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CHAPITRE I : ÉVALUATION DES PARCOURS DE SOINS DES PATIENTS

B. E NJEUX LIES A L ’ UTILISATION DES MEDICAMENTS BIOSIMILAIRES

2. Enjeux liés aux institutions

Le développement de l’utilisation des médicaments biosimilaires est fortement dépendant du système réglementaire mis en place dans chaque pays. En conséquence, les institutions européennes et nationales, pour certaines impliquées dans les politiques de fixation des prix et de remboursement des médicaments, d’autres fixant des règles ou émettant des recommandations relatives à la pharmacovigilance, aux pratiques d’interchangeabilité et de substitution, de dénomination et de traçabilité des produits, sont des acteurs déterminants de la fixation de la politique du médicament biosimilaire en France.

En Europe, les premières recommandations relatives aux médicaments biosimilaires ont été publiées par l’EMA en 2005, suivies par la mise à disposition d’autres documents plus spécifiques, régulièrement révisés (European Medicines Agency (EMA), 2017c). Tous ces documents fixent le cadre réglementaire que doivent respecter les laboratoires et les conditions à remplir afin d’obtenir l’autorisation de mettre sur le marché un médicament biosimilaire. Ces documents sont les suivants :

- Une recommandation de base : « Guideline on similar biological medicinal

products » (CHMP/437/04 Rev. 1) ;

- Des recommandations générales relatives à la qualité et aux aspects

cliniques et non cliniques du développement des médicaments biosimilaires :

§ « Guideline on similar biological medicinal products containing biotechnology-derived proteins as active substance : quality issues »

(EMA/CHMP/BWP/247713/2012) ;

§ « Guideline on similar biological medicinal products containing biotechnology-derived proteins as active substance : non-clinical and clinical issues » (EMEA/CHMP/BMWP/42832/2005 Rev. 1) ;

- Des recommandations spécifiques aux différentes classes de produits pour

lesquels un biosimilaire est développé :

§ Facteurs de croissance leucocytaire : « Biosimilar medicinal products containing recombinant granulocyte-colony stimulating factor » (EMEA/CHMP/BMWP/31329/2005) ;

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§ Héparines de bas poids moléculaire : « Non-clinical and clinical development of similar biological medicinal products containing low-molecular-weight heparins » (EMEA/CHMP/BMWP/118264/ 2007) ; § Insulines : « Non-clinical and clinical development of similar biological

medicinal products containing recombinant human insulin and insulin analogues » (EMEA/CHMP/BMWP/32775/2005 Rev. 1) ;

§ Interferon bêta : « Similar biological medicinal products containing interferon beta » (EMA/CHMP/BMWP/652000/2010) ;

§ Anticorps monoclonaux : « Similar biological medicinal products containing monoclonal antibodies: non-clinical and clinical issues » (EMA/CHMP/BMWP/403543/2010) ;

§ Érythropoïétines : « Similar biological medicinal products containing recombinant erythropoietins » (EMEA/CHMP/BMWP/301636/08)

§ Hormone folliculo-stimulante : « Similar biological medicinal products containing recombinant follicle-stimulating hormone » (CHMP/BMWP/671292/2010) ;

§ Hormone de croissance : « Similar medicinal products containing somatropin » (EMEA/CHMP/BMWP/94528/2005).

Par ailleurs, l’EMA et la Commission Européenne ont publié le 5 mai 2017 un guide d’information à l’attention des professionnels de santé, intitulé : « Biosimilars in the EU – Information guide for healthcare professionals » (European Medicines Agency (EMA), 2017d).

