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Episodes de rifting en Afar ` ´ a l’´echelle du segment

Les ´episodes de rifting sont des ´ev´enements de d´eformation transitoire correspon-dant `a des intrusions magmatiques dans la croˆute. M´ecaniquement le magma `a tendance `

a se mettre en place perpendiculairement `a la direction de la contrainte principale mi-nimale (σ3) et parall`element `a la direction de la contrainte principale maximale (σ1). Dans un environnement subissant une extension d’origine tectonique, σ1 est verticale et σ3 correspond `a la direction d’extension. La g´eom´etrie pr´ef´erentielle des intrusions magmatiques correspond donc `a des filons magmatiques, des dykes, d’´epaisseur m´etrique `

a pluri-m´etrique.

1.2.3.1 L’´episode de rifting 2005-2009 de Manda Hararo-Dabbahu

L’´episode de rifting le plus r´ecent en Afar s’est produit entre 2005 et 2009 dans le rift de Manda Hararo-Dabbahu, le long de la fronti`ere de plaque entre la Nubie et l’Ara-bie (Hamling et al., 2010). Il constitue un ´ev´enement majeur du processus d’accr´etion crustale de par son ampleur et sa dur´ee. Entre le 14 septembre et le 4 octobre 2005, 162 s´eismes de magnitude comprise entre 4.1 et 5.2 sont enregistr´es (Yirgu et al., 2006). Le s´eisme de magnitude maximale se produit le 26 septembre 2005 auquel succ`ede l’in-trusion d’un mega-dike. Les donn´ees InSAR ont permis de reconstituer le champ de d´eformation de surface cr´e´e par cet ´ev´enement. Ces ´etudes g´eod´esiques rel`event la mise en place d’une intrusion magmatique de 60 km de long entre 2 et 9 km de profondeur avec une ouverture moyenne de 5 m et un volume de 2km3

(Wright et al., 2006; Ayele et al., 2007; Grandin et al., 2009). Des signes de subsidence contemporains `a l’intru-sion t´emoignent du rˆole des r´eservoirs magmatiques `a l’extr´emit´e nord et au centre du segment pour l’alimentation du dike en magma (Grandin et al., 2009; Hamling et al., 2010). Un total de 13 intrusions, d’un volume 10 fois moins important, ont ensuite ´et´e d´etect´ees entre 2006 et 2009 (Wright et al., 2006; Ayele et al., 2007; Grandin et al., 2009) entre lesquelles sont observ´ees des d´eformations transitoires associ´ees au remplis-sage d’un r´eservoir crustal (Grandin et al., 2010). L’ensemble de ces d´eformations se sont d´eroul´ees dans un contexte particuli`erement asismique, avec un moment sismique relˆach´e plus d’un ordre de grandeur plus faible que l’estimation du moment g´eod´esique, 6.7.1018

Nm contre ∼ 8.0.1019

Nm d’apr`es les estimations de Wright et al. (2006).

1.2.3.2 Crise sismo-volcanique de 1978 d’Asal-Ghoubbet

La crise sismo-volcanique de 1978 d´ebute le 6 novembre avec une s´erie de plus de 800 s´eismes enregistr´es `a l’Observatoire G´eophysique d’Arta (Allard et al., 1979). Du

7 au 10 novembre, le nombre de de s´eismes (mb>0) par jour atteint plus de 2000 avec deux chocs principaux les 7 et 8 novembre de magnitude respective mb=5.3 et mb=5. Cette crise sismique s’´etend sur 2 mois. La majorit´e des s´eismes sont localis´es au niveau de la partie axiale du Ghoubbet (Abdallah et al., 1979; L´epine et al., 1980). L’activit´e sismique du secteur ´emerg´e du rift reste plus faible.

