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D ES ENJEUX GENERIQUES

Un déplacement générique

Le genre participe de la tectonique et de l’architecture de n’importe quel texte, toujours lié de près ou de loin à un ensemble d’autres textes. C’est vrai du journal aussi. Le concept se situe dans le cas qui nous intéresse entre le désordre du réel et l’écriture référentielle. Il peut ainsi être pensé comme un code intermédiaire, complexe et instable, placé entre le réel et l’écrit, et dont les caractéristiques sont subordonnées à cet aspect référentiel. Le cadre générique s’avère pertinent pour se représenter les protocoles poétiques journalistiques qui fonctionnent souvent par enchâssement, et dont les étiquettes diverses participent étroitement de l’organisation textuelle de l’écriture et de la lecture.

Selon le Dictionnaire du littéraire, le « genre littéraire » recouvre deux pôles, le premier, théorique, « définit des règles de forme, contenu et but visés »; le second, empirique, « a opéré et opère des regroupements d’œuvres en ensembles plus ou moins stables, en mettant en avant l’un ou l’autre critère 64 ». Entre ces pôles, le genre est à la fois l’« architexte » et chaque « occurrence65 » renouvelant l’architexte. Bien qu’issu de deux traditions, « celle de la poétique et de celle de la rhétorique », le concept sert aujourd’hui surtout à désigner « les genres et les sous-genres de la littérature », écrit Dominique Maingueneau. Avec l’analyse du discours, la catégorie s’est élargie sur « l’ensemble des activités verbales66 », le concept évitant, du même coup, réductions sociologique ou linguistique. Parmi les genres institués, Maingueneau présente deux catégories : les genres auctoriaux (ce sont des indications comme « essai », « traité », « nouvelle » de l’auteur ou de l’éditeur) et les genres routiniers, catégorie dans laquelle se !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

64 Yasmina Foehr-Janssens et Denis Saint-Jacques, « Genre littéraire », dans Le Dictionnaire du littéraire, Paris, Presses

universitaires de France, coll. « Quadrige Dicos poche », p. 258.

65 Op. Cit., Montalbetti, p. 64.

66 Dominique Maingueneau, Le discours littéraire. Paratopie et scène d’énonciation, Paris, Armand Colin, coll. « U Lettres »,

rangeraient le journal et ses sous-groupes67. Selon ce dernier, les genres routiniers « sont ceux qui correspondent le mieux à la définition du genre de discours comme dispositif de communication défini sociohistoriquement68 » et qui sortirait de l’analyse poétique. Cette typologie pose le risque de reconduire des polarités : d’un côté, une production intransitive, « expressions de la “vision du monde” d’une individualité créatrice », de l’autre, transitive, « au service des nécessités de la vie sociale69 ». Si la question générique se rattache principalement à l’étude de la poétique, comme le notent Yasmina Foehr-Janssens et Denis Saint-Jacques, le journal, et particulièrement des genres comme les features et le reportage dans lesquels les variations personnelles occupent une place centrale, peut se lire selon les termes d’une analyse poétique.

La définition du genre est pourtant paradoxale, puisque ses catégories recouvrent des textes qui le mettent souvent en cause et qui le déjouent. Ces phénomènes d’écart, de renversement, de subversion ne dissolvent pas nécessairement le genre et ses codes. Ils génèrent un déplacement. La question d’écart générique interroge d’ailleurs particulièrement la relation entre l’écriture et le réel. Le genre, en tant que schéma préécrit, rend le réel lisible et le texte possible. Il est, comme l’indique Montalbetti, « un premier instrument d’interprétation commode […] par où situer chaque texte particulier dans des ensembles qui forment le paysage littéraire, et par où mesurer une conformité, et des écarts, des petites singularités qui à leur tour font bouger la configuration du genre […]70. » Le genre journalistique se trouve dans une position complexe, « entre finitude du lexique et infinitude du monde, entre littérarité du texte et insuffisance du réel71. » L’espace interstitiel qu’il occupe s’avère donc d’autant plus précaire qu’il est tributaire

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! 67 Ibid., p. 182-183.

