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Les Scytalidium spp sont des moisissures kératinophiles appartenant au groupe des champignons à filaments septés. On distingue deux espèces pathogènes: S. dimidiatum et son variant non pigmenté S. hyalinum.

En zone tropicale et subtropicale (Afrique, Amérique, Asie et Antilles), S. dimidiatum et S. hyalinum sont souvent responsables d’onyxis des mains et des pieds. Ces lésions étant comparables à celles occasionnées par les dermatophytes, Scytalidium spp fait partie des moisissures appartenant au groupe des pseudodermatophytes. Concernant les atteintes palmaires, il faut

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préciser que pour Scytalidium spp celles-ci sont généralement bilatérales, contrairement aux dermatophytes qui eux, occasionnent une atteinte palmaire plutôt unilatérale [77,50] .Le diagnostic biologique repose sur la présence, à l’examen direct, de filaments cloisonnés, tortueux, de calibre irrégulier qui ressemblent aux filaments de dermatophytes.

En culture, des colonies blanches (S. hyalinum) à grises (S. dimidiatum) sont obtenues en quelques jours sur milieu de Sabouraud sans cycloheximide. L’examen microscopique met en évidence des arthroconidies cloisonnées (une ou deux cloisons) plus larges que les filaments.

Dans de nombreux pays tropicaux, Scytalidium spp est le premier agent infectieux responsable d’onyxis. En France métropolitaine, comme dans d’autres pays d’Europe, les scytalidioses cutanées sont principalement importées des Antilles, de la Guyane française, d’Afrique et d’Asie. [20,97]

Scytalidium hyalinum: pousse rapidement à 25 °C sur milieu de Sabouraud sans cycloheximide. Il produit des colonies extensives, laineuses ou cotonneuses avec un mycélium aérien important. La couleur est blanche à gris clair, et le verso est pâle.

Sur le plan morphologique, les hyphes sont réguliers, septés, hyalins. Ils produisent au départ des arthroconidies unicellulaires de 5 à 12µm de long sur 2,5 à 3,5µm de large. Puis, tardivement, ces arthroconidies peuvent s’élargir (4-6µm de large) et présenter une cloison centrale [82]. (Figure 11, 12)

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Figure 11: Scytalidium hyalinum : Culture sur gélose de Sabouraud de 8 jours

[Photo du service de parasitologie, HMIMV]

Figure 12: Scytalidium hyalinum : Arthroconidies cylindriques à cubiques

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Scytalidium dimidiatum : Les infections à Scytalidium ont été décrites en 1970

par Gentles et Evans chez huit patients. Un variant blanc a été décrit quelques années plus tard par Campbell. Depuis cette espèce est fréquemment isolée d’onyxis des mains et des pieds dans les pays tropicaux et en Europe dans les villes cosmopolites. Ces onychomycoses sont habituellement au départ de type sous-unguéal distal (Figure 13).

Figure 13: Scytalidium dimidiatum : Onyxis de plusieurs ongles

[Photo du service de parasitologie, HMIMV]

Scytalidium dimidiatum pousse rapidement en culture uniquement sur milieu de

Sabouraud sans cycloheximide auquel il est habituellement sensible. Les colonies sont duveteuses, noires (Figure 14) et des arthrospores caractéristiques se forment à partir des filaments (figure 15).

Les filaments sont de diamètre irrégulier. Certains sont hyalins (les plus étroits), d’autres pigmentés en brun, à paroi épaisse. Ils forment des arthrospores rectangulaires à cubique, uni ou bicellulaire de 4 à 6µm de diamètre.

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Exceptionnellement, on peut obtenir des pycnides (200 à 300 µm de diamètre) dont les spores sont hyalines ou brunes, unicellulaire ou tricellulaires [7]

Figure 14: Scytalidium dimidiatum : Culture sur gélose de Sabouraud de 8 jours

[Photo du service de parasitologie, HMIMV]

Figure 15: Scytalidium dimidiatum : arthroconidies

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IV.2 Aspects cliniques

Les pseudodermatophytes peuvent donner des manifestations cliniques assez semblables les unes aux autres voire à d’autres espèces de dermatophytes et de Candida. Les manifestations cliniques peuvent être classées en fonction de la voie par laquelle l’agent pathogène pénètre l’appareil unguéal et en fonction du stade évolutif de la pathologie [94,9,86,33,20,]. En effet, une classification proposée par N. ZAIAS et modifiée par R .HAY et R. BARAN permet de distinguer quatre types d’onychomycoses :

 Onychomycose sous unguéale proximale.

