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Entretien avec Régine VIAL, distributrice aux Films du Losange 2 juin

Produire et distribuer le cinéma d’auteur

1. Entretien avec Régine VIAL, distributrice aux Films du Losange 2 juin

— Première question sur vous tout d’abord. Comment êtes-vous entrée au sein de la distribution des Films du Losange et en quelle année ?

Régine VIAL — Je suis arrivée au Losange en 1986. A l’origine, j’étais professeur de français, puis je me suis occupée d’un cinéma d’art et d’essai avant de travailler pour Gaumont, pendant trois ans, afin de développer un secteur scolaire. C’est à ce moment-là que Margaret Menegoz m’a contactée pour développer un secteur distribution, car, avant, les films étaient distribués par des compagnies extérieures. Son projet était de développer un outil permettant d’accompagner nous-mêmes les films que nous produisions, plutôt que de confier cette tâche à une compagnie extérieure au sein de laquelle notre film serait dispersé parmi tant d’autres. C’est ainsi que l’idée est née.

— Pourquoi le Losange a-t-il décidé d’ajouter la distribution à ses activités ? Selon vous, cela permet-il plus d’indépendance vis-à-vis de la production, de suivre le film dans la continuité ?

Régine VIAL — Cela apporte de la cohérence, de la liberté. Quand vous faites un film, ce qui est intéressant, c’est de l’accompagner tout au long de sa vie. Un film c’est comme un bébé, on le porte et après il faut le faire vivre. Je pense que sortir un film, c’est le faire grandir, lui donner vie, c’est lui faire rencontrer un public, trouver son chemin. Cela a du sens car cela permet non seulement au moment de la sortie, mais même des années plus tard, de faire vivre un catalogue, de faire en sorte qu’il existe, de le faire voir et revoir, de le transformer. Nous sommes aujourd’hui à l’ère du numérique, donc le catalogue doit être transformé en fichiers numériques. Le fait d’avoir un outil qui anticipe tout cela permet d’être plus près du monde du marché que lorsque l’on est un producteur solitaire.

— J’ai pu constater un phénomène, aujourd’hui au Losange : on compte plus de films distribués que de films produits...

Régine VIAL — Le Losange produit environ un à deux films par an. Des réalisateurs et producteurs amis nous ont rapidement rejoints, notamment Jacques Rivette et Martine Marignac, avec La Bande des quatre. Petit à petit, nous avons distribué des films à l’extérieur

et ces films sont devenus de plus en plus nombreux, jusqu’à dépasser le nombre de films produits car la cadence de production ne peut être aussi rapide que la cadence de distribution. — On va parler un peu des deux fondateurs, Eric Rohmer et Barbet Schroeder. Sont-ils toujours des figures importantes pour le Losange ?

Régine VIAL — Bien sûr. Rohmer est une figure importante, pour le Losange, mais également pour le cinéma français et mondial. Il y a deux ans, nous avons refait un coffret et réalisé une rétrospective. Nous sommes actuellement en train de numériser tous ses films. Eric Rohmer est vraiment l’âme de la maison. Il incarne cette philosophie d’un cinéma d’auteur, d’un cinéma au coût raisonnable, d’un cinéma qui a du fond, une certaine vision du monde et de la jeunesse. Le cinéma envisagé comme une œuvre d’art, comme une forme artistique.

Barbet a fondé le Losange quand il avait 19 ans. Il a mis en gage le tableau d’un expressionniste allemand. Il a produit La boulangère de Monceau et Paris vu par… qui est en quelque sorte le film manifeste de la Nouvelle Vague. Actuellement, nous distribuons son dernier film, intitulé Amnesia, que nous avons également produit, et qui a été présenté en mai dernier à Cannes.

— Pensez-vous que le Losange distribue un certain type de film ? Faut-il respecter un certain esprit ? Ou bien l’idée est-elle de se renouveler constamment ?

Régine VIAL — Je ne pense pas que cela soit défini en termes d’obligations. C’est davantage un désir de travailler sur certains films, avec certains réalisateurs, certains producteurs. Nous avons beaucoup travaillé avec Pierre Salvadori, Lars Von Trier, Alain Guiraudie ou encore Olivier Assayas. Je pense que, naturellement, il y a une volonté de travailler sur des histoires singulières, qui ont une forme singulière et profondément originale. Pas originale au sens premier du terme, mais qui appartienne à l’univers singulier réalisateur, qui ait une réflexion sur la forme. C’est pour nous très important qu’il y ait une réflexion sur le fond et sur la forme. Après, nous pensons que les choix se font autour d’une certaine idée du cinéma européen, pas seulement français. En ce sens, il y a eu la rencontre entre Haneke et Margaret Menegoz, en production, qui nous a emmenés très loin en distribution. Nous avons quand même eu deux Palmes d’or avec lui. Lars Von Trier a également reçu la Palme d’Or.

Régine VIAL — Chaque film est différent, chaque film est une aventure différente. Un film d’Agnès Varda est différent d’un film d’Alain Guiraudie, de Nicolas Philibert, de Jean-Marc Moutout, et chaque réalisateur a une façon de travailler différente, et nous essayons à chaque fois de l’accompagner au mieux. C’est un métier de passeur. Nous passons le film du producteur ou du metteur en scène jusqu’au public. C’est aussi un métier d’accompagnement. Nous sommes comme des compagnons de voyage, il faut trouver l’affiche, la bande d’annonce, le bon chemin, le bon festival, la bonne façon d’en parler, le public qui va l’aimer. Chaque film a un chemin différent et il n’y a pas de sortie standard. C’est très important, et ce d’autant plus que nous sommes aujourd’hui dans un monde où l’on essaie de tout standardiser. Je pense qu’il faut savoir trouver, pour chaque film, le bon chemin. C’est très important et c’est finalement ce qui fait la force d’un distributeur. C’est un éditeur. Je pense qu’il faut toujours être fier des films, même quand ils sont difficiles, même quand ça se passe mal. Il faut avoir une certaine force intérieure pour résister au désamour des films, car de toute façon dès que vous montrez un film il ne vous appartient plus, il appartient aux autres et les autres sont quelquefois enthousiastes, mais souvent critiques. Il faut être déterminé et l’accepter, l’entendre sans vraiment l’entendre, et surtout ne pas se décourager.

— Pour prendre un exemple précis, j’ai vu la bande d’annonce Des Jours venus de Romain Goupil, qui m’a marquée, interpellée. Comment procédez-vous au choix de la bande d’annonce ?

Régine VIAL — Aucune affiche, aucune bande annonce n’est diffusée sans l’accord du metteur en scène. L’idée est donc celle de Romain. Nous avons d’abord travaillé avec la monteuse, puis Margaret Menegoz, la productrice, est intervenue. C’est un travail collectif, avec une volonté d’être singulier. On avait envie d’amuser, de vendre le film en faisant sourire. On a aussi eu envie de faire des teasers.

2. Entretien avec Romain GOUPIL, réalisateur - 6 juin 2015

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