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Entretien et recherches d'images d'archives.

Entretien avec Nathalie Incorvaïa, chargée de mission Démocratie Participative et Développement Local à Aubervilliers. Elle habite la ville depuis son enfance et connaît bien les problématiques et particularité de cette ville.

04 mai 2018

A.C

Bonjour, merci d'avoir accepté de répondre à mes questions à propos concernant la dalle du croisement de la rue Presles / Henri Barbusse.

N.I

Bonjour, c'est avec plaisir ! Il s'agit bien du jardin du 104 Barbusse ?

A.C

Oui c'est bien ça : je fais un service civique dans l'association qui a initié ce jardin mais je viens vous poser des questions dans le cadre de mon mémoire qui porte son analyse sur les lieux urbains qui reprennent vie grâce à des pratiques sociales après avoir été délaissés ou stérilisés...

N.I

Ah oui, vous dites délaissés, mais ce n'est pas vraiment le cas pour cette dalle du 104, en fait elle a été pensée par les services de la vie des quartiers (un service qui précédait l'actuelle

Démocratie Locale) pour recouvrir le parking et favoriser les pratiques du vivre-ensemble qu'il y avait déjà à l'époque, dans les années 1990 !

A.C

C'est ce que j'ai compris à propos des dalles : elles ont été conçues afin de concilier l'arrivée de la voiture en ville et la vie sociale qui doit continuer à se dérouler dans les espaces publics. C'est la création d'un espace public uniquement piéton. Mais n'est-ce pas ça qui a fait que les dalles sont seulement des espaces de passage ?

N.I

Là vous parlez des dalles comme la dalle de mars dite dalle Villette, où il y a plusieurs co-propriétés, plusieurs bailleurs et interlocuteurs privés, qui ne veulent pas coopérer, n'ont

pas les mêmes intérêts (surtout pas des intérêts publics), c'est ce qui fait que cette dalle pose des gros problèmes : elle se dégrade et n'est pas un espace agréable, donc il n'y a plus de vie.

La dalle du 104 appartient à l'OPH1. Le directeur est en lien étroit avec les élus et la vie des quartier et de la vie associative. Il collabore avec la vie des quartiers pour faire vivre les

espaces publics dont il est le propriétaire légal. Au début, dans les années 90, il y avait une vraie joie de vivre dans ces immeubles, c'était merveilleux, il y avait une belle entente entre les deux immeubles et les habitants avaient même installé une piscine ! Puis, vers les années 2000 il y a eu un repli sur soi assez remarquable, et c'est pour ça que la dalle n'a plus été beaucoup utilisée par les habitants.

Et puis l'autre problème de cette dalle et qu'elle est cachée, vue de la rue. Ça a permis de favoriser les trafics de drogue et les affrontements. Mais depuis que Jean Louis Querbes et moi-même avons rénové les jeux et le stade de foot 1998, l'espace est pris par les jeunes. C'est eux qui font vivre la dalle. Et puis il y a vous maintenant, avec le jardin, ça fait se rencontrer les gens, varier les pratiques !

A.C

Il y a eu une piscine sur la dalle?! Alors ça ! Alors que l'eau manque cruellement sur cette dalle en été et que l'on a du mal à faire avancer les choses pour y installer une fontaine... C'était donc les habitants eux même qui s'étaient organisés ? Il y avait alors des pratiques spontanées bien ancrées !

N.I

Tout à fait ! Mais vous aurez plus d'informations avec E.B des archives d'Aubervilliers, il y a un journal écrit sur le quartier Paul Bert qui retrace toute l'histoire. Vous savez qu'avant Aubervilliers était un petit village maraîcher, puis les usines industrielles s'y sont installées vers les quatre chemins. Et Paul Bert est un quartier entre les deux, où les ouvriers dormaient et où les derniers chiffonniers (biffins) ont habité. Vous savez, la loge du gardien du 104 c'était la maison de la dernière biffin d'Aubervilliers, on la voit dans le film Aubervilliers d'Eli Lotar commenté par Jacques Prévert. A.C

Que je regarderai !

1 Office Public de

l'Habitat. (anciennement Office Public de l'Habitat à Loyer Modéré)

Alors, pour résumer, nous en sommes là, avec des activités décalées sur cette dalle pour en valoriser l'espace et lui donner du sens, pour faire en sorte que ça soit aussi un lieu de mixité sociale. Nous avons remarqué que les habitants sont intéressés par les activités, mais il manque peut être une autre forme de dialogue, ou bien d'autres éléments pour que l'appropriation se fasse véritablement.

N.I

En même temps, les Albertivillariens en ont marre des oiseaux de passage. Ce qu'il faut, c'est de la présence sur les lieux pour les faire vivre, une visibilité !

Vous savez, il faut des lieux qui structurent, des lieux qui puissent être identifiés pour être à la disposition des publics. A.C

Ces structures ne peuvent-elles pas être installées dans des endroits actuellement délaissés, justement ?

N.I

Eh bien ! Je vais vous montrer un autre projet de jardin : Tuvalu, comme une île au centre du monde. Il a pris place sur un délaissé rempli d’ailantes, a coté du marché. Il a été élaboré avec la démarche HQAC2 portée par Stefan Shankland, un artiste plasticien qui recherche sur les métabolismes urbains en mutations, ça t’intéresserait d'aller voir notre travail ?

Nous sommes donc parties à la rencontre de cette île tropicale d'Aubervilliers.

La terrasse-jardin Tuvalu est aujourd'hui menacé de destruction.

