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DE QUELQUES ENJEUX ET CONSEQUENCES ETHIQUES DE LA CONCEPTION DU SUJET

Dans le document tel-00713104, version 1 - 29 Jun 2012 (Page 121-135)

4-1 – Introduction. .. ... p.123 4-2 – Du nouveau chez le sujet ? ... p.131 4-3 – Sujet et subjectivité. ... p.135 4-4 – Le sujet, devenirs et perspectives. . ... p.143 4-5 – Conclusion : l'avenir du sujet. ... p.149

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4.1. Introduction.

« Le signifiant est ce qui représente le sujet pour un autre signifiant »1.

Jacques Lacan.

R

etracer préalablement l’émergence de la notion de sujet sur un plan historique et théorique, revient à saisir sa survenue à travers la production de discours. Situer les repères chronologiques, les moments clé de l’évolution du concept de sujet2, n’a d’autre but que de faire le lienentre l’Histoire du concept au fil des siècles et les conditions qui préexistent à son émergence.

L’apparition de l’humain se fait lors de l’avènement du langage. Dans une époque qui ne permet pas encore sa conceptualisation, le sujet émerge bel et bien, même si sa naissance ne sera avérée que dans l’après coup de la découverte Freudienne. Sujet-humain, capable dès lors de créer l’outil pour en fabriquer un second - la première réalisation supposant la conceptualisation de la deuxième. Sujet-humain capable aussi d'assimiler l'idée de la mort, de la mettre en scène dans un cérémonial. L'enchaînement de S1 au S2 est déjà là, entrainant le sujet-humain dans la métonymie de la chaîne signifiante du langage. Accédant ainsi à la perception d'un avant et d'un après, c'est son inscription dans la temporalité et sa condition d'être-mortel qui lui sont révélées.

La naissance des sciences ouvre la voie d'une approche analytique et rationnelle de la compréhension de l’humain. De l'époque grecque nous en parviennent les premières traces écrites : le sujet, forgeant des mythes qui sont autant de réponses à ses questions : comment vivre ? Comment mourir ? ... . Ainsi propulsé au centre d'un univers agencé par les dieux, il tente « d’écorner le réel »3.

1 Formule que Lacan utilise dès la fin des années 50 et qui souligne « l’insaisissable du sujet ».

2Sauret, M.-J., La Psychologie Clinique Histoire et Discours. De l’intérêt de la psychanalyse, Toulouse, Presses Universitaires du Mirail, 2002.

3Ibid.

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Page | 124 Le penseur grec, qu’il soit physicien, mathématicien, philosophe, médecin, prolongera cette conception déjà élaborée de l’être et de la matière. Ce sujet reste au centre de son monde, maître de son jeu.

Quelques siècles plus tard le Moyen Age, fait figure de période sombre, dominée par le religieux. L’appropriation des écrits grecs par le monde occidental, la maîtrise de la technique de fabrication du papier par les chinois, entre autre, ont marqué cette période. C’est une période d'accumulation, de centralisation et de transmission du savoir, tant par le fait que se répandent les écrits - livres, traités, encyclopédies -, que par la construction des bibliothèques et l'apparition des premières universités. C’est aussi le temps de la scolastique, celui de l'enseignement philosophique et théologique des textes bibliques et des textes grecs, sous la forme de commentaires et de confrontations oratoires4. Désormais le savoir fait débat. Du fait de cette prolifération de possibilités d’accès à la connaissance, de cette incitation à savoir, décuplée par l'accroissement exponentiel des découvertes, un nouveau sujet se prépare : « un sujet inauguré par la capitalisation du savoir » [p69].

Plus tard, le sujet prend sa place dans la science moderne, en devient l’objet, sujet bordé et interprété par la réflexion5. Dans le courant des XVIIème et XVIIIème siècles, de grands scientifiques, Kepler (1571-1630), Galilée (1564-1642), Newton (1643-1727), vont chacun à leur manière poser les nouvelles bases et les lois universelles de la conception du monde, lesquelles délogent en quelque sorte le sujet de sa place centrale dans l’univers. Il en devient partie, et de fait, se trouve objectivé, inclus dans le regard scientifique en tant qu’objet d’étude. A l’aube du siècle des lumières, René Descartes (1596-1650) dans son « cogito ergo sum », « je pense donc je suis », place le sujet au centre du savoir. De la pensée dépend l’être.

Le sujet prend alors en main son propre savoir et s’autorise à penser par lui-même.