D’autres documents produits par l’EMA et traitant des problématiques propres aux biomédicaments de manière plus générale, sont applicables aux médicaments biosimilaires. Il s’agit :

- De recommandations relatives aux modifications apportées aux procédés

de fabrication des médicaments biologiques :

§ « Comparability of biotechnology-derived medicinal products after a change in the manufacturing process - non-clinical and clinical issues » (EMEA/CHMP/BMWP/101695/2006) ;

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§ « ICH Q5E Biotechnological/biological products subject to changes in their manufacturing process: comparability of biotechnological/ biological products » (CPMP/ICH/5721/03) ;

- De recommandations relatives à l’immunogénicité :

§ « Immunogenicity assessment of biotechnology-derived therapeutic proteins » (EMEA/CHMP/BMWP/14327/2006) ;

§ « Immunogenicity assessment of monoclonal antibodies intended for in vivo clinical use » (EMA/CHMP/BMWP/86289/2010).

Au-delà de ces recommandations touchant au développement des produits et fixant un cadre aux laboratoires pharmaceutiques, une grande latitude est accordée aux institutions nationales pour fixer leur propre politique du médicament biosimilaire. Selon les cas, le cadre réglementaire mis en place dans certains pays peut avoir un impact fort sur les pratiques des professionnels de santé et sur l’acceptation des patients. Les principaux enjeux liés à la mise en place d’une réglementation propre aux médicaments biosimilaires, fortement corrélés les uns aux autres, touchent à la dénomination et la traçabilité des produits, à l’interchangeabilité et à la possibilité de substitution par le pharmacien. Ces deux derniers points ont été détaillés précédemment (cf. chapitre I du manuscrit), nous nous attarderons donc sur la dénomination des médicaments biosimilaires, qui fait actuellement débat. Si la prescription en dénomination commune internationale (DCI) est obligatoire depuis le 1er janvier 2015 en France, elle ne peut à elle seule assurer la traçabilité des médicaments biosimilaires administrés. Sauf exception, les médicaments biosimilaires ont une DCI commune mais des noms de marque distincts. C’est le cas par exemple du Remicade® et de ses médicaments biosimilaires Inflectra®, Remsima® et Flixabi®, qui partagent la même DCI : infliximab. La situation reste toutefois assez complexe en Europe, puisque certains médicaments biosimilaires de l’Eprex® partagent le nom « époétine alpha » tandis que d’autres portent la DCI « époétine zeta ». Certains partisans de la prescription en DCI unique, comprenant notamment les laboratoires producteurs de médicaments biosimilaires, basent leurs arguments sur le fait que la comparabilité est suffisante pour assigner la même DCI. Les opposants à la DCI unique avancent des difficultés en termes de traçabilité de l’administration et de pharmacovigilance, avec des risques de changements répétés

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d’un biomédicament à un autre non souhaités et non détectables. Ils proposent d’ajouter à la DCI un préfixe ou un suffixe pour distinguer les produits, consistant en une combinaison de quatre lettres permettant d’identifier le laboratoire ou alors choisies au hasard. Aux États-Unis, le premier médicament biosimilaire commercialisé par le laboratoire Sandoz®, dénommé Zarxio®, porte la DCI filgrastim-sndz tandis que le second médicament biosimilaire approuvé par la FDA, Inflectra®, porte quant à lui la combinaison DCI + suffixe de 4 lettres aléatoires infliximab-dyyb. En effet, dans l’intervalle entre l’approbation de ces deux médicaments biosimilaires, la FDA a publié en 2015 une recommandation sur la dénomination des produits, indiquant que ceux-ci devaient porter la DCI + un suffixe unique et dénué de tout sens ou de rapport avec le laboratoire. Cette recommandation va dans le sens de celle formulée par l’OMS (Farfan-Portet et al., 2014; Stevenson and Green, 2016). En France, l’article 149 de la Loi de Modernisation du Système de Santé (LMSS) fait état de l’ajout systématique du nom de marque à la prescription en DCI pour tous les médicaments biologiques.

Si le rigoureux cadre réglementaire mis en place par l’EMA dès 2005 est un élément en faveur du développement de l’utilisation des médicaments biosimilaires, les incertitudes relatives à la dénomination et la traçabilité des produits, faisant écho aux discussions propres à l’interchangeabilité et à la substitution d’un biomédicament de référence par un médicament biosimilaire, constituent aujourd’hui des freins majeurs à l’adoption de ces médicaments.

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