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Epidémiologie des tentatives de suicide et récidives des comportements suicidaires

I. REVUE DE LITTERATURE

1.3. EPIDEMIOLOGIE ET DONNEES CLINIQUES DES CONDUITES SUICIDAIRES

1.3.3. Epidémiologie des tentatives de suicide et récidives des comportements suicidaires

1.3.3.1 Les Tentatives de suicide.

La tentative de suicide (TS) est un comportement auto-infligé avec intention de mourir, potentiellement dangereux mais sans issue fatale (Silverman Berman, Sanddal, O'carroll, & Joiner, 2007).

Aux Etats-Unis (Kessler, Borges & Walter, 1999), l’Enquête Nationale de Comorbidité réalisée entre 1990 et 1992 auprès de 5877 personnes de 15 à 54 ans, observe une prévalence sur la vie des idéations suicidaires estimée à 13,5%. Quatre pour cent ont rapporté un plan et 4,6% une tentative de suicide. Les probabilités cumulées étaient de 34% pour le passage de l'idéation au plan, de 72% pour le passage du plan à la tentative et de 26% pour le passage de l'idéation à une tentative sans plan. Environ 90% des premières tentatives non planifiées et 60% des tentatives planifiées survenaient dans l'année suivant l'apparition de l'idéation.

En France environ 8 % de la population métropolitaine adulte déclare avoir fait une tentative de suicide au cours de sa vie (9% des femmes et 6% des hommes de plus de 18 ans) (Badeyan et Parayre, 2001).

On estime qu’en France chaque année ont lieu 130 000 à 180 000 tentatives de suicide dont 120 000 à 154 000 passent aux Urgences (Badeyan et Parayre, 2001).

1.3.3.2. Les comportements suicidaires dans la région Midi-Pyrénées.

Midi-Pyrénées fait parti des trois régions (avec l’Île-de-France et l’Alsace) où les taux de sous-estimation sont les plus élevés et évalués à environ 30% (Inserm 2002).

Cependant, en 2010 dans les 36 services d’urgence de Midi-Pyrénées, le nombre de TS par intoxication médicamenteuse volontaire pris en charge aux urgences de Midi-Pyrénées est estimé entre 5 731 et 6 470, soit 1 % des passages des 11-110 ans.

Les femmes tentent le plus souvent de se suicider par intoxication médicamenteuse (82% contre 68%), et les hommes ont deux fois plus recours que les femmes aux moyens violents et traumatiques (24% contre 13%) (DRASS 2005).

La région fait partie des moins touchées par le suicide en France. Le taux de mortalité par suicide est de 21 pour 100 000 hommes et 7,5 pour 100 000 femmes en moyenne et par année entre 2003 et 2005. Par contre ce taux n’a pas diminué depuis 1997-1999 contrairement au taux national. On observe également des inégalités de ce taux et la fréquence des décès est deux fois moins importante en Haute-Garonne que dans les autres départements (Inserm 2005).

1.3.3.3. La récidive des comportements suicidaires.

Les études de cohorte montrent que la récidive de tentatives de suicide est très importante au cours de l’année qui suit une tentative de suicide et peut varier de 9% à 32% dans une période d’un an. Cedereke et Ojehagen (2005) ont montré que sur un échantillon de 216 personnes ayant fait une tentative de suicide, 30 ont refait une tentative de suicide entre 1 et 12 mois après la tentative de suicide indexée, 13 ont refait une tentative moins d’un mois après, et parmi eux, 9 ont encore récidivé entre 1 et 12 mois après la tentative de suicide indexée. Dans l’étude multicentrique sur les comportements suicidaires de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), plus de la moitié des sujets avaient fait une récidive (Osvath, Kelemen,

Erdos, Voros & Fekete, 2003). Le taux de répétition de tentative de suicide ainsi que le taux de suicide seraient les plus élevés dans les premières années suivant la tentative de suicide (Tejedor, Diaz, Castillon & Pericay, 1999). Avoir fait plusieurs tentatives de suicide est fréquent dans les échantillons de suicidés : au moins 1 % des patients ayant fait une tentative de suicide se suicident dans l’année suivante et 3-10% se suicideraient dans les années suivantes (Gunnel et Frankel, 1994 ; Hawton et Fagg, 1988 ; Runeson, Beskow & Waern, 1996 ; Cooper et al., 2005, Owens, Horrocks & House, 2002).

Certains auteurs se sont demandés si les personnes qui faisaient plusieurs tentatives de suicide constituaient un sous groupe différent de ceux qui ne faisaient qu’une tentative de suicide. Esposito, Spirito, Boergers & Donaldson (2003) rapportaient que les adolescents qui répétaient les tentatives de suicide étaient plus souvent diagnostiqués avec un trouble de l’humeur, et rapportaient des symptômes de dépression et de colères plus sévères. Ils présentaient également des taux plus élevés de troubles du comportement, de dérégulation de l’humeur, d’auto-mutilation et de désespoir. Les troubles mentaux apparaissaient en général plus tôt et la comorbidité était plus importante dans ce sous-groupe. Rudd et al., ont étudié la relation entre un diagnostic psychopathologique évoqué pendant l’enfance et la récidive des tentatives de suicide sur un échantillon de 327 personnes ayant des idées suicidaires. L’échantillon se divisait entre 174 personnes ayant reçu un diagnostic psychopathologique et 153 personnes sans diagnostic. Les résultats montraient qu’un antécédent de trouble anxieux ou de trouble dépressif pouvait augmentait le risque de faire plusieurs tentatives de suicide plus tard, et de développer un trouble de la personnalité. D’Eramo, Prinstein, Freeman, Grapentine & Spirito (2004) ont évalué la relation entre les antécédents de comportements suicidaires et le fonctionnement psychiatrique en comparant des groupes d’adolescents hospitalisés dans une unité psychiatrique. Les résultats ont montré que la sévérité des idées suicidaires augmentait avec la sévérité des comportements suicidaires. Les adolescents ayant fait plusieurs tentatives de suicide étaient plus susceptibles d’être diagnostiqués avec un trouble, le plus souvent lié à la consommation de substances et d’avoir plus d’un diagnostique de comorbidité par rapport aux adolescents sans antécédents de comportements suicidaires et à ceux ayant seulement des idées suicidaires (D’Eramo et al., 2004). Les adversités rencontrées pendant l’enfance ont été également observées comme un éventuel facteur de risque de la récidive des comportements suicidaires (Soderberg, Kullgren, & Renberg, 2004 ; Talbot, Duberstein, Cox, Denning & Conwell 2004), ainsi que les antécédents familiaux de troubles mentaux et de comportements suicidaires (Walrath et al., 2001 ; Reynolds et Eaton, 1986).

Enfin, dans une étude plus récente, Pagura, Cox, Sareen, & Enns (2008) ont évalué les facteurs associés à la récidive des comportements suicidaires en comparant des personnes ayant fait plusieurs tentatives de suicide versus des personnes n’ayant fait qu’une tentative de suicide. L’originalité de cette étude tient dans le fait que c’est l’une des premières à utiliser un grand échantillon représentatif de la population générale des Etats-Unis (N=9484). Concernant les variables psychiatriques, la présence d’au moins un trouble anxieux, un trouble de l’humeur ou et la comorbidité de plus de trois troubles mentaux ont différencié les personnes ayant fait plusieurs tentatives de suicide par rapport à celles qui en ont fait seulement une. Quoi qu’il en soit, la présence d’un trouble de l’humeur et d’un trouble lié aux substances était significativement associée à la récidive.