La psychanalyse, au XIXème siècle, prend acte de l’apparition corrélative d’un sujet à la fois

« sujet de l’inconscient » [p124] et sujet de l’acte « position d’un sujet décidé à demeurer responsable de sa réponse ». Il se différencie de l’individu ou du semblable, et, écrit Franck Chaumon6, « dès lors la venue au monde d’un sujet est à comprendre comme position à occuper dans l’enchaînement rigoureux des dons et des dettes qui lui préexistaient dans le

4 La scolastique comporte plusieurs formes : La lectio étude minutieuse et commentaire des textes fondamentaux de l’enseignement (la bible, les textes grecs), la questio domaine du maitre, la disputatio, lorsque interviennent d’autres participants, le tout étant régit de manière très stricte.

5 Ibid., p.81.

6 Franck Chaumon, psychanalyste.

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Page | 125 groupe, dans un réseau symbolique articulé comme un langage avant même que le sujet n’ait proféré le moindre mot »7. Il s’agit d’une place que le sujet doit prendre dans ce qui le précède du fait de ce qui se dit ou ne se dit pas de lui, du fait des lois de la nature, des lois du langage et des lois de l’échange.

Dans l’ensemble des mouvements se référant à la psychanalyse, peuvent être distingués ceux qui vont s’approprier ses concepts et ceux qui vont s’y opposer. Le sujet peut être pris dans une conception dualiste : d’un côté le sujet de la conscience et de l’autre le sujet de l’inconscient, compris comme non conscient. Ce dernier, dominé par les pulsions, peut apparaître à tout moment, présentant en quelque sorte le côté obscur de l’humain, ce qui renvoie à des notions éloignées de la conception freudienne, ce qu'Elisabeth Roudinesco8 dénonce comme étant « d’un côté le paradis de la norme (les adeptes du dieu solaire, pacifistes et hédonistes), de l’autre l’enfer de la pathologie (les fous, les pédophiles, les pervers, les monstres, les chrétiens, les Juifs, les nazis, les musulmans) »9. Il est question également d’un sujet déterminé par l’ordre symbolique, ordre symbolique dont le sujet est inconscient (dans le sens de n'en ayant pas conscience) devenant alors pur produit de cette détermination ce qui de fait le déchoit de sa place de sujet de l’inconscient.

Parmi les courants qui s’opposent à la psychanalyse il en est qui présentent un sujet découpé comme on peut le voir dans le DSM4 (Disorder Satistical Manual / Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux) dans lequel ne sont pris en compte que les comportements.

Cela donne lieu à une multiplication des cases classificatoires. Dans cette course effrénée à la précision nosographique, la psychiatrie se trouve prise dans une sorte de paradoxe : la prolifération des diagnostics argumente une individualisation de la maladie, permettant le comptage du particulier, mais laissant de côté la parole du sujet. On trouve un sujet promis au plaisir avec les T.C.C., les Thérapies Cognitives et Comportementales, qui s’attaquent directement au symptôme, tentant de le faire disparaître par une thérapie du bonheur et une pharmacopée étendue.

Ce qui se perçoit là, c’est une fracture dans l’approche du symptôme tel qu’il est abordé dans les psychothérapies, sur le versant du signe pathologique, et l’approche de la psychanalyse

7Chaumon, F., Lacan. La loi, le sujet et la jouissance, Paris, Editions Michalon, le bien commun, 2004, p.24, l.15-20.

8 Elisabeth Roudinesco, psychanalyste.

9 Roudinesco, E., Mais pourquoi tant de haine ?, Paris, Editions du Seuil, 2010, p.36, l.4-8.

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Page | 126 qui, elle, l’interroge dans sa dimension de solution « choisie par le sujet pour nouer les dimensions dont il est fabriqué et loger ce qu’il a de singulier dans le lien social »10.

A chaque époque une façon d'habiter le discours, à chaque époque une façon d'habiller le sujet : le lien passe par le langage. La polysémie, jusqu’à présent évoquée, du terme de sujet, s’origine dans les différents discours qui l’utilisent. Ce sont des discours savants produits par des penseurs, ou des chercheurs, et dont l’émergence n’est pas sans effets ni sans conséquences sur le sujet. De fait, l’invention de ces nouveaux concepts, de ces nouvelles classifications, alimente l’idée « d’un nouveau « sujet » comme lieu d’unification des facultés, des affects ou des compétences »11, en accord avec ce qui l’entoure.

