• Aucun résultat trouvé

Enseignement de l’utilisation de l’effet placebo lors des stages ambulatoires

J-L Rouy le fait remarquer dans la revue Exercer (24) : « la fonction thérapeute du médecin comporte un « quoi prescrire » et un « comment prescrire ». C’est dans ce « comment » que se situe le placebo. Or cette fonction thérapeutique déborde très largement la rédaction d’une ordonnance (…). Cet acte de prescription dépend étroitement de tout un contexte relationnel établi, parfois depuis longtemps, entre soignant et soigné. Il est illusoire de vouloir construire un enseignement sur le placebo qui ne tiendrait pas compte de ces facteurs. Illusoire également de se passer d’une réflexion personnelle sur l’acte et la portée de la prescription ».

Pourtant, alors que l’utilisation de l’effet placebo semble être une pratique courante en médecine générale, le sujet semble peu ou pas abordé avec les enseignants cliniciens ambulatoires lors des stages de médecine générale ambulatoire.

Pour apporter un éclairage sur ces questions nous allons nous intéresser à la manière dont se déroulent les stages ambulatoires en médecine générale, ainsi qu’au processus de transmission de savoir dans ce cadre.

L’apprentissage de la médecine générale dans le cadre du troisième cycle a été révolutionné au cours de la dernière décennie par l’apparition des stages de médecine générale ambulatoire. Le stage de premier niveau est structuré en plusieurs phases permettant un meilleur apprentissage pour l’interne. Comme cela est expliqué dans le « Guide pratique de l’enseignant clinicien ambulatoire en médecine générale » édité par le CNGE, le stage de premier niveau type se déroule en trois phases progressives qui peuvent s’imbriquer entre elles et qui n’ont pas de durée définie par avance :

Ø La première partie est une « phase d’observation active ou le Maître de Stage des Univertsités (MSU) demande à l’interne d’observer ce qui se passe, tant dans la démarche médicale qu’au niveau des relations interpersonnelles qui se jouent sur la scène de la consultation ».

32

Ø Dans une deuxième phase l’enseignant devient observateur à son tour, en direct. C’est le stade de la supervision directe, où l’interne prend le « fauteuil du médecin ».

Ø Dans la troisième phase l’interne travaille en solo, en dehors de la présence physique de son MSU. La supervision se fait alors à partir de la situation rapportée par l’interne. C’est le stade de la supervision indirecte.

Le stage de deuxième niveau, alias SASPAS (Stage Autonome en Soins Primaires Ambulatoire Supervisé) est constitué essentiellement par la supervision indirecte.

Maintenant que nous avons détaillé la manière dont se déroulent les stages en médecine générale ambulatoire, il est intéressant de s’attarder sur les études qui ont amené à proposer de tels outils pédagogiques, la pédagogie médicale étant devenue un sujet de recherche important depuis plusieurs années.

Un article de M Chamberland et R Hivon publié dans la revue francophone « Pédagogie médicale » (25) fait une revue de littérature sur les études ayant porté sur l’ « enseignant clinicien ».

Elle définit la notion de « modèle de rôle » comme un « médecin qui dans le contexte de son exercice professionnel influence l’apprentissage des étudiants avec lesquels il est en contact », cette influence pouvant être positive ou négative et sa magnitude négligeable ou significative. Elle rappelle que ce modèle de rôle a une influence primordiale chez les étudiants en passe de devenir des professionnels, notamment lorsqu’il s’agit d’aborder des problématiques complexes qui demandent l’intégration de l’ensemble des dimensions des compétences professionnelles.

Dans le contexte des stages ambulatoires en soins primaire, le modèle de rôle est primordial en phase d’observation, mais également dans les phases de supervision directe et indirecte puisque le MSU enseigne à l’interne en fonction de pratiques professionnelles qui lui sont propres.

Il s’agit donc de définir le bon « modèle de rôle », c'est-à-dire celui qui aura une influence positive (conforme aux compétences finales visées) et significative (26) :

33

Ø Les compétences cliniques sont nécessaires mais non suffisantes. L’enseignant clinicien doit être avant tout un expert clinique. Au centre de cette expertise, on trouve le raisonnement clinique, qui comprend les connaissances, les habiletés cliniques et techniques, la communication et les stratégies métacognitives. La notion de « stratégie métacognitive » est particulièrement importante dans le sujet qui nous intéresse. Il s’agit d’une « prise de conscience de ses connaissances et de ses actions, que l’enseignant clinicien doit être capable d’expliciter, d’articuler, d’expliquer, de critiquer voire de corriger et in fine d’être en mesure de rendre visible et accessible à l’apprentissage ».

Ø Le bon « modèle de rôle » doit également posséder des habiletés d’enseignement ou « compétences pédagogiques », qui comportent entre autre la réalisation d’un diagnostic du niveau de compétence et de compréhension de l’étudiant et des décisions pédagogiques adaptées à ce diagnostic et à la situation clinique rencontrée.

Ø Le bon « modèle de rôle » possède des qualités personnelles (compassion, intégrité et honnêteté, enthousiasme pour la pratique de la médecine et son enseignement).

Ø Et enfin le bon « modèle de rôle » a conscience d’agir comme un modèle et exploite le modèle de rôle comme une opportunité d’enseignement des dimensions de la médecine qui sont moins souvent formellement abordées et explicitées.

Bien sûr il serait illusoire de penser que tous les enseignants cliniciens possèdent l’ensemble de ces qualités. La limite la mieux identifiée du bon « modèle de rôle » est le modèle de rôle type silencieux ou implicite : alors même qu’ils sont interrogés spécifiquement sur la relation médecin patient, les enseignants ont de la difficulté à expliciter leurs actions et leur savoir sous-jacent (27). Les risques sont d’avoir une grande variabilité d’interprétation de la part de l’étudiant, et que cette manière de faire ne permettent ni la réflexion, ni la remise en question, ni la métacognition.

Il nous parait donc essentiel pour la transmission d’un savoir aussi complexe qu’est l’utilisation de l’effet placebo que :

- Les MSU aient conscience de le pratiquer et puisse l’expliciter et l’exprimer (metacognition).

34

- Les MSU aient conscience d’agir comme un modèle de rôle auprès des internes et utilise l’opportunité de ce modèle de rôle pour transmettre ce savoir.

Est-ce le cas en pratique ?

Des obstacles à la transmission de savoir, spécifiques à la médecine générale ont également été décrits lors d’une étude qualitative auprès de MSU (28) : la rencontre tardive entre MSU et internes (presque pas avant le troisième cycle) peut entraîner une frustration chez certains MSU et une incompréhension entre l’apprenant (en quelque sorte formé par l’hôpital) et l’enseignant. De même, l’implication pour la médecine générale est rapidement jugée par le MSU. S’il ne ressent pas un véritable attrait, il peut devenir difficile de créer des temps de supervision intéressant et des difficultés relationnelles peuvent survenir.

Documents relatifs