68 Ibid. 69 Ibid.

70 Op. Cit., Montalbetti, p. 44. 71 Ibid., p. 64.

d’une confiance maintenue par un équilibre fragile entre le respect d’une grille préexistante et le respect des contours singuliers du réel.

Deux concepts explicités par Kathy Smith, dans un article sur John McPhee et sur la creative nonfiction articulent la relation entre l’écriture, le journal et le désordre du réel : the writing subject et the contract 72. Je traduis ici de façon très littérale par « le sujet écrivant » et « le contrat de lecture ». Dans la creative nonfiction, le sujet écrivant est de nature double : c’est à la fois le journaliste tel qu’il se profile dans le texte et celui qui écrit vraiment le texte. Le premier occupe une position symbolique qui garantit la discrimination des faits de la fiction, tandis que le second élabore concrètement un texte à partir d’un matériau factuel, et transgresse, dans le processus, la stricte réalité. Le premier apparaît de manière variable, parfois dans cette posture détachée de l’observateur fin, parfois dans celle d’un témoin empathique, mais il est chaque fois sans prise sur les évènements qu’il rapporte. Le second doit resserrer en une structure narrative cohérente des éléments épars, désordonnés. Le sujet écrivant se caractérise par ce revirement entre celui qui observe sans participer et celui qui organise et trie les faits, et qui leur donne finalement un sens.

Cette responsabilité par rapport aux faits constitue les assises, conditions sine qua non, de la poétique et de la posture des deux journalistes. La notion de « posture » telle que définie par Jérôme Meizoz se présente similairement au concept de Smith en deux pans, c’est « une conduite et un discours73 » : la « posture » inclut un statut hors du texte et dans le texte, « ce que la rhétorique nomme l’ethos74 ». Pour parvenir à définir la notion, Meizoz met l’accent sur des textes autobiographiques, autofictionnels, épistolaires, où il est possible de poser une équivalence !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

72 Kathy Smith, « John McPhee Balances The Act », dans Norman Sims (dir.), Literary Journalism in the Twentieth Century, New

York, Oxford University Press, 1990, p. 207.

73 Jérôme Meizoz, Postures littéraires. Mises en scène modernes de l’auteur, Genève, Éditions Slatkine, 2007, p. 28. (Meizoz met

en italique.)

entre le « je » et l’auteur. Pour ce qui est de lier fiction et posture, le critique postule aussi un lien distant avec l’idée d’une empreinte stylistique, comme « “le rythme” de Meschonic » ou « la présence du corps dans la langue75 ».

Dans le cas de la posture des journalistes Gallant et Roy, il s’agit de relever, d’une part, des traces d’une conduite concrète en contexte de recherches prérédactionnelles et d’entrevue, mais aussi la manière dont les journalistes sont présentées par la rédaction; d’autre part, des effets de la présence ou de l’absence des journalistes dans le texte et du lien entre le texte et le journal, le milieu journalistique et d’autres milieux auxquels le texte s’associe ou desquels le texte se dissocie. Le concept suppose que Mavis Gallant et Gabrielle Roy « décollent76 » de leur personne biographique pour se construire une identité en tant que journalistes.

Découlant directement de la première fonction du sujet écrivant, le deuxième concept de Kathy Smith, le contrat de lecture, sert à expliciter un déplacement constitutif de la catégorie creative nonfiction : « If the narrative is labeled nonfiction, then the obvious assumption is that the event takes a privileged place in its relationship to writing77. » Cette étiquette change radicalement la valeur des éléments posés dans le texte, comme le souligne John McPhee :

Things that are cheap and tawdry in fiction work beautifully in nonfiction because they are true. That’s why you should be careful not to abridge it, because it’s the fundamental power you’re dealing with. You arrange it and present it. There’s lots of artistry. But you don’t make it up78.

Maingueneau rappelle que l’idée de « contrat », mais également de « rituel » ou de « jeu » revient souvent pour penser un dispositif comme celui des médias79. L’interprétation de Smith est donc !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

75 Ibid., p. 29. 76 Ibid., p. 27.

77 « Si le récit est présenté en tant que non-fiction, l’hypothèse évidente est que l’évènement occupe une place privilégiée dans son

rapport à l’écriture. » (Op. Cit., Smith, p. 207.)