Ce sujet n'est pas le sujet de la psychanalyse, il n'est pas celui que Lacan, à la suite de Freud, définit comme représenté par un signifiant pour un autre signifiant qui, de part l'inscription dans la chaîne signifiante qui constitue sa deuxième naissance, est radicalement subverti.

Les progrès actuels de la science qui sont ici soulignés, impliquent-ils par les discours et les effets qu’ils produisent, la nécessité de reconsidérer la structure ? De se confronter à de nouveaux symptômes ? De devoir penser autrement la conception du sujet ? Dès lors la psychanalyse n'aura de cesse de questionner la position du sujet.

La symptomatologie propre à notre époque, en concordance avec les avancées scientifiques de notre société, impulse la création de nouvelles conceptions. Les temps Freudiens et les temps Lacaniens ne sont pas les temps actuels. Peut-on pour autant évacuer leur lecture, leur conceptualisation ?

Dans « La science et la vérité »12, Lacan met au centre du statut du sujet « un moment historiquement défini ... celui que Descartes inaugure et qui s’appelle le cogito » [p.856], formule cartésienne que Lacan, donc, revisite en ces termes « je pense: « donc je suis » » [p.864-865] et demande de lire « la pensée ne fonde l’être qu’à se nouer dans la parole où toute opération touche à l’essence du langage »13. Dans ce même texte, Lacan définit « le

10 Porge, E., et al., Du sujet de nouveau en question. Réponses d’Erik Porge et de Marie-Jean Sauret aux questions de Nicolas Guérin, Psychanalyse 2009/3, N° 16, p. 71.

11Aouillé, S., Bruno, P., Chaumon, F., Lérès, G., Plon, M., Porge, E., Manifeste pour la psychanalyse, Paris, Editions la fabrique, 2010, p.95, l.23-24.

12Lacan, J., La science et la vérité, in Les Écrits, Paris, Editions du Seuil, Le champ freudien, 1966, pp. 855-877.

13 Ce qui est à nouveau indiqué dans la conférence à l’université de Milan, le 12 mai 1972 : « Mais c’est un fait

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Page | 127 sujet sur quoi nous opérons en psychanalyse » comme ne pouvant être que « le sujet de la science » 14. Ces deux passages - relient la naissance du sujet freudien à la naissance historique du sujet de la science, - enchaînent intimement le sujet comme être de parole et - établissent le lien entre le sujet en psychanalyse et le sujet de la science. La science dont la position décrite dans ce texte est la suivante : « un changement de style radical dans le tempo de son progrès, de la forme galopante de son immixtion dans notre monde, des réactions en chaîne qui caractérisent ce qu’on peut appeler les expansions de son énergétique. A tout cela nous paraît être radicale une modification dans notre position de sujet, au double sens : qu’elle y est inaugurale et que la science la renforce toujours plus »15.

De ce temps se dégagent trois notions essentielles pour ce qu'il en est de la définition du sujet avec les répercussions théoriques, cliniques et politiques qui en découlent : « là où la psychanalyse pose la division du sujet du fait même de l’existence d’un savoir inconscient, la psychologie ne cesse de promettre son unité, par la conquête d’un savoir à venir » citation extraite du « Manifeste pour la psychanalyse »16.

La psychanalyse subvertit la notion de sujet : la parole vient nouer la pensée à l’être du sujet.

Elle englobe toutes les autres notions qui, n’ayant pas eu ou n’ayant pas recours aux concepts qu’elle apporte, ne peuvent en extraire la spécificité. Quoiqu'il en soit, il semble bien qu'il faille interroger ce qu’il en est du « néo sujet », de « la Nouvelle Économie Psychique », des

« nouveaux symptômes » d'où émerge une « identité psychique, un sujet autre ».

Dans leurs échanges, rapportés dans le livre L’homme sans gravité. Jouir à tout prix17, Jean-Pierre Lebrun18 et Charles Melman19, étayent leurs points de vues sur une nouvelle conception du sujet : « il n’y a plus de division subjective, le sujet n’est plus divisé. C’est un sujet

que la psychanalyse, la pratique psychanalytique nous a montré le caractère radical de l’incidence signifiante dans cette constitution du monde. Je ne dis pas pour l’être qui parle, par ce que j’ai appelé tout à l’heure ce dérapage, cette glissade qui se fait avec l’appareil du signifiant ... c’est ça qui détermine l’être chez celui qui parle. Le mot d’être n’a aucun sens au dehors du langage ».Lacan, J., 1978, Conférence à l’université de Milan, Du discours psychanalytique, paru dans l’ouvrage Lacan en Italie 1953-1978, Milan, Editions La Salamandra, 1972.

