8.5 Equation(s) de Fokker - Planck pour le mouvement Brownien
8.5.1 Equation de Fokker - Planck pour la vitesse (Processus d’Ornstein -
-Ulhenbeck)
Pour la particule brownienne, examinons le processus al´eatoire constitu´e par les diff´erentes valeurs de sa vitesse
v(t) aux instants successifs ; dans les formules g´en´erales, y est donc remplac´e par la vitesse v. On fera de plus l’hypoth`ese que la force fluctuante, F (t), est une variable gaussienne, centr´ee et corr´el´ee `a la Dirac36:
F (t)F (t) = g δ(t − t) . (8.105)
En l’absence de force ext´erieure, l’´equation de Langevin pour la vitesse est :
mdv
dt + α v = F (t) (α = mγ) . (8.106)
Pour ´ecrire l’´equation de Fokker - Planck pour la vitesse v, il suffit de trouver les moments Mn. La d´efinition (8.64) est ici : Mn(v) = lim ∆t→0 1 n! 1 ∆t d∆v (∆v)nW (v + ∆v, t + ∆t|v, t) . (8.107) o`u W (v + ∆v, t + ∆t|v, t) est la probabilit´e d’avoir v + ∆v `a l’instant t + ∆t quand on a eu v `a l’instant t.
L’int´egrale est donc la moyenne avec W des accroissements ∆v `a partir d’une valeur donn´ee, v, de la vitesse `a l’instant t. On peut donc noter :
Mn(v) = lim ∆t→0 1 n! 1 ∆t[v(t + ∆t) − v(t)]n . (8.108)
Pour avoir ces diff´erents moments, il suffit donc d’int´egrer l’´equation de Langevin (8.106) entre t et t + ∆t, `
a partir d’une condition “initiale” (`a l’instant t) donn´ee (certaine), d’´elever aux puissances successives l’´ecart
v(t + ∆t)− v(t) ≡ ∆v, de prendre la moyenne et enfin d’effectuer la limite ∆t → 0. L’int´egration de (8.106)
donne : v(t + ∆t) = v(t) e−γ∆t + 1 m t+∆t t dtF (t) e−γ(t+∆t−t) , (8.109) d’o`u37 : v(t + ∆t)− v(t) = v(t) (e−γ∆t− 1) + 1 m t+∆t t dtF (t) e−γ(t+∆t−t) . (8.111)
Prenons la moyenne membre `a membre de (8.111) ; comme F est `a moyenne nulle, il reste, avecv(t) = v :
v(t + ∆t) − v(t) = v (e−γ∆t − 1) . (8.112)
Avec ∆t > 0, on trouve que la vitesse moyenne d´ecroˆıt, ce qui est bien normal. (8.112) entraˆıne :
M1(v) ≡ lim ∆t→0
1
∆tv(t + ∆t) − v(t) = −γv . (8.113)
De la mˆeme fa¸con, ´elevons au carr´e l’accroissement ∆v entre t et t + ∆t, donn´e par (8.111), et prenons la moyenne membre `a membre :
[v(t + ∆t) − v(t)]2 = v2(e−γ∆t− 1)2+ 2 m(e −γ∆t− 1) t+∆t t dtv(t)F (t) e−γ(t+∆t−t) + 1 m2 t+∆t t dt t+∆t t dtF (t) F (t) e−γ(t+∆t−t) e−γ(t+∆t−t) . (8.114)
36Il en r´esulte que tous les moments impairs sont nuls et que tous les moments pairs se d´eduisent des moments d’ordre 2.
37Avec un changement ´evident de notation, ce r´esultat peut se lire aussi :
v(t) = v0e−γt (8.110)
Le premier terme au second membre de (8.114) ne contribue pas `a M2 puisqu’il varie comme (∆t) ; le terme crois´e est d’ordre O(∆t1+α) avec α > 0 et ne donne rien `a la limite ∆t → 0. Seule reste l’int´egrale double,
laquelle est trouv´ee en tenant compte de (8.105) ; apr`es calcul on obtient :
M2(v) ≡ 1
2!∆tlim→0
1
∆t(∆v)2 = g
2m2 . (8.115)
On a ant´erieurement introduit la constante de diffusion pour la vitesse38, Dv= g/2m2de sorte que M2(v)≡ Dv; ce deuxi`eme moment est ici ind´ependant de la vitesse.