78 « Les choses qui sont viles, laides et sans valeur dans la fiction agissent magnifiquement bien en régime non fictif, parce

qu’elles sont vraies. Ce qui explique qu’il faut être prudent, ne pas les réduire, c’est la puissance fondamentale de ce sur quoi vous travaillez. Vous organisez et présentez. C’est tout un art. Mais il n’y a rien d’inventé. » (John McPhee cité par Ibid., p. 209.)

très près de l’analyse du discours. Le contrat de lecture s’impose à partir du format, le support journalistique, et du péritexte, le titre du journal et les surtitres implicites ou explicites de reportage ou des features. Parallèlement, le contrat de lecture suppose la succession cohérente d’images au sein de la série du journal et de la série des articles d’une même auteure, confirmant, comme une pluralité d’angles sur le même prisme, son existence.

L’écriture journalistique de Gabrielle Roy et de Mavis Gallant met singulièrement à profit le contrat de lecture, puisque les deux femmes privilégient deux genres journalistiques près de la littérature et mettent de l’avant leur propre voix dans le journal. Selon Kathy Smith, le déplacement est en fait possible grâce à la nature de ce qu’est un genre, qui impose des contraintes tout en interrogeant ces mêmes contraintes : « […] genre, a structural concept that determines order, law and placement, manifests doubt about the very possibility of certainty, fixity, and meaning80. » En somme, les reportages de Roy et les articles features de Gallant s’ancrent bien dans un contexte journalistique, grâce au support, à des dispositifs graphiques et textuels. Le lecteur ne doute pas de leur véracité, mais leur enjeu est moins celui des faits rapportés, que celui de l’écriture, de leur esthétique, notion que Roland Barthes ramène à sa plus simple expression dans « Littérature et discontinu » : « Le problème esthétique est simplement de savoir comment mobiliser ce discontinu fatal, comment lui donner un souffle, un temps, une histoire81. » Dans le cas de Gallant et de Roy, ce « discontinu fatal » pointe justement vers la masse discontinue, désordonnée et compilable à l’infini d’éléments factuels.

Pour mesurer les paramètres de cette place accordée à l’écriture par rapport aux faits, il faut considérer l’ensemble du support qui est donné à lire. Chaque institution journalistique !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

80 « Le genre, un concept structurel déterminant l’ordre, les règles et la configuration, pose un doute sur la possibilité même de

toute certitude, fixité et sens. » (Op. Cit., Smith, p. 212.)

possède son histoire, son lectorat, son fonctionnement et son format à l’origine d’une continuité de lecture. Le Standard et le Bulletin des agriculteurs occupent à ce titre des créneaux très différents dont les conditions orientent, influencent ou parfois même entrent en conflit avec les visions de Gallant et de Roy. Les genres du reportage et des features, qu’elles pratiquent respectivement, imposent aussi leurs critères, identifiables dans une certaine mesure hors de leur contexte de publication premier.

Matérialité du journal

En contraste avec la matérialité du livre, le journal « exhibe un certain désarroi face à un monde morcelé, fragmenté, plutôt marqué par la division excessive que par l’unité82 », souligne Marie-Ève Thérenty dans La littérature au quotidien. D’emblée, la scénographie du journal tente de dire le désordre du réel avec ses titres, ses images, ses textes en damiers, auxquels le lecteur n’accède jamais d’un point de vue panoptique. L’imprimé médiatique se révèle comme une « matrice83 » « sous tension84 », notions que j’emprunte respectivement à Thérenty et à Maurice Mouillaud. Le deuxième terme de la définition, la « tension » pensée par Mouillaud, permet de caractériser la relation entre les composantes de la matrice du journal. Le terme pointe entre autres vers la précarité du contenu du journal. Les cases du journal sont en effet survolées, non pas traversées comme dans un livre. Le support a une durée de vie limitée à une journée, à une semaine ou à un mois, et tient, de surcroît, sur un papier fragile, dont le lecteur se débarrasse rapidement. Pour Mouillaud, la presse écrite fonctionne aussi en tension, parce qu’elle est faite

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82 Marie-Ève Thérenty, La Littérature au quotidien. Poétiques journalistiques au XIXe siècle, Paris, Éditions du Seuil,

coll. « Poétique », 2007, p. 81.