14 Ibid., pp. 855-877.

15 Ibid., p. 855.

16 Aouillé, S., Bruno, P., Chaumon, F., Lérès, G., Plon, M., Porge, E., Manifeste pour la psychanalyse, Paris, Editions la fabrique, 2010.

17 Melman, C., L’homme sans gravité. Jouir à tout prix, Paris, Editions Denoël, 2002.

18 Jean Pierre Lebrun, psychiatre psychanalyste, ancien président de l’Association Freudienne Internationale.

19 Charles Melman, psychiatre psychanalyste fut l’un des principaux dirigeants de l'École Freudienne de Paris. Il est fondateur de l’Association Lacanienne Internationale.

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Page | 128 brut »20. Ce sujet, repéré au travers de l’émergence de nouvelles pathologies, se détermine à partir d'une assimilation de l’économie psychique à l’économie libérale de marché. C’est la NEP. : la Nouvelle Economie Psychique, syntagme utilisé par Charles Melman dans les années 200021.

Erik Porge22 reproche à cette dénomination d’« entretenir une confusion entre la psychanalyse, la sociologie et la psychologie »23, confusion sous tendue justement par la lecture qui est faite des nouveaux symptômes et des nouvelles pathologies, d’où est inférée l’existence des néo-sujets, comme des « sujets identifiés du dehors ». Il pose alors un « sujet sans subjectivité » (ce qui est également le titre de son article) dans le sens ou l’un exclu l’autre en psychanalyse, où le sujet subjectifié ne peut être que du « je ».

Le titre de l'article, « Du sujet de nouveau en question »24, rappelle celui du texte de Jacques Lacan dans les Ecrits, « Du sujet enfin en question »25. Cela laisserait-il entendre que la question n’est pas nouvelle, qu'elle reste toujours d'actualité ? Cela dit, il faut souligner la divergence des termes « enfin » et « de nouveau », ce dernier semblant souligner l'exigence du questionnement. Il s'agit d'un article qui rapporte les réponses d’Erik Porge et de Marie-Jean Sauret26 à Nicolas Guérin27. Chacun argumente à son tour, et sans connaître la réponse de l’autre, ce qui « du sujet en psychanalyse semble de nouveau en question ».

Il est souligné dans ce texte la généralisation d’une réflexion dans les Ecoles et dans les Associations de psychanalyse, réflexion allant du questionnement créatif à la critique constructive du « néo sujet » et des « nouveaux symptômes ». Ces Ecoles et Associations semblent être toutes traversées par ce questionnement, chacune prenant en charge, à sa manière, les différents points d’émergence de ces concepts. Nicolas Guérin cite plus particulièrement Charles Melman de l’Association Lacanienne Internationale, qui utilise le

20 Melman, C., L’homme sans gravité. Jouir à tout prix, Paris, Editions Denoël, 2002, p.32, l.9-10.

21 Marie-Jean Sauret à la page 16 de son livre Malaise dans le capitalisme, paru en 2009 aux Presses Universitaire du Mirail, précise que c'est Lacan qui utilise le premier l'expression « économie psychique » dans Le séminaire, Livre XI, Les Quatre Concepts Fondamentaux de la Psychanalyse, p.162.

22 Erik Porge, psychanalyste, directeur de la revue Essaim.

23Porge, E., Un sujet sans subjectivité, Essaim-revue de psychanalyse 2009/01, n°22, p.23-34

24Porge, E., et al., Du sujet de nouveau en question. Réponses d’Erik Porge et de Marie-Jean Sauret aux questions de Nicolas Guérin, Psychanalyse 3/2009, n° 16, p. 61-93.

25Lacan, J., Du sujet enfin en question, in les Ecrits, Paris, Editions du Seuil, Le champ freudien, 1966, pp.229-236.

26Marie Jean Sauret, professeur des Universités, psychanalyste, Laboratoire Cliniques Psychopathologique et Interculturelle de l’Université Toulouse 2- Le Mirail; 18, allées Antonio Machado F-31148 Toulouse Cedex.

27Nicolas Guérin, psychanalyste.