 Onychomycose blanche superficielle ou leuconychie superficielle mycosique.

 Onychomycose sous-unguéale distolatérale.

 Onychomycodystrophie totale [86, 8,5]

Onychomycose sous-unguéale proximale (OSP) :

L’onychomycose sous-unguéale proximale est la variété clinique des onychomycoses à moisissures la plus fréquente. Les espèces responsables de cette variété sont Scopulariopsis brevicaulis et Scytalidium. [105,9]

L’atteinte commence par une pénétration de l’agent pathogène par la face ventrale du repli sus-unguéal, elle peut être mono ou pauci-dactyliques, touchant les doigts ou les orteils, pour les ongles des orteils le gros orteil est le plus souvent atteint. L’OSP peut être limitée à la région de la lunule ou affecte la tablette entière de l’ongle se manifestant par un périonyxis souvent avec pus [9] associé à des leuconychies proximales plus ou moins étendues [109,75] . Aux doigts, le repli sus-unguéal est tendu, tuméfié, parfois érythémateux, la cuticule peut être en place. Ultérieurement, la lame unguéale décollée avec souvent une

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hypercourbure transversale apparaît blanche ou jaunâtre, le lit unguéal sous-jacent est peu hyperkératosique. [9]

Au niveau de la main, l’inflammation est fréquente et peut gagner la première phalange. Contrairement aux atteintes dermatophytiques, l’évolution semble plus rapide, de quelques semaines à quelques mois. En l’absence de traitement, une onychogryphose ou une panonycholyse peuvent s’observe. [85]

Onychomycose superficielle blanche ou leuconychie superficielle mycosique :

La pénétration du champignon s’effectue par envahissement de la surface de la tablette.

Il est généralement admis que l’onychomycose superficielle blanche (OSB) serait une variété clinique des onychomycoses à dermatophytes et notamment celle causée par le Trichophyton Interdigitale [64,54].Pourtant, d’après N .ZAIAS, [114] 5% des OSB seraient causées par des non-dermatophytes. Une autre étude récemment menée, affirme même que ces non-dermatophytes causeraient jusqu’à 21% des cas des OSB essentiellement Scytalidium dimidiatum et plus rarement Onychocola canadensis. [62]

L’OSB causée par ces pseudodermatophytes touche surtout les ongles des orteils et principalement le gros orteil et peut ressembler à celle causée par les dermatophytes avec notamment une ou plusieurs taches blanches siégeant au milieu de l’ongle et disparaissant au grattage, comme elle peut bien se manifester par un envahissement en largeur et en profondeur du pathogène dans l’ongle. Dans ce cas l’ongle devient opaque, friable de couleur blanche avec des taches jaune brun. La production de conidies pigmentées par le pathogène au sein de l’ongle peut être à l’origine de cette coloration. Celle-ci peut couvrir

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toute la surface de la lame unguéale qui est alors ramollie et arrive souvent au repli proximal. Le grattage de la lésion à la curette ou au bistouri révèle des pénétrations des hyphes qui atteignent parfois la partie ventrale de la tablette unguéale. L’évolution est habituellement rapide. Scytalidium dimidiatum peut causer une onychomycose superficielle noire caractérisée par de petites taches noires opaques qui peuvent être curetées aisément. [59]

Onychomycose sous-unguéale distolatérale (OSDL) :

OSDL est la plus fréquente, Les dermatophytes sont les principaux agents étiologiques de cette variété clinique et peuvent causer jusqu'à 90% des cas. Il est à noter que certaines moisissures, dont notamment le Scytalidium. [66,9]

peuvent causer des onychomycoses ayant une clinique similaire pouvant atteindre 40% des OSDL dans les zones d’endémie.