83 Ibid., p. 79.

d’oppositions : le texte et le paratexte, l’extérieur et l’intérieur du journal, l’actualité et le présent de la publication, le connu et la nouveauté, la carte et le territoire85.

Cette tension trouve cependant un contrepoint dans des éléments de continuité, composantes de la « matrice médiatique ». Contrairement aux notions de « système » ou de « structure », le concept de « matrice » connote ici une base à partir de laquelle certains éléments prennent forme de façon variable. Selon Thérenty, la matrice médiatique possède quatre caractéristiques observables dans la plupart des journaux : la périodicité, l’actualité, l’effet rubrique et la collectivité. La « périodicité » définit le rythme de publication; l’« actualité » est la temporalité qui génère le contenu; la « rubricité » concerne le fonctionnement par case et la « collectivité » provient de la juxtaposition d’auteurs, de croisements de points de vue et des procédés de collaboration et de réécriture de textes. L’imprimé médiatique se présente ainsi comme « une somme éclatée de fragments d’actualité, opération qui ne se résout jamais et qui nécessite sa reproduction jour après jour86. » À leur manière, les journaux dans lesquels Mavis Gallant et de Gabrielle Roy écrivent rejouent ces paramètres, tout comme les genres qu’elles privilégient.

The Standard

Le Standard naît le 23 septembre 1905 près des bureaux du quotidien du Montreal Star auquel il est affilié87. C’est un journal du samedi, équivalent canadien de l’Illustrated London News88. Le tirage s’élève à 93 730 exemplaires en septembre 1939, et il est l’un des hebdomadaires les plus lus du Canada anglais. Dans leur répertoire sur la presse québécoise,

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! 85 Ibid.

86 Op. Cit., Thérenty, p. 79.

87 Il fusionnera d’ailleurs en 1951 avec l’édition de fin de semaine du Star pour devenir The Week-End. 88 Jack Lawrence Granatstein, « Montreal Standard », dans L’Encyclopédie canadienne [En ligne]

André Beaulieu et Jean Hamelin racontent qu’à sa création, l’hebdomadaire vise avant tout l’élite anglo-saxonne de Montréal et du Canada :

Le Standard paraît à une époque où l’Empire britannique est au sommet de sa puissance. La communauté anglophone de Montréal s’enrichit grâce au développement de l’ouest du Canada et grâce à la main-d’œuvre à bon marché du Québec. C’est le groupe le plus privilégié et le plus influent du Canada anglais. […] Le Standard véhicule des valeurs chères au cœur de tout Britannique : l’attachement à l’Empire, le respect de la royauté, l’exaltation des exploits sportifs, etc89.

Il est publié en in-folio90 de 16 à 24 pages parmi lesquelles se trouve un cahier de quatre à huit pages d’illustrations. La rédaction mise sur les images de son supplément, « d’une belle tenue technique91 », imprimées sur papier glacé. Avec les années 1920, les références à l’Empire

britannique s’effacent et le journal ouvre ses pages à un public plus populaire, et présentent plus de textes d’information : « La politique nationale et internationale, le sport, le cinéma, les faits divers, remplissent les colonnes. […] Mais, et ce depuis les débuts, le Standard ignore souvent le Québec et les Canadiens français92. » C’est avec les années 1940 — et c’est près de l’arrivée de Mavis Gallant — que le Standard ouvre enfin un peu ses pages à la société canadienne-française. À l’époque, le gabarit du journal varie entre deux, trois ou quatre colonnes de texte selon la forme de l’illustration ou de la photographie qui accompagne les articles et selon les agencements typographiques du titre et des intertitres. Le lecteur croise des publicités destinées aux familles anglophones aisées de Montréal, comme des meubles « imperial loyalists », du « Fluffo » « the guest shortening at the family price », du « Lysol » pour que les femmes puissent nettoyer leur vagin93. Les publicités sexistes sont très répandues à l’époque94. Autre détail important, presque !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

89 André Beaulieu et Jean Hamelin, La Presse québécoise. Des origines à nos jours. 1896-1910. Tome quatrième, Québec, Presses

de l’Université Laval, 1979, p. 212.