Le 7 novembre, au niveau de l’axe actif du rift ´emerg´e, d´ebute une s´equence ´eruptive d’une semaine qui aboutit `a la formation du cˆone volcanique de l’Ardoukoba. Cette ´eruption fissurale se d´eveloppe sur un segment de faille normale de ∼0.75km de long (Allard et al., 1979). Du point de vue tectonique (Le Dain et al., 1980), les failles et les fissures ouvertes r´eactiv´ees sont nombreuses et se concentrent au sein d’une bande de ∼3-4km de large et ∼15km de long dans la partie interne du rift. La tendance g´en´erale de ces structures est parall`ele `a la direction du rift. Les failles pr´esentent des longueurs de 100m `a plusieurs km, des ´ecartements de quelques dizaines de mm `a plus de 1m et un rejet maximal sup´erieur `a 0.5m (Abdallah et al., 1979; Allard et al., 1979). Des mesures g´eod´esiques avant et apr`es la crise de rifting (Fig. 1.24) ont permis de mettre en ´evidence une extension horizontale perpendiculaire `a l’axe du rift de plus de 2m `a travers une zone centrale ´etroite alors que les zones plus externes (au niveau des flancs du rift) pr´esentent plusieurs dizaines de centim`etres de contraction (Ruegg et al., 1979). Quant aux d´eformations verticales, une subsidence du plancher interne de ∼70cm au sein d’une zone de ∼2km de large est observ´ee alors que les flancs subissent une surrection de ∼20cm sur des bandes de ∼1km de large. La cons´equence g´en´erale de cette d´eformation verticale est une accentuation de la topographie pr´e-existente (Abdallah et al., 1979), sugg´erant que la morphologie actuelle du rift s’est construite par une succession d’´ev´enements similaires de rifting actif (Gasse et Fontes, 1989; Stein et al., 1991).

Un mod`ele m´ecanique ´elastique a ´et´e ´etabli `a partir d’une inversion des donn´ees g´eod´esiques en surface (Tarantola et al., 1979, 1980). La lithosph`ere amincie de la zone de rift est assimil´ee `a une couche ´elastique homog`ene d’´epaisseur constante (∼4.5km apr`es inversion). L’asth´enosph`ere sous-jacente est fluide et en ´equilibre hydrostatique avec la lithosph`ere. Le champ de contraintes horizontales g´en´er´e par le mouvement des plaques provoque un ´etirement uniaxial progressif du syst`eme qui se d´eforme ´elastiquement. Le mod`ele propose un ´episode de rupture, lorsque la limite d’´elasticit´e est atteinte (∼1.8. 10−4

apr`es inversion) mettant en jeu deux dykes. Les dykes sont localis´es au sein du champ de fissures ´emerg´ees et dans le Ghoubbet, avec des longueur respectives de 4.1km et 8.9km (la localisation, la longueur et l’orientation des dyke sont obtenues apr`es inver-sion) (Tarantola et al., 1980). Le mod`ele permet d’estimer la largeur des dykes `a 2.1m et 4.1m dans la partie ´emerg´ee et dans le Ghoubbet respectivement. Le volume total des dykes est 0.2km3

Figure 1.24:Mouvements verticaux au travers du rift d’Asal-Ghoubbet (en haut) mesur´e par nivellement entre 1973 et 1978. La premi`ere figure permet de lo-caliser la ligne de nivellement, les fl`eches indiquent la direction et l’amplitude du mouvement. La seconde figure montre les changements d’altitude en projection sur un profil perpendiculaire `a l’axe du rift. La troisi`eme figure repr´esente la topogra-phie (Ruegg et al., 1979). Directions principales et valeurs du tenseur des d´eformations (en bas) pour chaque triangle du r´eseau g´eod´esique, d´eduites de mesures g´eod´esiques exp´erimentales. Superpos´ees `a une carte tectonique sch´ematique du rift d’Asal-Ghoubbet, indiquant les principales failles r´eactiv´ees et l’´etendue de l’´eruption fissurale de Novembre 1978 au sein de la partie ´emerg´ee du rift (Ruegg et al., 1979; Tarantola et al., 1980).

De telles crises, associ´ees `a une ´eruption courte mais impliquant un volume mag-matique important intrud´e dans la croˆute et ´emis en surface, sont caract´eristiques des zones de rift (Allard et al., 1979; Ruegg et al., 1979; Pollard et Aydin, 1984; Rubin, 1992). Elles renforcent l’hypoth`ese que les m´ecanismes de rifting et par extension les m´ecanismes d’expansion du plancher oc´eanique sont r´egis par des ´episodes soudains et quasiment instantan´es qui se produisent `a une fr´equence de l’ordre du si`ecle. Un taux moyen d’extension de 1.5 m par si`ecle est donc plus appropri´e que 15 mm/an pour le segment d’Asal-Ghoubbet (Allard et al., 1979).

Suite `a cette crise de rifting de 1978, l’int´erˆet pour le rift d’Asal-Ghoubbet s’est accru. De nombreuses ´etudes g´eophysiques, en particulier g´eod´esiques et sismologiques, ont ´et´e conduites au niveau de ce segment avec la mise en place de r´eseaux p´erennes de mesures d’instrumentation permanente (notamment pour la sismologie). Il constitue un site id´eal pour observer la d´eformation co-, post- et inter- diking au sein et autour du rift. L’´evolution temporelle et les aspects transitoires de l’activit´e du rift seront d´ecrits au Chapitre 5.