Les moisissures pouvant être derrière ces OSDL sont :

Scytalidium avec ses deux variétés, S .dimidiatum et S.hyalinum, peut provoquer des OSDL des mains et des pieds. [7]

Onychocola canadensis provoque principalement des OSDL, dont le gros orteil est le plus fréquemment atteint. Cette moisissure semble atteindre préférentiellement des sujets âgés (âge moyen : 70 ans), ayant des troubles vasculaires des membres inférieurs (lymphœdeme, ulcère de jambe), tandis que chez les enfants aucun cas n’a été décrit jusqu’à présent. Une répartition des cas d’OSDL à Onychocola canadensis selon le sexe, montre une nette fréquence chez les femmes. On note également qu’une grande majorité des sujets atteints vivent en région rurale et ont des occupations ou loisirs en rapport avec le travail de la terre. [79]

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Dans les OSDL L’atteinte commence par la pénétration des micro-organismes dans la région sous-unguéale par la rainure distale, envahissant l’hyponychium, le lit de l’ongle et la face ventrale de la tablette suite à une fragilisation des attaches de celle-ci. [9]

L’infection se traduit par une hyperkeratose sous-unguéale distale responsable d’une onycholyse distale ou disto-latérale. Le découpage de la tablette pathologique est facile, compte tenu de l’onycholyse et non douloureux. Il permet d’observer l’aspect très particulier de l’hyperkératose sous-unguéale; friable, poudreuse, souvent jaune, voire orangée notamment dans les ongles des orteils. Pour les ongles des doigts, l’onycholyse distale laisse apparaître un lit peu hyperkératosique et l’hyperkératose sous-

unguéale est en général moins friable et poudreuse qu’aux orteils, donc moins caractéristique, voire psoriasiforme.

La progression ascendante du pathogène entraîne une progression des signes cliniques vers la région lunulaire puis la région cuticulaire. La totalité de la lame est alors atteinte devenant épaisse et dyschromique. La lame unguéale devient partiellement ou totalement pigmentée de brun [44] (par exemple le Scopulariopsis brevicaulis engendre une coloration brun-cannelle). Les travées longitudinales leuconychiques, ou xanthonychiques qui peuvent apparaître au cours de l’infection remontent jusqu’à la base de la lame unguéale laissant suspecter une atteinte de la lame unguéale proximale située sous le repli sus-unguéal [9]

Dans le cas de Scytalidium (Sc .dimidiatum, Sc. Hyalinum), l’OSDL produite est souvent similaire à celle engendrée par les dermatophytes, particulièrement pour les ongles des orteils. Cependant, certaines caractéristiques de l’infection par cette moisissure peuvent orienter le

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clinicien à la suspecter dont notamment l’atteinte d’un seul ongle et l’association à une paronychie et à des fractures transversales de la tablette unguéale proximale, Aux mains, l’hyperkératose sous-unguéale est parfois de coloration brune. [9,68]

Onychodystrophie mycosique totale

Cette forme est le plus souvent secondaire et constitue le mode évolutif d’une onychomycose, localisée, disto-latérale, non traitée. L’ongle devient ainsi progressivement, épaissi et déformé avec, parfois, un empâtement des tissus péri unguéaux.

IV.3 Diagnostic mycologique

Comme mentionné, les onychomycoses causées par un pseudodermatophyte peuvent parfois avoir une clinique similaire à une onychopathie non fongique. Ainsi, le diagnostic mycologique s’impose comme une démarche indispensable pour l’identification de l’agent étiologique et par la suite le choix du traitement approprié afin d’éviter au patient des traitements longs, inutiles et coûteux. [5] Au terme de l’examen direct réalisé en une heure environ, la présence d’éléments fongiques confirme l’infection fongique. Mais il n’est pas toujours aisé de trancher entre filaments mycéliens de dermatophytes ou de pseudodermatophytes et parfois avec des pseudo-filaments de levures. Scopulariopsis brevicaulis peut être évoqué en présence de spores pigmentées, en montgolfière, à paroi épaisse mais la spore ne traduit pas la forme parasitaire de cette moisissure. On peut également suspecter l’existence de Scytalidium hyalinum et Scytalidium dimidiatum sur leurs filaments étroits et tortueux, d’autant plus que cette dernière apparait pigmentée.