90 « In-folio : Dont la feuille d’impression est pliée en deux. » (Le Grand Robert [En ligne], http://gr.bvdep.com/version-

1/login_.asp (page consultée le 25 novembre 2013)).

91 Op. Cit. Beaulieu et Hamelin, 1979, p. 212. 92 Ibid., p. 213.

disparu aujourd’hui, le Standard publie aussi de nombreux textes de fiction, à l’instar de la plupart des journaux de l’époque. C’est aussi le cas du Bulletin des agriculteurs.

Le Bulletin des agriculteurs (et Le Canada)

Gabrielle Roy écrira des billets et des nouvelles pour différents journaux et revues, mais c’est au Bulletin des agriculteurs qu’elle publie la majeure partie de ces reportages. Le Bulletin des agriculteurs d’aujourd’hui a d’ailleurs peu à voir avec le journal dans lequel Gabrielle Roy écrivait. Sur le site Internet lebulletin.com, on peut lire sur la page d’accueil qu’il est « la référence en nouvelles technologies agricoles au Québec ». Le journal, né le 2 février 1918 dans le sillon du Bulletin de la Société coopérative agricole des fromagers du Québec, répond à des besoins beaucoup plus diversifiés en 1940, comme le rappellent André Beaulieu et Jean Hamelin : « En 1940, l’agriculture n’occupe […] que 21 % de l’espace rédactionnel, la publicité accapare 35 % de cet espace, les pages féminines 11 %, la littérature 11 % aussi, les articles sur la politique et le bricolage sont plus nombreux […]95. » Le mensuel tire jusqu’à 145 000 exemplaires durant la Deuxième Guerre mondiale. C’est René Soulard, rédacteur-en-chef de 1938 à 1948, qui engage Gabrielle Roy en tant que collaboratrice officielle. À l’époque, le journal est un in-quarto96 et le gabarit fait quatre colonnes, partagées simplement entre la publicité, l’article et les images. Souvent illustrés par des photographies et des cartes, les reportages de Gabrielle Roy côtoient des publicités destinées à des familles d’agriculteurs. On y vend par exemple97 des paquets de papier à mouches « Wilson », « le meilleur de tous les attrape- mouches » ou on y vante les vertus des « gorets sans vers » pour publiciser les « Capsules contre !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

94 Sébastien Couvrette, Un discours masculin sur la société : la publicité dans les quotidiens québécois des années 1920 aux

années 1960, thèse de doctorat, Montréal, Département d’histoire, Université du Québec à Montréal, 2009, 367 p.

95 André Beaulieu et Jean Hamelin, La Presse québécoise. Des origines à nos jours. 1911-1919. Tome cinquième, Québec,

Presses de l’Université Laval, 1982, p. 174.

96 « In-quarto : où la feuille, pliée en quatre feuillets, forme huit pages. » (dans le Grand Robert [En ligne],

http://gr.bvdep.com/version-1/login_.asp (page consultée le 25 novembre 2013)).

les vers Nema Parke-Davis », « traitement efficace et bon marché pour détruire les gros vers ronds chez les porcs, les vers d’estomac chez les moutons et les chèvres, les petits vers et les gros vers ronds chez les chiens et les renards. Faciles à administrer. Chez votre pharmacien. » Le Bulletin fait presque toujours précéder les reportages de Roy par « les chroniques du Père Bougonneux », signées Valdombre, pseudonyme de Claude-Henri Grignon. Les billets de Valdombre sont campés dans un monde très traditionnel en contraste avec les reportages de Gabrielle Roy. Au mois d’août 1941, Valdombre critique par exemple le progrès technique :

Dans mon temps, un colon voyait à son affaire tout seul. Il faut dire, par exemple, qu’il y avait pas d’automobiles pour écraser le monde, pas d’électricité pour forcer les gens à porter des lunettes, pas d’avions pour déchirer le ciel pis les oreilles. On vivait avec