Photographie: Arianna Ceccato le 04 mai 2018 2 Haute Qualité Artistique

et Culturelle, voir :

https://www.youtube. com/watch?time_ continue=73&v=P- ZVg2vDWKQ

N.I

Tu vois, ici ce qui est dommage, c'est que l'espace est

désormais partagé de manière démagogique : tout est pensé au travers de la marchandisation de l'espace. C'est comme ça que l'espace se meurt ! Ici les concessionnaires du marché ne jouent pas le jeu du partage, et les rapports humains sont délités par la marchandisation.

A.C

Comment ça, l'espace est privatisé par les marchands et les publics n'y ont donc plus accès ?

N.I

Si, les jours de marché, où l'espace est ouvert au public. Il y a des personnes qui en profitent, mais des jours comme aujourd'hui, personne ne peut venir. Les services publics ont dû fermer cet espace parce que les gens le dégradaient. Il y avait du mauvais trafic marchand, et du non-respect des lieux. Ce sont les gestes de quelques-uns qui privent les droits des autres.

A.C

Oui... et ce sont des problématiques qui se retrouvent dan beaucoup de services aujourd'hui !

En tout cas, je voudrais remarquer que la beauté d'ici, c'est la qualité de la démarche artistique avec la structure qui prend forme entre l'ombres des arbres et et le plein sud au soleil. Ça donne vraiment envie de se poser et d'y passer du bon temps à partager des choses et à cuisiner, jardiner, lire... !

En sachant que tout est fait de recyclage, de dons et de

matières et structures locales, je compare aussi quelque part avec le 104 qui a quand même cet avantage d'être tout le temps ouvert au public ! C'est inspirant !

N.I

Cet espace était pensé pour créer une île de partage dans ce terrain qui était anciennement un jardin. C'était pour rappeler qu'il y a de la terre sous l'asphalte fraîchement coulé. En

plus de ça, une carte sensible a été élaborée, reliant entre eux tous les lieux du patrimoine vert, civil et poétique du quartier Victor Hugo.

Mais Tuvalu est maintenant devenu doublement un

délaissé, puisqu'il se trouve en condition d’inaccessibilité à cause de la fermeture de cet espace et parce qu'il se trouve

géographiquement sur un terrain qui va subir des prochaines mutations.... tout ça va disparaître, comme son nom

l'indiquait3.

La dernière fête sur cette île se fera le 22 juin.

3 « Tuvalu pourrait être d’ici la fin du XXIe siècle, le premier État à disparaître sous les eaux du fait du réchauffement climatique » Lire aussi :

http://www.artcop21. com/fr/events/tuvalu- _-an-island-in-the- heart-of-a-world-in- mutation/ Le jardin Tuvalu à Aubervilliers, détails. Photographie : Arianna Ceccato le 04 mai 2018

Rencontre d'Elodie Belkorchia et de ses collègues aux Archives Municipales d'Aubervilliers.

Ce n'est pas un entretien mais quelques questions et des photos d'archives ont permis de me rendre compte de la chronologie constructive du lieu, et de son histoire.

Aubervilliers, jusqu'en 1870 environ était donc encore une sorte de village, avec un bourg un peu plus éloigné vers

pantin (quatre chemins), justement là où se trouve la dalle et notre potager. Les agriculteurs et les artisans étaient dans le centre ville, les ouvriers et les biffins vers le bourg des quatre chemins.

En 1870 il y avait peu d'habitations dans ce bourg et elles étaient toutes regroupées, et loin du centre-ville. Vers les années 1900, les habitants de ce quartier excentré ont exprimé leur désir d'indépendance, se sont soulevés contre l'administration du centre ville et ont décidé de ne pas attendre les autorisations préfectorales pour organiser leur quartier. Les chefs d'entreprises habitant là veulent dynamiser leur quartier et y construire des complexes d'habitation, scolaires, sportifs et de santé.

Le quartier Paul Bert s'est appelé ainsi suite à la construction de l'école Paul Bert, mais avant ce nom, le lieu dit s'appelait

la Motte.

Ce quartier fut le dernier lieu d'habitation des biffins, notamment d'un ferrailleur, atelier que l'on peut voir juste avant sa destruction en 1970 sur les photos d'archives.

Sur les photos, l'on peut voir des enfants jouer sur cette dalle. Le public n'a pas changé, ce sont encore eux les principaux habitants de cet espace.

Anecdote : Guy Debord pendant ses pérégrinations au départ de la ville de Paris arrivait souvent à Aubervilliers.

C'est d'ailleurs à Aubervilliers que se tint la première conférence de l'Internationnale Lettriste, le 7 décembre 1952 entre ses quatres membres : Jean-Louis Brau, Guy-Ernest Debord, Serge Berna, et Gil J Wolman.

Photographies d'archive du quartier Paul Bert, vue sur le patrimoine de l'OPHLM en 1970. Auteur inconnu. Consultées aux Archives Municipales d'Aubervilliers par Arianna Ceccato le 05 mai 2018

Photographie d'archive de l'atelier du

ferrailleur, dernier biffin d'Aubervilliers.

Auteur inconnu, 1970. Consultées aux Archives Municipales d'Aubervilliers par Arianna Ceccato le 05 mai 2018

Photographies d'archive. La dalle a toujours été le terrain de jeu des enfants. Enfants qui jouent et glanent dans l'atelier du ferrailleur.

Auteur inconnu. Consultées aux Archives Municipales d'Aubervilliers par Arianna Ceccato le 05 mai 2018

Une Cabane à

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