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Page | 129 syntagme de « La Nouvelle Economie Psychique » (2000) et Jacques Alain Miller de l’Association Mondiale de Psychanalyse, qui promeut une conception des « nouveaux symptômes » (1990)28.

28Source: introduction de Nicolas Guérin dans l’article Du sujet de nouveau en question.

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4-2. Du nouveau chez le sujet ? 

« Voilà encore un trait de la nouvelle économie psychique : il n'y a plus de division subjective,

le sujet n'est plus divisé.

C'est un sujet brut »29. L'homme sans gravité. Jouir à tout prix. Charles Melman.

Présentée par Jean Pierre Lebrun comme « une lecture radicale de la situation actuelle amenant à devoir penser un changement de grande ampleur aux conséquences anthropologiques incalculables, qui installe la congruence entre une économie libérale débridée et une subjectivité qui se croit libérée de toute dette envers les générations précédentes - autrement dit produisant un sujet qui croit pouvoir faire table rase de son passé »30, La Nouvelle Economie Psychique (la NEP) de Charles Melman est explicitée dans cet ouvrage.

Il s'agit d'une mutation inédite qui n'est pas sans effets et « qui nous fait passer d’une économie organisée par le refoulement à une économie organisée par l’exhibition de la jouissance »31. Cette jouissance qui « n’est recevable qu’à condition d’être de l’ordre de l’excès, c'est-à-dire produisant une éclipse subjective »32, envahit notre monde régi par une économie libérale de marché. Elle touche tous les niveaux de la société et semble être particulièrement « consommée » par les jeunes.

Le déclin du religieux, l’explosion du nombre des familles mono-parentales dont le seul adulte présent est souvent la mère, la perte des repères générationnels, le goût de se retrouver en groupe autour d'un même objet que l'on partage, l’apparition de la novlangue (un mot / une chose) sont les arguments sur lesquels s'appuie et s'organise La Nouvelle Economie Psychique. Ce ne sont plus les notions d’interdit, d’autorité, de savoir, qui règlent les rapports

29 Melman, C., L’homme sans gravité. Jouir à tout prix, Paris, Editions Denoël, 2002, p.32, l.8-10.

30 Ibid., p.13, l.13-18.

31 Ibid., pp.18-19, l.23-24 et l.1-2.

32 Ibid., p.105, l.27-28.

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Page | 132 humains mais les pratiques gestionnaires qui prennent le relais. On assiste à une désacralisation du domaine de la mort, par exemple dans l’exposition des corps :

« Koperwelten, la fascination de l’authentique »33, et on voit en outre la jouissance sexuelle perdre sa place d’exception et devenir « une marchandise parmi les autres »34.

A la question posée par Jean-Pierre Lebrun - qu’elle place pour le sujet ? - Charles Melman répond « il y a place pour un sujet, mais un sujet qui a perdu sa dimension spécifique … C’est devenu un sujet entier, compact, non divisé »35. Le sujet se modifie. Le progrès, l’autorisant à avoir accès aux objets de manière directe et immédiate, procure la satisfaction libre et possible du désir, l’incitant ainsi à la perversion. Il n’y a plus de place pour un sujet divisé par son désir puisque comblé par l'objet. L’objet a, cause du désir, objet à jamais perdu, et dont la perte constitue le sujet, cet objet a donc, prend corps au dehors sous forme de kyrielles d’objets issus des progrès de la production libérale.

La Nouvelle Economie Psychique est sensée nous assurer le bonheur [p.118], en multipliant et en favorisant les possibilités d'accès à une jouissance pour tous [p.139]. « Nous avons grâce à ce régime, le bonheur de participer à un monde qu’il faut bien dire positif, un monde simple où le mot, le signifiant, renvoie directement à la chose, n’a pas d’autres signifié que la chose elle-même. Et où la fonction de l’antécédent résume ce qu’il en est de la causalité : ce qui est avant est la cause de ce qui vient après. Nous sommes là dans le registre de la métonymie,

La Nouvelle Economie Psychique est sensée nous assurer le bonheur [p.118], en multipliant et en favorisant les possibilités d'accès à une jouissance pour tous [p.139]. « Nous avons grâce à ce régime, le bonheur de participer à un monde qu’il faut bien dire positif, un monde simple où le mot, le signifiant, renvoie directement à la chose, n’a pas d’autres signifié que la chose elle-même. Et où la fonction de l’antécédent résume ce qu’il en est de la causalité : ce qui est avant est la cause de ce qui vient après. Nous sommes là dans le registre de la métonymie,

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