Il est clair que tous les moments impairs de ∆v, M2k+1, sont nuls, puisqu’ils ne contiendront que les moyennes du produit F (t1)F (t2) . . . F (t2k+1), contenant un nombre impair de facteurs d´ecorr´el´es d`es que les temps sont distincts et dont chacun a une moyenne nulle. En ce qui concerne les moments pairs, M2k (k > 1), on les trouve en effectuant les diff´erentes contractions comme indiqu´e dans la Remarque en fin de chapitre. On obtient donc un produit de k fonctions de Dirac δ(t1− t2)δ(t3− t4)...δ(t2k−1− t2k). Apr`es avoir effectu´e les int´egrations sur tous les instants t2q (1 ≤ q ≤ k), on se retrouve avec k int´egrales allant toutes de t `a t + ∆t
dont l’int´egrand est la constante gk. Le r´esultat est donc gk(∆t)k ; pour avoir le moment M2k, il faut rediviser par ∆t ; M2k est donc en (∆t)k−1 et tend donc vers z´ero quand ∆t tend vers z´ero si k ≥ 2 : comme annonc´e,
tous les moments d’ordre strictement sup´erieur `a 2 sont nuls ; ceci r´esulte clairement de l’hypoth`ese gaussienne sur la force fluctuante F (t) – qui, grˆace au Th´eor`eme de la Limite Centrale, est en fait assez peu restrictive.
Compte tenu de (8.64), (8.66), (8.113) et (8.115), on peut maintenant ´ecrire explicitement l’´equation de Fokker - Planck39 pour la distribution de la vitesse, p(v, t) :
∂ ∂tp(v, t) = − ∂ ∂v[(−γv) p(v, t)] + ∂2 ∂v2[Dvp(v, t)] , (8.116) soit : ∂ ∂tp(v, t) = +γ p + v∂p ∂v + Dv ∂2p ∂v2 . (8.117)
Pour la condition initiale δ(v− v0) `a t = 0, on sait que p(v, t) n’est rien d’autre que W (v, t|v0, 0).
La solution de (8.117) peut ˆetre trouv´ee par diverses m´ethodes – la plus simple ´etant sans doute de passer en transform´ee de Fourier, ce qui produit d’embl´ee la fonction caract´eristique de W (v, t|v0, 0) et permet
d’obtenir imm´ediatement tous les moments40. En posant donc : Ω(s, t) =
+∞ −∞
dv eivsW (v, t|v0, 0) , (8.118)
on trouve facilement `a partir de (8.117) que : Ω(s, t) = exp −Dvs2 2γ (1− e−2γt) + i s v 0e−γt . (8.119)
Par transformation de Fourier inverse, on obtient :
W (v, t|v0, 0) = √ 1 2πDvt exp −(v− v(t) )2 2Dv(t) , (8.120) avec : v(t) = v0e−γt , Dv(t) = Dv γ (1− e−2γt) . (8.121)
La distribution p(v, t), issue de la distribution de Dirac δ(v− v0) est donc `a nouveau une gaussienne. v (t)
est la moyenne de la vitesse `a l’instant t quand celle-ci vaut sˆurement v0 `a l’instant initial ; on peut donc
38Dvest une constante de diffusion pour une vitesse et a donc la dimension L2T−3.
39Un processus satisfaisant cette ´equation est appel´e processus d’Ornstein - Ulhenbeck.
40On peut aussi utiliser la m´ethode dite des caract´eristiques ([8], p. 75), qui est classique pour les ´equations aux d´eriv´ees partielles de ce type.
142 CHAPITRE 8. EQUATION MAˆITRESSE ET ´EQUATION DE FOKKER - PLANCK
rentrer le facteur certain v0dans la moyenne et en d´eduire ainsi la fonction d’auto-corr´elation de la vitesse not´ee ant´erieurement Cvv(t) (v0 ≡ v(t = 0)) :
v(0)v(t) = v2
0e−γt . (8.122)
γ−1 est donc le temps de relaxation associ´e `a une fluctuation initiale de vitesse, comme on l’a d´ej`a vu `a propos
de l’´etude du mouvement Brownien. Dv a bien la dimension du carr´e d’une vitesse et est, par construction, la valeur moyenne de (v− v(t) )2 quand la vitesse vaut sˆurement v0`a l’instant initial. Cet ´ecart quadratique est bien nul `a t = 0 (la vitesse est alors certaine) et tend vers Dv/γ aux grands temps : on retrouve ´evidemment la valeur finale du carr´e de la vitesse obtenue directement dans le chapitre pr´ec´edent.