Sur le plan clinique, il faut distinguer les onychomycoses dues à un Scytalidium et celles dues à une autre moisissure. En effet, les Scytalidium ont un

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comportement identique aux dermatophytes (Trichophyton rubrum). Ils représentent 40 % des atteintes fongiques des pieds en zone d’endémie. Les autres moisissures (Fusarium, Scopulariopsis, Aspergillus, Penicillium…) sont omniprésentes dans notre environnement (dans la terre, sur les plantes…) et le plus souvent viennent s’accrocher de façon transitoire à une hyperkératose sous-unguéale quelle qu’en soit l’origine. Cependant en cas d’altération de la kératine d’un ongle, secondaire à un traumatisme ou en raison d’une affection dermatologique, certaines moisissures peuvent devenir de vrais parasites de l’appareil unguéal altéré.

L’identification d’une espèce fongique repose sur l’analyse des critères culturaux (température et vitesse de croissance, milieux favorables) et morphologiques. Ces derniers sont constitués des paramètres macroscopiques (aspect des colonies, de leur revers, ….) et microscopique (aspect du mycélium, des spores, des phialides, des conidiophores,…)

-Critères d’identification macroscopique :

Aspect des colonies : Représente un critère d’identification. Les champignons filamenteux forment des colonies duveteuses, laineuses, cotonneuses, veloutées, poudreuses ou granuleuses; parfois certaines colonies peuvent avoir une apparence glabre (l’absence ou pauvreté du mycélium aérien).

Relief des colonies: Il peut être plat ou plissé et la consistance des colonies peut être variable (molle, friable, élastique ou dure).

Taille des colonies: Elle peut-être très variable en fonction des genres fongiques : petites colonies ou au contraire, colonies étendues, envahissantes (Scytalidium sp).

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Couleur des colonies: C’est un élément très important d’identification, les couleurs les plus fréquentes sont le blanc, le crème, le jaune, l’orange, le rouge allant jusqu’au violet ou le bleu, le vert, le brun allant jusqu’au noir. Les pigments peuvent être localisés au niveau du mycélium ou diffuser dans le milieu de culture.

Structures de fructification: La présence ou l’absence, au centre de la colonie, des structures de fructification sexuée (cléistothèces) ou asexuée (pycnides) est aussi un élément important de diagnose.

-Critères d’identification microscopique :

L’examen microscopique d’une colonie fongique se fait après réalisation d’un étalement entre lame et lamelle et coloration de la préparation au Bleu Cotton. Généralement, un examen à l’objectif 40 est suffisant pour mettre en évidence la plupart des éléments importants de diagnose :

Le thalle : Tous les champignons possèdent un appareil végétatif constitué de filaments (hyphes) qui, en ensemble, forment le thalle filamenteux ou le mycélium, le thalle peut être siphoné ou septé :

• Le thalle siphonné, constitué d’éléments tubulaires peu ou pas ramifié, de diamètre large et irrégulier (5-15 µm), non cloisonné est caractéristique des Zygomycètes.

• Le thalle septé ou cloisonné, constitué de filaments de diamètre étroit (2-5 µm) et régulier, divisé par des cloisons en articles uni ou pluricellulaires est caractéristique des Ascomycètes, Basidiomycètes et Deutéromycètes. Les spores : Sont le produit de la reproduction asexuée, peuvent être endogènes ou exogènes:

• Les spores endogènes (endospores) sont produites à l’intérieur d’un sac fermé (sporange), porté par un filament spécialisé (sporangiophore). Ces

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spores, que l’on observe par exemple chez les Mucorales, sont libérées par le déchirement de la paroi de sporange à maturité.

• Les spores exogènes (conidies), retrouvées chez les Ascomycètes, Basidiomycètes et Deutéromycètes, sont formées par bourgeonnement à partir d’une cellule spécialisée (cellule conidiogène).

L’examen des spores et de leur organisation est une étape importante de l’identification fongique.

Modes de formation des conidies :

• Le mode thallique : la formation des spores s’effectue à partir d’éléments préexistants du thalle.

• Le mode blastique : les spores sont formées par bourgeonnement à partir de cellules conidiogènes différenciées ou pas, puis une cloison se forme à l’émergence de bourgeon et la cellule fille (la spore) se sépare de la cellule mère.

Mode de groupement des conidies :

Les conidies sont, en général, regroupées à l’extrémité de la cellule conidiogène. L’organisation de ce regroupement est aussi un facteur d’identification. Ex. Chaînes basipètes de. Scopulariopsis brevicaulis.

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