprit du Djihadiste est « idéologiquement déformé par une mauvaise psychologie de base » et « On connaît tous le problème. Mais personne ne connaît la solution. Sauf après la mort ».

De ce fait, le point de vue p « On connaît tous le problème » oriente vers le point de vue conclusif C « Tout le monde connaît la solution », repris et réfuté dans le point de vue réfutant q « Mais personne ne connaît la solution ».

Ce point de vue est associé au locuteur-journaliste et également à une collectivité représentée par l’expression « personne ne » dans la proposition « Mais personne ne connaît la solution ».

La transformation de la prise en charge du point de vue réfutant q, du locuteur-journaliste vers la voix collective-idéologique, s’opère par le biais du morphème « personne » qui ne représente pas directement une collectivité, mais laisse entendre que «tout le monde connaît le problème ». C’est en ce sens que le morphème « nul » peut, tout en étant un morphème qui annule l’existence d’un référent mondain, renvoyer, dans le discours, à une voix collective.

Cet exemple présente une structure concessive et adversative du type p mais neg q, à travers une stratégie qui consiste à amener le lecteur à tirer la conclusion que « tout le monde connaît la solution ».

Le point de vue que le locuteur-journaliste réfute s’effectue par la proposition : mais nul ne contestera, et relève par la même une forme d’auto-polémique révélée par l’emploi du verbe « connaître » qui lui permet de s’associer par un lien d’accord à p (qu’il réfute ensuite dans q).

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Cette forme d’auto-polémique permet au locuteur-journaliste de peser le pour et le contre de ses propos : «oui d’accord p mais q » en ayant une visée double, à la fois explicative et pédagogique.

2.11.3-REFUTATION A LAIDE DE LA COLLECTIVITE

Les exemples qui suivent explicitent la manière dont le locuteur-journaliste s’introduit dans son discours, en s’appuyant sur une collectivité représentée par l’emploi du pronom « on » afin de réfuter son point de vue.

En effet, l’association du point de vue à une collectivité, représente une stratégie qui répond à une visée persuasive de l’écriture journalistique qui permet d’augmenter son degré de validité ainsi que la crédibilité du locuteur-journaliste. L’exemple suivant traite du problème des élections et des élus :

Juste après les fausses élections du 17 mai, l'Algérie doit faire face à un grave problème. Pas celui de l'eau, celui de la succession présidentielle ou du nombre de sachets noirs en circulation ou celui des dos-d'âne, mais celui de la mauvaise synchronisation entre les affaires de Dieu et les affaires de l'Etat, annoncé dès la prochaine rentrée sociale. Expliqué par Louisa Hanoune et détourné par Boudjerra Soltani, PDG de la plus grosse SPA islamiste agréée, le prochain problème national se résume dans la coïncidence dangereuse entre la fin de mandat des actuels maires et élus d'APW, l'organisation obligatoire d'élections locales, la campagne électorale qui doit les précéder et le mois sacré du ramadan. Le problème est d'autant plus grave que du point de vue de la Constitution, on ne peut pas prolonger dans l'illégalité les mandats des élus en cours, ni décaler sans recourir à des fraudes inconcevables, hérésies spectaculaires, et à une corruption indécente de la commission de surveillance de la Lune, la datation exacte du mois sacré. La collision des intérêts semble être prise au

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sérieux, au point où Hanoune explique que cela risque de confirmer l'abstention du 17 mai dernier, qui passe ainsi de l'explication par la mauvaise loi électorale à l'explication par le trouble alimentaire annuel des Algériens qui jeûnent. (article du 10-06-2007).

Cet extrait critique la manière dont les élections ont tendance à se dérouler, et le choix de la date qui correspond à l’approche du mois sacré de ramadan.

Le locuteur-journaliste réfute un point de vue selon lequel « on peut prolonger dans l'illégalité les mandats des élus en cours, et à décaler sans recourir à des fraudes inconcevables … ».

En réfutant ce point de vue, il met en scène une voix collective à travers la proposition « on ne peut pas prolonger dans l'illégalité » dans laquelle il s’insère lui-même.

L’emploi du modalisateur « illégalité » et l’intrusion du locuteur-journaliste permettent de renforcer la crédibilité et le caractère de la réfutation.

De ce fait, nous interprétons le pronom « on » comme la présence d’un « on-collectif » qui insère le lecteur à travers une réfutation au nom de la communauté algérienne.

L’exemple qui suit marque la transformation de la prise en charge par l’emploi du pronom on :

Il peut décider d'une mutation, d'une mise à la retraite, d'un dossier d'inculpation et du sens de l'ascenseur. C'est «l'Appel Masqué» qui est donc coupable, selon le peuple, dans ce gros scandale où des gens ont appelé des gens en leur envoyant l'image de Khalifa et le son de leurs propres voix. Le problème reste pourtant entier, même avec cette certitude: on ne peut juger un appel masqué, ni le convoquer devant un

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tribunal, ni le coincer par manque de preuves, ni enquêter sur ses traces car cela équivaudrait à identifier un son de moineau dans un colloque de marteaux piqueurs. Sachant aussi qu'en Algérie, les appels ne manquent pas entre ceux qui se croient avoir été appelés par Dieu, par l'Etat, par le sens du devoir, par leur voisin, par l'horizon ou par leurs enfants. (article du 07-02-2007).

Le pronom « on » du discours représenté « on ne peut juger un appel masqué » renvoie à une large majorité du peuple algérien. Il s’agit d’une voix entièrement construite par le locuteur-journaliste qui pense que « cela équivaudrait à identifier un son de moineau dans un colloque de marteaux piqueurs ». Ce discours représenté n’est pas un point de vue réel associé au peuple algérien, mais une interprétation introduite par les deux points, le locuteur-journaliste montre ce que cette tranche de la société semble penser, en mettant en scène une voix collective dans laquelle il

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