L’´equation de Fokker - Planck pr´esente des analogies avec l’´equation de Schr¨odinger, avec cette diff´erence importante que le nombre imaginaire i n’est pas en facteur du terme de d´erivation en temps ; ceci est ´evidemment li´e au caract`ere irr´eversible de la dynamique engendr´ee par l’´equation de Fokker - Planck, alors que l’´equation de Schr¨odinger est, en l’absence de champ magn´etique, invariante par renversement du temps. L’op´erateur (diff´erentiel) de Fokker - Planck, au contraire du Hamiltonien, n’est pas en g´en´eral hermitien : si ses valeurs propres sont r´eelles (et mˆeme n´egatives ou nulles), ses vecteurs propres `a droite et ses vecters propres `a gauche ne co¨ıncident pas. Il existe cependant une transformation permettant de se ramener `a un probl`eme hermitique [34] : toute ´equation de Fokker - Planck peut se ramener `a une ´equation de type de Schr¨odinger.
En tout ´etat de cause, ce rapprochement ´etant fait, on se doute qu’il est possible de faire une analyse de l’´equation de Fokker - Planck en terme de fonctions propres Pλ associ´ees `a une d´ependance en temps e−λt
(λ≥ 0), tout comme les fonctions propres ψEde l’´equation de Schr¨odinger sont associ´ees aux ´etats stationnaires (au sens quantique) dont la d´ependance en temps est exp(Et/i). Quelques complications apparaissent li´ees du fait de la non-hermiticit´e de l’op´erateur de Fokker - Planck. Ceci ´etant, il existe ´evidemment des th´eor`emes de d´eveloppement permettant d’utiliser la base propre compl`ete pour repr´esenter toute fonction convenable ; on peut en particulier projeter sur cette base tout ´etat initial donn´e et en d´eduire (au moins formellement) son expression `a tout instant t ult´erieur41.
En M´ecanique Quantique, les ´etats stationnaires sont li´es au fait que l’´energie est r´eelle et que donc le facteur de phase disparaˆıt quand on prend le module au carr´e de la fonction d’onde. En ce qui concerne l’´equation de Fokker - Planck, les choses se pr´esentent diff´eremment : le facteur temporel est e−λt et un ´etat
stationnaire ne peut correspondre qu’`a une valeur propre λ nulle. Le nombre d’´etats stationnaires est donc finalement li´e `a la d´eg´enerescence de cette valeur propre ; comme la nature du spectre (l’ensemble des valeurs propres) est lui-mˆeme li´e aux conditions aux limites impos´ees, on pressent le rˆole des conditions aux limites dans le nombre et les caract´eristiques des ´etats stationnaires de l’´equation de Fokker - Planck42. Pour voir ceci, revenons `a l’´equation (8.116) et essayons de trouver une solution ind´ependante du temps, ps(v) ; une telle solution satisfait :
0 = γ d
dv[v ps(v)] + Dv d2
dv2ps(v) . (8.123)
Le rapport Dv/γ est homog`ene `a (vitesse)2/temps/[γ] = (vitesse)2 ; posons u2 = Dv/γ et int´egrons (8.123) membre `a membre ; il vient :
dps
dv +
v
u2ps(v) = A , (8.124)
o`u la constante d’int´egration A est le rapport d’un courant de vitesse43 Jv divis´e par Dv (A = Jv/Dv, [A] = 1/(vitesse)2). Cette ´equation s’int`egre en posant :
ps(v) = e−v2/(2u2)φ(v) , (8.125) ce qui conduit `a l’´equation suivante pour la fonction φ :
dφ dv = A e
+v2/(2u2) . (8.126)
41C’est cette m´ethode que l’on utilise aussi, par exemple, pour r´esoudre l’´equation de la chaleur.
42Tout comme en M´ecanique Quantique, les conditions aux limites jouent un rˆole crucial ; on sait que ce sont elles qui, via le sens physique accord´e `a la fonction d’onde et l’exigence de sommabilit´e qui en d´ecoule, conduisent `a la quantification spontan´ee de l’´energie des ´etats li´es.
Il en r´esulte :
ps(v) = e−v2/(2u2)ps(0) + A v
0
dve−(v2−v2)/(2u2) . (8.127)
ps(0) et A sont des constantes d’int´egration fix´ees par des conditions impos´ees au syt`eme. La solution `a courant de vitesse nul (A = 0) est :
ps(v) = e−v2/(2u2)ps(0) (8.128) qui se normalise (−∞ < v < +∞) en :
ps(v) = √u
2πe
−v2/(2u2) . (8.129)
Dans l’hypoth`ese de l’´equilibre thermique, on sait que Dv/γ = kBT /m, de sorte que : ps(v) =
m
2πkBT e
−mv2/(2kBT ) . (8.130)
Ceci n’est rien d’autre que la distribution de Maxwell de la vitesse `a une dimension.